Édition du 19 novembre 2024

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Le blogue de Louise Chabot

Tim Hortons, Burger King et les bibliothèques scolaires

Qu’est-ce qui pousse un gouvernement à gratter les fonds de tiroirs à un point tel qu’il songe à couper dans l’approvisionnement en livres des bibliothèques scolaires ? Pourquoi de telles mesures d’austérité ? Comment se fait-il que l’on n’arrive plus à financer nos services publics ? À l’heure où l’on nous annonce des compressions importantes dans les services publics et des augmentations de tarif, l’acquisition de Tim Hortons par la géante américaine Burger King mérite que l’on s’y attarde de plus près.

L’évasion fiscale des entreprises a plusieurs visages et elle peut prendre plusieurs formes. Par contre, on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’un innocent Timbit glacé au miel serve de complice à un Whopper géant afin de lui faire épargner de l’impôt en sol américain !

L’inégalité du traitement fiscal

Les sociétés sont des entités complexes qui sont considérées comme des personnes morales aux yeux de la loi. Cependant, les sociétés ont des droits que nous n’avons pas en tant que personnes physiques ordinaires. Une société peut décider, par exemple, de déménager (sur papier) sa base d’opérations afin de payer moins d’impôts sur ses revenus (entre autres choses).

Pourra-t-on bientôt avoir droit à un Whopper avec notre moyen café torréfaction foncée deux laits ? En fait, rien ne changera pour ces deux compagnies. Burger King ne déménagera pas ses bureaux sur Bay Street. Nous ne verrons pas non plus s’ériger une tour Tim Hortons au Michigan ! La seule différence se fera sentir sur le plan fiscal pour les citoyennes et citoyens américains qui devront absorber une nouvelle perte de revenu pour financer leurs services publics.

Alors, c’est une bonne chose pour le Canada non ?

À ceux qui seraient tentés de croire qu’en déménageant sa base fiscale ici, Burger King financera en partie nos services publics, je ne dirai qu’une chose : préparez-vous à être déçus. Dans les faits, la raison qui pousse Burger King à déménager ses pénates à « Harper Land » n’est pas que le taux d’imposition des entreprises y est inférieur de près de 15 % à celui qui prévaut au pays de l’Oncle Sam. Cela a beaucoup plus à voir avec nos conventions fiscales.

C’est là que ça devient complexe

Voyez-vous, une compagnie américaine doit payer de l’impôt sur ses profits, peu importe l’origine de ces profits. Alors, une compagnie comme Burger King, déclarant des profits au Koweït, doit payer 12 millions de dollars annuellement en impôts au fisc américain. Les compagnies canadiennes n’ont pas cette obligation. De façon générale, en vertu de conventions fiscales internationales conclues par le Canada avec plusieurs pays, dont des paradis fiscaux, les compagnies canadiennes ayant payé de l’impôt dans d’autres pays ne sont pas imposées une deuxième fois lorsqu’elles rapatrient l’argent ici, peu importe le taux d’imposition à l’étranger.

Donc, non seulement l’union de Burger King à Tim Hortons ne bénéficiera pas au Trésor canadien, mais elle vole également 12 millions de dollars aux citoyennes et citoyens américains qui peinent déjà à financer leurs écoles et leur filet de sécurité sociale. Ce mariage de raison vient placer une pierre de plus à l’édifice de l’austérité. En fin de compte, le but de plusieurs sociétés est d’en arriver à payer un total de 0 $ en impôt, refilant l’ensemble de la facture des soins de santé, des écoles, de la voirie, etc., aux citoyennes et citoyens. Ce genre d’acrobaties comptables n’est qu’un exemple parmi tant d’autres qui mènent ultimement à des compressions budgétaires.

La montée des inégalités

L’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) nous apprenait hier que les inégalités de richesse n’ont pas cessé d’augmenter. Parallèlement, la contribution des entreprises au financement de nos services publics diminue comme peau de chagrin et la facture repose exclusivement sur les épaules des contribuables. N’est-il pas temps de mettre fin à ces injustices ?

Louise Chabot

Présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) (depuis 2012)

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