Édition du 17 décembre 2024

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Retraites

Retraites : un projet de loi inique

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il importe de rappeler le rôle que jouent les régimes complémentaires de retraite dans le système de retraite québécois. Malgré leur appellation, les régimes complémentaires, comme ceux des municipalités, constituent une partie essentielle du revenu de retraite des travailleurs et des travailleuses. Ainsi, le projet de loi no 3 fragilise l’un des piliers les plus importants de notre système de retraite sans toutefois chercher à renforcer les autres composantes. De plus, il s’attaque de plein fouet aux travailleurs, aux travailleuses et aux personnes retraitées du secteur municipal.

Selon le texte du projet de loi, son objectif consiste à assainir et à assurer la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal. En regardant les mesures proposées par le législateur, il est difficile d’en arriver à la même conclusion. Manifestement, le gouvernement entend plutôt limiter les coûts pour l’employeur en reniant les promesses faites aux travailleurs, aux travailleuses et aux personnes retraitées. Ce projet de loi crée un dangereux précédent. Il laisse présager que d’autres compressions pourraient survenir dans les secteurs public, parapublic et privé. La FTQ sera là pour défendre le bien commun et la retraite de tous et de toutes si le gouvernement va de l’avant avec d’autres mesures rétrogrades.

Près de 50 % des régimes de retraite sont capitalisés à au moins 85 %, ce qui signifie qu’ils ne sont pas en difficulté financière. Comment peut-on justifier une telle intrusion dans les relations de travail pour des régimes de retraite qui ne sont pas en danger ? Au lieu d’imposer une solution unique à une multitude de réalités — les régimes de retraite ne sont pas tous dans la même situation —, la restructuration ne devrait être obligatoire que pour les régimes qui ne sont pas capitalisés à hauteur de 85 %. Tous les aspects contraignants du projet de loi devraient être abolis, soit le partage 50-50 obligatoire, le plafond de 18 % pour le coût maximal du régime et l’abolition de l’indexation pour les personnes retraitées. Laissons les parties négocier. Après tout, ce sont elles qui sont en meilleure position pour trouver des solutions à leurs problèmes. Dans plusieurs municipalités — et ce ne sont pas les exemples qui manquent —, les parties en sont arrivées à des ententes satisfaisantes qui permettent d’assurer la viabilité du régime de retraite sur un horizon à long terme.

La FTQ n’est pas contre le processus de restructuration des régimes à prestations déterminées du secteur municipal, bien au contraire. Toutefois, nous privilégions une restructuration qui s’inscrit dans le respect des travailleurs, des travailleuses et des personnes retraitées. En établissant une cible à atteindre, soit un niveau de capitalisation de 85 %, et en laissant un maximum de flexibilité aux parties, il sera possible d’atteindre des résultats satisfaisants. Si les parties n’arrivent pas à s’entendre, nous sommes à l’aise avec le reste de l’échéancier défini par le gouvernement. Néanmoins, la conciliation doit rester gratuite et l’arbitre ne doit pas avoir le pouvoir de réduire les droits acquis. Toute modification du régime de retraite ne devrait s’appliquer que pour le service futur.

Dans une société qui respecte l’État de droit, les contrats doivent être respectés. La modification des droits acquis ne devrait être permise que s’il y a consentement entre les parties. En aucun cas les rentes des personnes retraitées, ce qui comprend l’indexation, ne doivent être réduites. Le respect des droits acquis ne signifie pas que le régime de retraite ne peut pas être modifié. Des changements peuvent être apportés, et ce, dans le respect des promesses faites dans le passé.
 
Un projet de loi anticonstitutionnel
 

En plus de s’attaquer aux régimes qui sont en bonne santé, ce projet de loi risque fort bien d’être anticonstitutionnel. En fixant des conditions très contraignantes, on empêche la tenue de véritables négociations entre l’employeur et le syndicat, puisque le résultat est déjà connu d’avance. De plus, le projet de loi permet de réduire ce qui avait été négocié de bonne foi entre les parties. Il y a lieu de se questionner ici sur la valeur contractuelle dans notre société si le législateur peut introduire de telles mesures. Ces entraves ne sont aucunement justifiables au sens des chartes et le gouvernement s’expose à des poursuites judiciaires. En favorisant de véritables négociations et en ne touchant pas au service passé, on arrive à une solution acceptable pour l’ensemble des parties et l’on évite des litiges interminables et coûteux.

En toute démagogie, le gouvernement s’appuie sur le fait que la majorité des travailleurs et des travailleuses ne bénéficient pas d’un régime de retraite à prestations déterminées en milieu de travail. Au lieu de niveler par le bas, le gouvernement se doit d’offrir une retraite décente à l’ensemble des Québécois et des Québécoises.
 
De concert avec plusieurs groupes de la société civile, la FTQ revendique depuis 2010 une bonification du Régime de rentes du Québec (RRQ). Il est particulièrement étonnant de voir des gouvernements s’opposer depuis des années à une bonification des régimes publics de retraite, puis affirmer vouloir prendre en compte les intérêts de ceux et celles qui n’ont pas de régime complémentaire pour justifier leur volonté de sabrer les régimes du secteur municipal.

Serge Cadieux

Secrétaire général de la FTQ

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