Édition du 11 mars 2025

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États-Unis

Soutenir les forces occupantes : voilà la logique de la politique étrangère de D. Trump

En expédiant des armes à Israël en même temps qu’il met les ventes d’armes à l’Ukraine sur pause, le Président Trump soutient les nations qui « occupent des nations plus faibles  ».

Jonah Valdez, The Intercept, 4 mars 2025
Traduction, Alexandra Cyr

À la suite de la rencontre houleuse entre le Président Trump et le Vice-président Vance avec le Président ukrainien V. Zelensky dans le bureau ovale vendredi dernier, la Maison blanche a décrété lundi soir, qu’elle cessait les envois d’armes à l’Ukraine.

Un porte-parole officiel a déclaré que le Président Trump « se concentre sur la paix  », qu’il a besoin pour cela que ses alliés « soient également en phase avec cet objectif  ». Selon plusieurs rapports, et se référant à l’Ukraine encore, il a ajouté : « Nous faisons une pause pour réviser notre aide et pour nous assurer que cela contribue à une solution ».

Le Président américain avait servi un ultimatum au Président Zelensky à la fin de la rencontre dans le bureau ovale : « acceptez un cessez-le-feu avec la Russie « ou nous nous retirons ».

Cette pause dans la livraison d’armes à l’Ukraine était un virage attendu de l’administration Trump. Même avant qu’il soit sélectionné comme colistier de D. Trump, J.D. Vance plaidait pour que les pays européens soient responsables pour leur propre sécurité et pour la fin de l’aide militaire à l’Ukraine : l’Europe doit se tenir sur ses deux jambes (et) ne pas continuer à se fier sur les États-Unis pour la soutenir  » En même temps, D. Trump s’est ouvertement rapproché du Président russe, Vladimir Poutine proclamant qu’il était intéressé à la paix malgré le fait que son pays soit l’agresseur dans cette guerre qui se continue et qui a tué plus de 12,000 civils.es ukrainiens.nes.

L’administration Trump a pivoté dans sa politique envers l’Ukraine et la Russie rendant ainsi ses alliés moins confiants quant à son soutien pour leur sécurité, elle ne s’est pas appliquée à tous. Voyez Israël, un allié qui continue de bénéficier inébranlablement de l’éternel soutien américain.

Quelques heures après la rencontre avec le Président Zelensky, le Département d’État a avisé le Congrès que l’administration avait approuvé un nouveau contrat de vente d’armes à Israël pour la somme d’environ 3 mille milliards de dollars. Cette vente a été conclue alors que le Premier ministre israélien, B. Netanyahu a violé les termes du traité de cessez-le-feu à Gaza en bloquant l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande. Cette décision prétendait forcer le Hamas à accepter une nouvelle entente que l’envoyé spécial américain, Steve Witkoff, défendait et qui contenait des crédits en faveur de développeurs immobiliers américains et du gouvernement des États-Unis. Ce gel de l’entrée de l’aide alimentaire et d’autres biens vitaux à Gaza a soulevé les critiques des Nations Unies, des pays arabes et des groupes humanitaires. Ils ont condamné cet agissement du Premier ministre israélien et l’ont traité de punition collective imposée au peuple palestinien et de violation de la loi internationale.

À propos de cette nouvelle vente d’armes, le Secrétaire d’État américain a déclaré : « L’administration Trump va utiliser tous les outils disponibles pour tenir les engagements américains de longue date envers la sécurité d’Israël ce qui inclut les moyens de contrer les menaces à cette sécurité ».

Cette vente passe outre à l’approbation du Congrès, auquel sont soumises les ventes d’armes à l’étranger. Pour le faire, le Président Trump s’est servi d’une exception d’urgence qui autorise la Maison blanche à se passer de la révision des élus.es. Et ça n’est rien de nouveau. L’administration Biden en a fait autant à de multiples reprises pour vendre des armes à Israël depuis le 7 octobre 2023 pour une valeur de 200 millions en tanks, obus, bombes et autres équipements militaires.

