Qui sont tous ces non-vaccinés qui se retrouvent à l’hôpital ? Non, ce ne sont pas nécessairement des caricatures de militants antivaccins adeptes de théories du complot, a observé sur le terrain la Dre Marie-Michelle Bellon. Durant la période des Fêtes, la Dre Bellon a eu l’occasion de faire des tours de garde à l’unité COVID de l’hôpital Notre-Dame, à Montréal. Des patients non vaccinés et hospitalisés, elle en a vu plusieurs. Des personnes sans-abri ou d’autres qui souffrent de problèmes de santé mentale, et qui n’ont pas assez de soutien pour les accompagner dans cette démarche de vaccination. Des personnes âgées, démunies, qui vivent seules et isolées. « Des gens qui ne sont pas assez malades pour qu’on se déplace pour les vacciner à la maison, mais pour qui prendre un rendez-vous de vaccination sur l’internet est compliqué. J’ai aussi vu des personnes sans carte d’assurance maladie, sans existence légale. L’une d’elles ne parlait ni français ni anglais. » Bref, beaucoup de personnes non vaccinées qui sont passés « entre les mailles du filet ». […] Je crois que les “antivax” sont très bruyants. Mais en réalité, parmi tous ceux qui ne sont pas vaccinés, ils représentent une minorité de gens.
Au cœur des Laurentides, le Dr Vincent Bouchard-Dechêne [coordonnateur médical du collectif COVID-STOP] partage les mêmes observations. « On fait souvent un amalgame entre les nonvaccinés et les antivax. Il y a des nuances importantes à faire », dit celui qui pratique à l’hôpital de Saint-Jérôme. « Dans les populations plus défavorisées, on voit plus de problèmes d’itinérance et d’isolement. On voit plus de personnes âgées qui ont peu de ressources, qui n’ont pas l’internet. Chez ces gens-là, il y a beaucoup de non-vaccinés qui ne sont pas des antivaccins », dit le Dr Bouchard-Dechêne, qui se dit persuadé que nombre de ses patients auraient accepté d’être vaccinés s’ils avaient été pris en charge plus tôt.
Bien sûr, l’ajout de restrictions aux libertés des non-vaccinés finira par en pousser quelques-uns à se faire vacciner pour échapper à la stigmatisation. « Mais ça ne change rien pour les populations qui sont déjà en dehors du réseau de la santé, dit Julien Simard, gérontologue social et chargé de cours à l’Université de Montréal. Ça ne fait qu’empirer le fossé avec le système de santé. » Il n’y a pas de portrait statistique de la fameuse proportion de 10 % de personnes non vaccinées, dit Julien Simard. Cependant, les difficultés d’accès au système de santé chez certaines populations vulnérables, surtout âgées, sont bien connues, rappelle-t-il. « Problèmes de mobilité, coût des transports en commun, perte d’autonomie, isolement social, très faibles revenus, problèmes cognitifs, méconnaissance des deux langues officielles, analphabétisme, fracture numérique, racisme, homophobie et méfiance envers le système de santé et les autorités, surtout pour les aînés réfugiés ayant quitté des contextes politiques difficiles » en sont des exemples.
Qu’est-ce que l’État peut faire de plus pour protéger les plus vulnérables, et ainsi ses hôpitaux ?Étendre la vaccination mobile à domicile, citent par exemple Julien Simard et le Dr BouchardDechêne. Mais aussi, intensifier les efforts pour rejoindre tous ces gens qui ne regardent ni les conférences de presse gouvernementales ni les médias dans lesquels l’importance de la vaccination est martelée depuis un an. « On dirait que tout le monde canalise sa frustration sur les non-vaccinés, sur l’impression que si on les force à se faire vacciner, on va régler la crise. Mais ce n’est pas nécessairement le cas », déplore la Dre Bellon.
Julien Simard va plus loin, accusant les décideurs de « vouloir créer des boucs émissaires » en ciblant les non-vaccinés. « Les hôpitaux ne débordent pas à cause des non-vaccinés, dit Julien Simard. Les hôpitaux débordent parce que la capacité hospitalière du Québec a été réduite de manière brutale dans les 30 dernières années en raison des politiques néolibérales. Ils débordent parce que le gouvernement n’a rien fait pour régler la transmission dans les principaux milieux d’éclosion, comme les écoles, les milieux de travail, et continue de nier l’importance de la transmission par aérosols. Le fait que la première ligne en santé soit pratiquement détruite n’aide certainement pas non plus. »
Et c’est sans parler de l’accès à la vaccination dans les pays défavorisés, rappelle-t-il. « Parce que, sans ça, même avec une couverture vaccinale de 100 %, nous continuerons d’avoir des gens qui vont mourir et qui seront hospitalisés. »
(Judith Lachapelle, Non, les personnes non vaccinées ne sont pas toutes antivaccins, La Presse, 11/01/22)
La mise au point de cet article de La Presse est plus que bienvenue pour contrer l’offensive gouvernementale qui vise, sur le dos de la partie la plus mal prise du peuple travailleur, à disculper la CAQ et les Libéraux de leur gestion pandémique pro-patronale aux dépens de la santé publique. Il faut en finir avec cette habitude de la morbidité qui s’installe dans notre désespérant quotidien. Mon seul désaccord porte sur la phrase suivante : « La réalité est qu’il n’y a aucune main-d’œuvre disponible. C’est déjà difficile pour le gouvernement de trouver du personnel pour les centres de vaccination… ». Le gouvernement pourrait financer les ressources communautaires et les CLSC pour contacter et vacciner chez eux les personnes non-vaccinées et rendre disponible la légion de travailleuses non essentielles tout en les payant et formant pour faire ce travail.
Mais pour aller dans cette direction, il faut oser affronter le patronat. Soit obliger le petit patronat à fermer boutique, quitte à subventionner leurs coûts fixes et les obliger à se mobiliser tout comme leurs travailleurs pour le soutien social (vaccination, tests, traçage, quarantaine). Soit à imposer à 100% le profit supplémentaire du grand patronat, qui la plupart du temps doivent fournir les produits et services essentiels, tout en leur imposant la panoplie complète des mesures de protection sous une ample supervision étatique et par l’incitation de la mise sur pied de comités santé-sécurité. Ainsi la pandémie sera l’occasion de faire l’apprentissage du contrôle des grandes entreprises et du bonheur d’une économie de solidarité nécessaire à la lutte climatique ce qui fera vite oublier l’abrutissante consommation de masse qui mesure le niveau de bien-être par la croissance du PIB.
11 janvier 2022
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