Édition du 17 décembre 2024

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Économie

Série « Créances douteuses : La dette n’a pas d’odeur » France-Cameroun : Permis de piller !

La France, une des principales puissances économiques, est aussi l’un des principaux états créanciers de la planète, avec des créances bilatérales (c’est-à-dire sur des états tiers) de plus de 41 746 millions d’euro au 31 décembre 2016, soit 14,5 % de l’encours total des créances du Club de Paris (ce club sans aucun statut juridique regroupe les 21 principaux états créanciers et est hébergé à Bercy). De même, la France joue un rôle non négligeable dans les orientations du FMI et de la Banque mondiale , en raison du poids démesuré accordé aux pays riches dans ces institutions.

tiré de : [CADTM-INFO] BULLETIN ÉLECTRONIQUE - Mardi 6 février 2018

Cette position de la France – qui n’est pas sans rapport avec son histoire coloniale – est utilisée à outrance pour faire du fric : soutien aux dictatures, ventes d’armes, blanc-seing donné aux banques commerciales françaises, imposition de réformes libérales favorisant les multinationales, etc. Du fric réalisé en se moquant de la souveraineté des peuples, que l’on appauvrit en leur demandant de payer des dettes illégitimes et odieuses quand elles ne sont pas illégales, et souvent insoutenables puisqu’elles exigent de sacrifier des droits humains fondamentaux afin d’être remboursées. En voici quelques exemples.

Au 31 décembre 2016, la France comptait près d’un milliard d’euro de créances sur le Cameroun |1|. Ce montant reflète à n’en pas douter, les réseaux d’influence de l’État Français dans « ses » anciennes colonies, plus communément appelés « Françafrique ». Bien que placé sous la tutelle de la France et du Royaume-Uni après la défaite allemande de 1918, le Cameroun n’échappe pas à cette logique.

Depuis l’obtention de son indépendance le 1er janvier 1960, la République du Cameroun n’a connu que deux présidents ! Appuyé par les forces militaires et politiques françaises, Ahmadou Babatoura Ahidjo se retrouve propulsé à la tête du pays le 5 mai 1960. Souffrant, il sera « invité » par François Mitterrand à céder le pouvoir, laissant Paul Biya reprendre le flambeau en novembre 1982, sans passer par la case élection.

Six élections, aux résultats contestés, ont eu lieu en trente-cinq ans au pays du biyaïsme, où règnent répression et corruption. Encore plus qu’une « crise anglophone », c’est un ras-le-bol unanime des Camerounais-es qui s’exprime maintenant pour mettre ce despote servile hors d’état de nuire. Sans « l’aide » française, il y a fort à parier que Biya ne serait déjà plus.

Rappelons que Paul Biya, 5e au classement Forbes 2014 des plus grandes fortunes africaines avec quelques 200 millions d’euros (estimation basse), est soupçonné de biens mal-acquis |2|.

Rappelons également que depuis octobre 2016, au moins 55 personnes ont été tuées et plusieurs centaines ont été blessées par la répression menée par les forces de l’ordre camerounaises, qui « bénéficient » par ailleurs de la coopération militaire et policière française |3|.

Rappelons enfin que pour l’État français, maintenir au pouvoir Paul Biya est un moyen de promouvoir des entreprises françaises passées maîtres dans l’exploitation des ressources naturelles et des êtres humains à l’image de l’empire Bolloré.

Une dette contractée par un régime autoritaire, élu ou non, auprès de créanciers pleinement conscients de cet état de fait, est odieuse |4|. Soutenir financièrement un régime criminel, même pour des hôpitaux ou des écoles, revient à le consolider. Un milliard d’euro de créances de l’État français sur le Cameroun, c’est donc un milliard de trop !

Togo : Gazelles – Une chasse à 20 millions d’euros bientôt ouverte ?
Cinquante ans ! Cinquante ans que les Togolais-e-s cherchent à se défaire de la dictature des Gnassingbé : Eyadema père et Faure fils. Cinquante ans que les gouvernements français successifs sont complices des répressions contre la population. Des mois que le mouvement populaire « Togo Debout » conteste avec force cette situation et est violemment réprimé par Faure Gnassingbé.

Et bientôt, cinq hélicoptères français Gazelles vendus pour 20 millions d’euros à ce régime ? |5| La justification ? La « coopération militaire » française avec les forces de l’ordre togolaises. Si Matignon doit encore l’approuver formellement, le gouvernement Macron s’inscrit sans conteste dans le sillon de ses prédécesseurs. Accorder des prêts à des régimes dictatoriaux pour financer la répression de la population tout en prônant la fin de la françafrique. Odieux !

Notes

|1| 998,04 millions d’euros pour être exact.

|2| « Biens mal acquis : une enquête vise le président du Cameroun », Le Monde, 24 novembre 2010. URL : http://www.lemonde.fr/afrique/artic...

|3| « Coopération militaire et policière en Françafrique – De l’héritage colonial au partenariat public-privé », Survie, Novembre 2017. URL : https://survie.org/publications/bro...

|4| "Selon la doctrine de la dette odieuse, une dette peut être réputée odieuse et être annulée si elle a été contractée contre l’intérêt de la population et si les créanciers étaient au courant ou auraient dû faire le nécessaire pour l’être. Le fait qu’en plus, les créanciers savaient qu’ils aidaient un régime despotique est un facteur aggravant mais ne constitue pas une condition sine qua non pour déterminer le caractère odieux d’une dette. Voir Éric Toussaint, « Démystifier Alexandre Nahum Sack et la doctrine de la dette odieuse », cadtm.org.

|5| Agence ecofin, « La France pourrait enfin approuver la vente au Togo de 5 hélicoptères d’attaque de type Gazelle », 7 novembre 2017

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