Une opacité prévisible
Le récent projet de loi no 150, qui viendra confirmer l’annonce faite lors du dépôt du budget de mars 2016 concernant l’abolition du poste de Commissaire à la santé et au bien-être (CSBE), est le dernier clou dans le cercueil de la transparence du réseau. Voyons donc ce qui a précédé.
Dès le dépôt du projet de loi no 10 en septembre 2014, adopté depuis sous le bâillon, nous étions nombreux à dénoncer vertement le ministre Barrette qui souhaitait s’arroger de nombreux pouvoirs, dont ceux de planifier, d’organiser, de coordonner, de superviser, d’évaluer et de décider des soins de santé dispensés de toutes les régions du Québec. C’était du jamais vu !
Plusieurs modifications législatives démontraient une volonté gouvernementale de contrôler la gestion des nouveaux établissements régionaux en centralisant à Québec de nombreuses responsabilités. L’ampleur des pouvoirs discrétionnaires que le ministre Barrette comptait s’octroyer soulevait également de nombreuses inquiétudes. Son désir d’intervenir dans la microgestion des établissements constituait autant de risques d’ingérence politique et de politisation du système de santé. L’histoire nous aura malheureusement donné raison…
La réduction notable du nombre de conseils d’administration (de 182 à 34), les importants pouvoirs de nomination et l’abolition des postes réservés aux personnes élues par la population, aux organismes communautaires de la région et, enfin, au personnel des établissements suscitaient également de vives inquiétudes.
Les nouvelles mégastructures régionales créées par le projet de loi no 10 n’ont donc ni l’expertise terrain ni la latitude nécessaire pour considérer et intégrer les enjeux régionaux dans leur gouverne. Cela ne posera pas trop de problèmes au ministre puisque ces mégastructures n’ont pas non plus de comptes à rendre…
Les fenêtres placardées
Il devient de plus en plus difficile d’avoir accès à de l’information objective pour comprendre ce qui se passe au sein du réseau de la santé et des services sociaux. En effet, le ministre Barrette s’est affairé à fermer toutes les fenêtres qui pouvaient nous permettre d’y voir plus clair avec, entre autres :
– La fermeture du Centre de documentation du ministère de la Santé et des Services sociaux à l’automne 2015 (il s’avère plus difficile maintenant de repérer et d’obtenir certaines publications) ;
– L’arrêt de la publication de certains rapports, par exemple le Rapport de la gestion de la présence au travail – Assurance salaire ;
– Les multiples demandes d’accès à l’information refusées pour des motifs parfois douteux.
L’exemple nord-côtier
Au Centre intégré de santé et de services sociaux de la Côte-Nord (CISSS de la Côte-Nord), l’opacité est telle qu’on exige des gens participant aux différents forums de consultation et aux membres des comités d’usagers collaborant avec les conseils d’administration d’établissement qu’ils signent des ententes de confidentialité et, surtout, qu’ils ne révèlent rien de ce qui y est discuté. C’est aussi le cas dans tous les CISSS et les CIUSSS du Québec !
La perte de proximité des acteurs du milieu avec les conseils d’administration, le cadre contraignant imposé par le ministre et les réponses vagues aux questions comptent parmi les difficultés rencontrées par la population qui souhaite avoir des réponses et conserver ses services de proximité.
Les représentants des municipalités régionales de comté (MRC) de la Côte-Nord sentent une déconnexion telle qu’ils ont même invité les administrateurs du CISSS à démissionner s’ils étaient incapables d’exiger de la direction générale une gestion transparente et une ouverture à collaborer avec les décideurs de la région.
L’hypocrisie du gouvernement
Le 5 décembre 2014, Philippe Couillard déclarait : "Je suis convaincu que la transparence constitue la meilleure garantie d’un gouvernement intègre, respectueux des fonds publics et attentif aux préoccupations de la population. Nous sommes en voie de devenir le premier gouvernement véritablement ouvert de l’histoire du Québec".
À la lumière de ce qu’on peut observer dans le réseau de la santé et des services sociaux, on se rend compte que cette ouverture en était une d’apparat et que la transparence promise a plus des airs d’opacité totale. Comment croire le gouvernement libéral alors lorsqu’il nous dit agir pour le bien des patients ?
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