Au cours de la première année de cette guerre, l’administration Biden a expédié des armes à Israël pour une valeur de 17,9 mille milliard de dollars selon l’Institut Watson pour les affaires internationales et publiques de l’université Brown. Depuis que D. Trump a pris la Présidence, la Maison blanche a approuvé environ 12 mille milliard de dollars d’armement à Israël selon le Département d’État.

Matt Duss, vice-président exécutif du Centre pour les politiques internationales, (un groupe de réflexion progressiste) estime « qu’il y a malheureusement une grande continuité entre les deux administrations. J’aurais voulu que les Démocrates se soient exprimés antérieurement, je voudrais qu’ils le fassent maintenant. Il s’agit d’une catastrophe humanitaire absolue qui aura des conséquences horribles maintenant et dans le futur pour la sécurité américaine ».

Le contrat actuel de l’administration Trump transférera 2,04 milliards de dollars à Israël en munitions dont 4,000 ogives Predator, 35,000 MK-84 et bombes BLU-117 appelées bombes de 2,000 livres. Israël les utilise de manière routinière dans les parties urbaines densément peuplées de Gaza. Un nombre incalculable de civils.es ont été tués.es par ces bombes et des hôpitaux et d’autres infrastructures ont été endommagés. Durant sa première semaine de mandat, le Président Trump a mis fin à un embargo installé par l’administration Biden en mai dernier sur ces bombes. L’actuel contrat de vente ajoute 600 millions de dollars en munition et des bulldozers Caterpillar pour une valeur de 300 millions de dollars. L’armée israélienne les utilise pour détruire les routes durant ses opérations

Le professeur de sociologie, de la Mount Royal University et analyste politique à Al-Shabaka, Muhannad Ayyash, estime pour sa part que les motivations du Président Trump sont claires : ce sont des intérêts économiques : «  Il n’aide pas, il investit. L’argent entre en Israël avec le titre « d’aide » mais revient subito presto dans les poches des firmes américaines qui développent et fabriquent des armes et s’enrichissent grassement avec ce processus. Le Président Trump ne voit pas d’avantages économiques en Ukraine ».

La majorité de l’aide américaine à Israël a la forme de de subventions qu’il peut dépenser en achetant de nouvelles armes directement des compagnies américaines ce qui aide à soutenir cette industrie. Ce que l’Ukraine a reçu, est au contraire tiré des réserves d’armes existantes au Département de la défense. Tout au long de ces cinq années de guerre, elle a reçu pour une valeur de 4,65 mille milliards de dollars d’armement neuf selon le Département d’État. L’aide à Israël a dépassé ce montant de plus de deux mille milliards de dollars durant la seule première année de la guerre génocidaire à Gaza.

Dans une entrevue en face à face avec Sean Hannity sur Fox News, le Vice-président J.D. Vance a clarifié à quel point les intérêts financiers motivent les décisions de politiques d’affaires étrangères de ce gouvernement. Commentant le désir de l’Ukraine de prévenir une autre invasion russe, il déclare : «  la meilleure garantie de sécurité est de donner aux États-Unis la main haute sur son économie dans le futur  ». Les deux pays ont pensé antérieurement à un accord sur les minéraux cruciaux qui permettrait aux Américains de les exploiter pour effacer ainsi le coût de l’aide versée. Il n’est plus certain que cette proposition soit encore d’actualité après la suspension de l’aide américaine.

Ms Duss et Ayyash s’inquiètent des implications américaines de la politique étrangère de soutien militaire sans faille à Israël, spécialement quand le Premier ministre Netanyahu menace les chances d’un cessez-le-feu permanent et que l’armée israélienne augmente ses offensives sur la Cisjordanie. Au lieu de passer à la deuxième phase du cessez-le-feu qui comporte le retrait des troupes israéliennes de la bande de Gaza et un engagement de mettre fin à la guerre, B. Netanyahu a mis le Hamas devant une entente alternative qui aurait étendu la première phase de l’accord pour 40 jours de plus. Le Hamas a rejeté ce plan. L’Égypte et le Qatar, négociateurs du plan original, ont décrié cette proposition de dernière minute. En réponse, le Premier ministre israélien a blâmé le Hamas pour non-respect de l’entente et a bloqué l’aide humanitaire à l’entrée de Gaza.

