Édition du 11 mars 2025

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États-Unis

Guantánamo : entre isolement et fouilles humiliantes, des immigrés dans le “trou noir”

De premiers témoignages révèlent les conditions dégradantes de détention dans la base militaire des États-Unis à Cuba, où le gouvernement Trump envoie des immigrés qu’il présente comme “criminels”. La justice a été saisie pour bloquer ces transferts “arbitraires”.

6 mars 2025 | tiré de Courrier international | Photo : Les premiers immigrés emmenés vers Guantánamo depuis les États-Unis, le 4 février 2025.. DHS/REUTERS
https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-guantanamo-entre-isolement-et-fouilles-humiliantes-des-immigres-dans-le-trou-noir_228424

“Rouler à vélo du mauvais côté de la chaussée. Traverser à pied le Rio Grande. Voler à l’étalage [au supermarché] Target. Voilà quelques-uns des antécédents des 178 immigrés vénézuéliens détenus en février à Guantanamo Bay, la base de la marine américaine à Cuba, tristement célèbre pour avoir servi à emprisonner des suspects de terrorisme en lien avec le 11 septembre 2001. D’autres semblent n’avoir aucun casier judiciaire”, écrit The Miami Herald.

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Le gouvernement Trump prétend envoyer à Guantánamo “le pire du pire” des immigrés, des “criminels” souvent membres de gangs. “Cette caractérisation est de toute évidence fausse. Elle est aussi hors sujet sur le plan légal”, dénonce l’Union américaine des libertés civiles.

Dans sa plainte déposée le 1er mars, citée par The New York Times, la grande association de défense des droits et libertés individuelles demande à la justice de bloquer des transferts “capricieux et arbitraires”.

“C’est reparti”

Après les Vénézuéliens, renvoyés depuis dans leur pays d’origine, “le gouvernement s’est mis à transporter là-bas par vols successifs, à partir du 23 février, de nouveaux migrants, venus de divers autres pays : Honduras, Colombie, Salvador, Guatemala et Équateur”, selon un document consulté par le New York Times. Certains sont détenus “dans un genre de dortoir”  ; d’autres, réputés “à haut risque”, logent “dans une prison de l’époque de la ‘guerre contre le terrorisme’ appelée ‘Camp 6’”.

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“Depuis son ouverture par George W. Bush, en 2002”, la prison militaire extraterritoriale “est synonyme de torture, d’isolement, de détention à durée indéfinie et du mépris de garanties constitutionnelles élémentaires”
, rappelle un éditorial du Washington Post. “Et désormais, c’est reparti.”

“Une fois de plus, à Cuba, les prisonniers se retrouvent dans ce que des juristes qualifient de ‘trou noir légal’.”

Au Venezuela,trois migrants passés par Guantánamo ont décrit au journal“comment certains d’entre eux ont été gardés menottés dans des cages sans fenêtre, privés de lumière naturelle et autorisés à sortir seulement une heure par semaine. Ils ont été soumis, déshabillés, à des fouilles invasives humiliantes, sans qu’on leur permette d’accéder à un avocat ni d’appeler leurs proches, résume l’éditorial. Isolés, certains criaient de longues heures durant ; d’autres menaçaient, voire tentaient, de se suicider.”

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“Nous avons tous pensé à nous tuer”, confie José Daniel Simancas, resté dix jours, qui a lui-même voulu se trancher les veines. Il n’avait, selon le Washington Post, aucun antécédent, pas plus que les deux autres témoins du journal.

Une odyssée pour rien

Le Miami Herald a également recueilli de premiers témoignages au Venezuela. Dont celui de Yoiner Jose Purroy Roldan. Quittant un pays en plein marasme, il a entrepris en 2023 le périlleux voyage à travers la jungle du Darién et jusqu’au Rio Grande, pour se retrouver finalement détenu au Texas. Le 7 février dernier, on l’a réveillé et mis dans un avion pour Miami, puis Guantánamo.

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“Purroy Roldan est l’un des hommes que le gouvernement fédéral a publiquement désignés, sans preuve, comme membre du gang [vénézuélien] Tren de Aragua. Lui et sa famille contestent avec véhémence l’accusation”, relate le journal de Floride.

“Des familles de détenus se sont demandé si leurs proches n’ont pas été ciblés pour leurs tatouages ou simplement parce qu’ils sont vénézuéliens.”

En effet, “beaucoup de ces hommes avaient des tatouages qui ne sont pas liés à des gangs, selon leurs familles”, bien que les autorités américaines les associent de longue date au Tren de Aragua.

À Guantánamo, raconte le même Vénézuélien, les repas “ne remplissaient même pas la moitié de l’estomac”. Les lumières, selon lui, étaient allumées en continu, et la surveillance des caméras et des soldats était permanente. “Ces conditions ont conduit les détenus à entamer une grève de la faim”, ajoute le Miami Herald, qui l’a interrogé.

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Revenu à Caracas, Yoiner Jose Purroy Roldan dit apprécier d’être parmi les siens et retrouver de la sérénité. “Nous avons immigré pour offrir une vie meilleure à nos familles”, confie-t-il au journal. “Mais la vérité, c’est qu’ils nous ont pris beaucoup de choses, nous traitant comme des criminels.”

Gabriel Hassan

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