Dans cette société qui voit le jour vers la fin du XVIIIe siècle, donc au cœur de la modernité, une grande fissure apparaît entre la société civile et l’État. C’est dans un cadre où les grandes libertés syndicales (droit de négocier les conditions de travail et de rémunération et, droit de faire la grève) étaient niées, par les employeurs privés et l’État, qu’a émergé une résistance ouvrière tantôt à caractère économique et tantôt à caractère politique. Les luttes de résistance ouvrière ont largement contribué à la mise en place de certaines réformes à caractère progressistes aux niveaux économique, politique, social et culturel. Hélas, puisque le mouvement de l’histoire n’est jamais unidirectionnel ou linéaire, par la suite, certaines de ces réformes progressistes (mais pas toutes) seront plus ou moins frontalement remises en question. La vie politique est ainsi faite que nous sommes à même de constater, à certains moments, le triomphe d’idées progressistes et à d’autres moments nous observons l’inverse, à savoir : l’adoption par les gouvernements de mesures conservatrices, voire même réactionnaires.
Le syndicalisme, considéré sous l’angle des syndicats de salariéEs toutes catégories confondues, le capitalisme (manufacturier, industriel, postindustriel et cognitif), la société libérale et la société moderne, ne sont pas des phénomènes figés de manière irréversible dans le temps. Les formes institutionnelles qui les caractérisent se modifient et donnent lieu constamment à des reconfigurations. Le syndicalisme ouvrier est le résultat de nombreuses transformations qui sont survenues dans les paysages économique, politique, social et idéologique, depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu’à aujourd’hui.
Pour comprendre le syndicalisme (c’est-à-dire le regroupement professionnel lié à un métier, le regroupement professionnel des salariéEs d’une usine industrielle, les associations professionnelles [de cols blancs, de cols roses]), nous devons prendre le temps de définir certains concepts clés dont les suivants : la société civile, l’État, le travail, le travail salarié, l’exploitation capitaliste, l’oppression capitaliste et la domination capitaliste sur les lieux de travail, la société industrielle, le mouvement ouvrier, la résistance ouvrière, le mouvement social, le conflit, le conflit larvé, le conflit ouvert, le syndicalisme, la société post-industrielle, le rapport de force, le rapport de faiblesse, etc.
Nous commencerons notre récit en regardant comment la doctrine libérale, qui est au fondement de notre société contemporaine, a vu le jour. Cette doctrine, qui émerge aux XVIIe et XVIIIe siècles, s’oppose d’abord et avant tout, sur le plan politique, à l’absolutisme royal et, sur le plan économique, elle réclame le respect de la propriété privée et du marché ainsi que la réduction de l’interventionnisme de l’État au niveau social et économique.
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