Durant la première phase du cessez-le-feu des milliers de Palestiniens.nes dépacés.es ont pu regagner leur lieux d’habitation au nord de Gaza pour entreprendre le nettoyage de des gravats et la recherche des corps qui y sont enfouis. Avec son sursis, B. Netanyahu continue à rassurer sont cabinet d’extrême droite que la guerre contre le Hamas se continue. D. Trump avance faussement que les États-Unis s’empareraient de Gaza, en expulseraient les Palestiniens.nes durant la reconstruction. Cette semaine, les pays arabes se sont rencontré et offert un contre plan de reconstruction sans expulsion des habitants.es et qui mènerait à une solution de deux pays, la Palestine et Israël.

M. Ayyash estime que le Premier Netanyahu et Israël « n’ont jamais été sérieux au sujet de ce cessez-le-feu et voilà que maintenant nous pouvons voir qu’ils n’ont jamais tenté de négocier la deuxième phase. Leur but est encore qu’un nombre aussi grand que possible de Palestiniens.nes sortent de Gaza pour en coloniser le maximum possible et mettre fin à la résistance palestinienne. En fin de compte ils veulent comme ils le disent, qu’Israël ait la souveraineté exclusivement juive, du fleuve (le Jourdain) à la mer (la Méditerrannée), avec un minimum de population palestinienne sur le territoire  ».

Commentant la situation ukrainienne, M. Duss estime : «  qu’un tel échec de cessez-le-feu est précisément ce qui donne au Président Zelensky un moment de réflexion face à l’entente de paix négociée entre les États-Unis et la Russie. Si, de fait, l’administration Trump appuie le Premier ministre Netanyahu dans sa décision de stopper le cessez-le-feu, c’est qu’il est aussi d’accord avec le Hamas. Cela ne donne aucune raison aux Ukrainiens.nes d’être confiants.es que les États-Unis pourraient soutenir vraiment quelque cessez-le–feu que ce soit intervenu avec V. Poutine. Le minimum en lequel les Ukrainiens.nes doivent avoir confiance c’est que les États-Unis sont d’accord pour obliger la Russie à s’en tenir aux termes du cessez-le-feu intervenu ; mais en ce moment, la position du Président Trump avec le Premier ministre israélien n’en est pas garante  ».

Malgré que l’administration Biden est clairement échoué à faire respecter ses lignes rouges face aux violations des droits humains par Israël, elle s’est quand même opposée à l’invasion russe (en Ukraine) et a critiqué ses crimes de guerre allégués. Les avocats.es et experts.es des droits humains parlent d’un double standard, d’une contradiction. Mais ce tournant positif envers la Russie rend la politique étrangère américaine plus claire idéologiquement : maintenant, les États-Unis soutiennent les pays aux ambitions impérialistes qui font face à des accusations d’atrocités, de crimes de guerre.

M. Duss ajoute : «  L’administration Trump semble maintenant se tenir aux côtés des puissants qui occupent des peuples plus faibles. Je préférerais que les États-Unis mettent fin à ce double standard en promouvant le respect des lois internationales par tous, amis ou ennemis. D. Trump fait le choix de résoudre les tensions autrement ».

Nos deux interlocuteurs, M. Duss et Aayash demandent aux élus.es américains.es et à la communauté internationale d’intervenir pour que soit restaurées les lois internationales mises en place après la deuxième guerre mondiale qui ont été défiées et érodées durant ces deux dernières guerres.

M. Duss exprime aussi son inquiétude quant aux Américains.es qui pourraient payer le prix de ces décisions en politique étrangère : «  Pas besoin de regarder bien loin en arrière dans l’histoire pour trouver des exemples en ce sens ; vous n’avez qu’à penser au 11 septembre  ».

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