"Monsieur le président de la République, monsieur le premier ministre, mesdames et messieurs les membres du gouvernement, mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les sénateurs,
Les salariés se sont mobilisés dans des proportions exceptionnelles le 7 septembre 2010 à l’appel des organisations syndicales. Le caractère injuste et inefficace de la réforme des retraites à l’examen en ce moment au parlement malgré nos protestations est à l’origine du conflit en cours. Cette réforme va aggraver les inégalités sans répondre aux enjeux de long terme. La méthode utilisée qui a consisté pour l’essentiel à recevoir les syndicats sans jamais réellement les entendre a contribué à accroître les tensions.
Les annonces du 8 septembre 2010 qui se veulent une réponse aux mobilisations ne modifient pas la logique globale de la réforme proposée. Les injustices demeurent. Le calendrier précipité ne permet pas d’être entendus.
Le recul de l’âge d’ouverture du droit à la retraite de 60 ans à 62 ans, combiné à l’augmentation simultanée de la durée de cotisation, va fortement pénaliser les salariés, et plus particulièrement tous ceux qui ont commencé à travailler jeunes, qui seront amenés à contribuer plus que les autres au financement du système sans acquérir le moindre droit supplémentaire.
Le recul de l’âge du taux plein de 65 ans à 67 ans va durement aggraver la situation des salariés qui ont eu des parcours professionnels morcelés, en particulier les femmes dont près de 30% font valoir aujourd’hui leurs droits à la retraite à 65 ans pour éviter une pénalité sur leur pension et ceux qui sont conduits à entrer tardivement sur le marché du travail.
Ce report des âges légaux va entraîner un prolongement du chômage pour les nombreux salariés qui ne sont plus en activité lorsqu’ils partent à la retraite ce qui les pénalisera financièrement tout en reportant les charges financières sur d’autres comptes sociaux.
La pénibilité du travail n’est pas reconnue dans ses conséquences sur l’espérance de vie des salariés qui y ont été exposés.
Les fonctionnaires se voient imposer une hausse drastique du taux de leur cotisation, en période de gel des salaires, conduisant à une baisse importante et injuste de leur pouvoir d’achat.
Au total, le projet de loi de réforme des retraites fait reposer l’essentiel de l’effort sur les salariés, ne répond ni aux questions d’emploi, en particulier des jeunes et des seniors, ni à la résorption des inégalités ni au besoin de financement. Les salariés devraient accepter de payer la facture de la crise financière et économique dont ils ne sont pas responsables. Cette réforme est donc inacceptable.
Pour toutes ces raisons, au nom des salariés nous vous demandons solennellement d’entendre le point de vue des organisations syndicales dans la perspective de définir un ensemble de mesures justes et efficaces pour assurer la pérennité du système de retraites par répartition.
Dans ce contexte le vote de ce projet dans sa logique actuelle n’est pas d’actualité."
Cette lettre a été signée par Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT ; François Chérèque, secrétaire général de la CFDT ; Jacques Voisin, président de la CFTC ; Bernard Van Craeynest, président de la CFE-CGC ; Alain Olive, secrétaire général de l’UNSA ; Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU et Annick Coupe, porte-parole de Union syndicale solidaires.