Édition du 17 décembre 2024

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Environnement

Série noire : le Québec subit deux déversements de pétrole en deux mois

Deux mois après la terrible catastrophe pétrolière du Lac-Mégantic, le Québec se retrouve à nouveau aux prises avec un déversement pétrolier d’envergure. Heureusement, cette fois-ci nous ne déplorons aucune victime. Il n’en reste pas moins que 450 000 litres de mazout ont été déversés dans la région de Sept-Îles. Bien que des mesures d’urgence aient été mises en place, approximativement 5000 litres de mazout ont trouvé leur chemin dans un rayon de 8 à 10 kilomètres autour de la baie de Sept-Îles. Les impacts environnementaux sont encore mal compris, mais on s’inquiète déjà de la contamination possible d’écosystèmes côtiers et de zones de pêches.

L’auteur est directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki.

Le ministre Yves-François Blanchet s’est rendu sur place cette semaine pour constater les dégâts, et annoncer la mise sur pied d’un énième comité de travail qui élaborera une stratégie pour éviter de tels déversements dans l’avenir. Le ministre souhaite éviter d’opposer le développement économique et l’environnement. C’est pourquoi il invite des gens de l’industrie à siéger au comité aux côtés de représentants du ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs. Aucun représentant du public ou des groupes environnementaux n’a été invité. On sent une volonté de plus en plus affirmée du gouvernement de protéger le transport et l’extraction de pétrole au nom du développement économique.

Cet événement souligne des questions importantes sur notre préparation à ce genre de déversements. Neuf jours plus tard, on s’affaire toujours à récupérer le pétrole qui s’est échappé et l’absence de transparence dans ce dossier fait que les causes du déversement demeurent obscures. La difficulté de récupérer 5000 litres de pétrole dans une baie semi-fermée en plein été met en relief l’incertitude entourant la capacité des équipes d’urgences à récupérer le pétrole dans le golfe Saint-Laurent ou ailleurs dans le fleuve, advenant un déversement d’envergure.

En février 2013, le commissaire fédéral à l’environnement et au développement durable, Scott Vaughan, sonnait l’alarme sur le manque de préparation et de capacités du gouvernement fédéral à gérer une marée noire. On peut présumer que le Québec n’est pas préparé à faire face à un déversement d’envergure dans le fleuve, où de 150 à 200 déversements se produisent déjà chaque année. Imaginons maintenant un déversement pétrolier dans le golfe du Saint-Laurent en hiver si le site Old Harry était exploité. Qui pourrait prétendre intervenir efficacement ?

Les deux déversements de produits pétroliers de Sept-Îles et de Lac-Mégantic se déroulent alors que deux projets d’oléoducs sont présentement à l’étude. Ces projets permettraient d’acheminer 1,4 million de barils de pétrole par jour au Québec, alors que nous accueillons actuellement moins de 400 000 barils de pétrole par jour, soit l’équivalent de notre consommation. Transcanada prévoit construire un nouveau terminal pétrolier à Lévis dans le cadre de son projet Energy East. Serait-elle en mesure de stopper une marée noire avant qu’elle ne touche l’ile d’Orléans ? Rien n’est moins sûr à la lumière des événements récents.

La réalité est qu’une fois qu’un déversement survient, il est extrêmement difficile d’en contrôler les impacts, que ce soit en eau douce ou en milieu marin. Malheureusement, l’histoire récente nous enseigne que les risques reliés au transport de pétrole par train, navire ou oléoduc sont très élevés et les impacts potentiellement très dommageables.

Plusieurs régions du Québec, les Cantons de l’Est, la Beauce et la Côte Nord, ont dû faire face aux impacts de deux déversements de pétrole cet été. Au même moment, l’Outaouais, les Laurentides, Lanaudière, la Mauricie, Portneuf, Québec, Bellechasse et Kamouraska doivent se demander si elles veulent, elles aussi, être soumises au risque de déversements sur leur territoire. Bien que les promoteurs des projets d’oléoduc, de même que les gouvernements du Québec et du Canada nous demandent de les croire sur parole lorsqu’ils affirment que les risques de déversement sont négligeables, l’expérience récente nous enseigne le contraire.

Après deux déversements en deux mois, les Québécois sont en droit de demander des comptes.

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