15 mars 2023 | tiré de Courrier international
Dans un long article pour lequel il a compilé de nombreuses données et publications scientifiques, le quotidien britannique The Guardian montre de quelle manière le méthane, puissant gaz à effet de serre moins médiatique que le CO2, représente une menace majeure pour le climat.
Il révèle d’une part que “plus d’un millier de ‘superfuites’ de méthane ont entraîné des rejets dans l’atmosphère terrestre en 2022, principalement depuis des sites pétroliers et gaziers”, et, d’autre part, qu’il existe 55 “bombes de méthane” dans le monde. Il s’agit de sites d’extraction de combustibles fossiles pour lesquels des rejets de gaz dans l’atmosphère pourraient représenter des niveaux de méthane “équivalents à trente ans de toutes les émissions de gaz à effet de serre aux États-Unis”, souligne le quotidien.
Le méthane a l’avantage de disparaître de l’atmosphère en une dizaine d’années, soit bien plus rapidement que le CO2 (qui met environ un siècle à s’effacer), mais il a un pouvoir de réchauffement 80 fois supérieur (molécule par molécule) à celui du dioxyde de carbone. De ce fait, il joue un rôle non négligeable dans le réchauffement de la planète, du moins à plus court terme que le CO2.
“La menace d’une catastrophe climatique causée par le méthane ne fait aucun doute. Mais entre la surveillance accrue par les satellites et la mobilisation croissante des acteurs politiques mondiaux contre ce puissant gaz à effet de serre, l’espoir reste permis”, selon le journal.
Délibérées ou accidentelles
L’agriculture, notamment avec les rejets gastro-intestinaux du bétail, est l’une des sources principales de rejet de méthane. Elle représenterait 40 % du total des émissions de ce gaz. Mais le méthane issu de fuites lors de l’exploration, de la production et du transport de combustibles fossiles représente également 40 % des émissions de ce gaz. Les 20 % restants proviennent de sites de déchets en décomposition. The Guardian poursuit :
“Lutter contre les fuites sur les sites de l’industrie des hydrocarbures est le moyen le plus sûr et le plus rapide de diminuer drastiquement les émissions de méthane.”
D’autant que certains de ces rejets sont délibérés. Ils servent à évacuer, dans l’air, le gaz excédentaire libéré du sous-sol lors du forage de pétrole par exemple. D’autres sont accidentels et proviennent d’équipements mal entretenus ou situés dans des régions où la réglementation est absente ou mal respectée.
C’est le cas par exemple du Turkménistan, pays responsable à lui seul de 184 mégafuites en 2022, d’après les données satellitaires analysées par la société Kayrros. En août, l’un de ces événements a libéré 427 tonnes de méthane par heure dans l’atmosphère. “Cette fuite unique équivalait aux émissions de 67 millions de voitures”, précise The Guardian.
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“Avant les technologies par satellite, nous n’avions aucune idée de la localisation de ces mégafuites, mais aujourd’hui nous pouvons exercer une certaine surveillance, c’est toujours ça”,
constate Lena Höglund-Isaksson, de l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués, en Autriche. Kayrros doit fournir des données sur les fuites au nouveau projet d’alerte et d’intervention en matière de méthane du Programme des Nations unies pour l’environnement. À l’avenir, les superémetteurs pourront ainsi être identifiés quasiment en temps réel et pressés de colmater les fuites.
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