1. L’époque contemporaine se caractérise par un véritable basculement climatique. Ce basculement climatique a nombre d’impacts : diminution de l’accès à l’eau douce, sécheresse dans les régions tropicales et subtropicales, mise à mal des écosystèmes et de la biodiversité, difficulté de maintenir une production alimentaire adéquate répondant aux besoins de la population, inondations des zones côtières suite à la hausse du niveau des océans, ... Le climat doit être sauvé par tous les moyens, indépendamment des coûts.
2. Ce réchauffement climatique est lié à l’activité humaine. C’est pourquoi on parle de réchauffement climatique anthropique. Mais en fait, ce n’est donc pas l’activité humaine en général qu’il faut incriminer mais un mode particulier de cette activité, le capitalisme. Dans le monde contemporain, le moteur principal des destructions est la logique d’accumulation capitaliste. Il faut donc parler d’une changement climatique provoqué par la logique capitaliste marquée par la concentration des capitaux, le gigantisme industriel, l’utilisation de plus en plus massive d’énergies fossiles. Le mode de production capitaliste, par soif de surprofit, s’est construit autour des énergies fossiles. Les multinationales du pétrole ont poussé à la surconsommation et limité les progrès de l’efficience énergétique. La fabrication de millions de voitures individuelles ont été le vecteur d’un gaspillage des ressources et de pollution ; pour fonder la civilisation de l’automobile, les grandes entreprises pétrolières ont veillé à la marginalisation du transport public.
3. La crise climatique frappe particulièrement les pays les plus pauvres. 70 à 80% des changements climatiques sont attibuables aux pays développés. La lutte contre le basculement climatique concerne tout le monde, mais la justice impose de tenir compte des responsabilités de chacun, de ses capacités d’action, de ses moyens technologiques et financiers. En d’autre termes : au moins 85% de réduction des émissions globales d’ici 2050, ce qui implique pour les pays développés au moins 40% de réduction des émissions d’ici 2020 et 95% d’ici 2050. Cela n’est faisable qu’en mettant fin à la déforestation et à l’utilisation de combustibles fossiles.
4. Aujourd’hui le capitalisme vert nous propose une fuite en avant dans des technologies dangereuses : retour à l’énergie nucléaire, développement des agrocarburants et mise en place de centrales électriques utilisant du charbon “propre” par le stockage géologique du CO2. Les défis sociaux et environnementaux sont désormais indissociables. Une écologie de gauche, une écologie sociale, ou écosocialisme sont urgents et nécessaires. Il faut inventer des stratégies pour fusionner les luttes sociales et écologiques.
5. Pour sortir de la crise écologique, il faut rompre avec la logique capitaliste d’une accumulation frénétique et décider démocratiquement quels sont les biens et les services que nous voulons nous donner, en quelles quantités et dans quel environnement nous voulons vivre. Les réponses à ces questions décisives se heurtent toujours au même obstacle : la liberté des propriétaires de capitaux concurrents d’investir et de produire toujours plus, où ils veulent, comme ils veulent, quand ils veulent et en fonction de leurs profits. En gavant celles et ceux qui ont les moyens d’accéder au statut de “consommateurs”. Et en laissant crever les autres.
6. Il ne s’agit surtout pas de se contenter d’utiliser des technologies vertes dans la course au profit capitaliste. L’atteinte de ces objectifs passe par le développement d’un service public de l’énergie solaire responsable des investissements nécessaires aux intérêts de la collectivité. Des investissements massifs sont requis pour que les transports publics supplantent la voiture individuelle et pour que le rail et les voies d’eau remplacent les camions. Un réseau décentralisé d’installations électriques exploitant des sources renouvelables, avec cogénération et réseaux de chaleur, doit se substituer à l’actuel réseau hypercentralisé.
7. La réduction de la consommation d’énergie sera nécessaire pour atteindre les objectifs de diminution d’émissions de gaz à effet de serre. La réduction de la consommation d’énergie passe par la réduction de son utilisation dans la production comme dans le transport et pour cela il sera nécessaire de produire plus près des utilisateurs. La réduction de la consommation de l’énergie passera aussi par la réduction des dépenses inutiles : l’éclairage inutile, le chauffage inutile, les productions inutiles comme la production d’armes, la fabrication de millions d’automobiles, les monocultures dominées par l’agrobusiness qui épuisent les sols. La production doit être réorganisée selon des normes de durabilité des produits pour en finir avec l’obsolescence planifié (usure physique et morale planifiée). Les modes de consommation doivent aussi être repensés par la stimulation de l’usage collectif de certains équipements au niveau des quartiers, des usages sociaux des moyens de transport. Cette approche antiproductiviste est décisive pour fonder une réponse de gauche au défi climat. Il s’agit de mettre l’accent essentiel sur les changements dans la sphère de la production, donc sur les solutions collectives et structurelles qui peuvent permettre à l’humanité de reprendre le contrôle sur son existence.
8. Comme l’écrit Tanuro, en mettant de côté les impératifs du profit, il est possible de construire quatre mouvements simultanés qui traceront les lignes de force d’une issue rationnelle : A. Répondre aux besoins sociaux réels et pas d’abord à la demande solvable. B. réduire la production matérielle globale en diminuant le temps de travail et en supprimant les productions inutiles et nuisibles ainsi qu’une part substantielle des transports C. augmenter radicalement l’efficience énergétique et passer complètement aux énergies renouvelables indépendamment des coûts D. créer les conditions politiques et culturelles d’une responsabilisation collective de ce qui est produit, donc consommé, par une prise en charge démocratique de la transition.
9. Ces quatre axes sont impossibles sans une série d’incursions profondes dans la propriété capitaliste : Tanuro fait l’énumération suivante :
- l’expropriation des monopoles du secteur de l’énergie et confiscation de leurs avoirs
- planification démocratique de la transition à tous les niveaux l’extension radicale du secteur public, en particulier dans les domaines du transport et du logement
- la gratuité des services de base correspondant aux besoins fondamentaux ;
– la création d’un fonds mondial pour l’adaptation, placé sous le contrôle des mouvements sociaux des pays en développement
– le refinancement public de la recherche et arrêt de son appropriation par l’industrie
– l’expropriation des banques et des organismes de crédit afin que les fonds nécessaires à la transition soient entre les mains de la collectivité
– la ponction sur les bénéfices pour que la réduction du temps de travail se fasse sans perte de salaire, avec baisse des rythmes de travail et embauche compensatoire ;
– la réforme agraire démocratique et relocalisation de la plus grande partie de la production vivrière par le soutien à l’agriculture paysanne. Sans ce remède de cheval, il sera impossible d’éviter à la fois le basculement climatique et les fuites en avant vers les technologies dangereuses.
10. Le programme de transition vers une société soutenable – au vrai sens du terme – ne peut être imposé sans mettre à l’ordre du jour le remplacement, dans tous les principaux domaines, de la production de marchandises pour le profit par la production de valeurs d’usage durables pour la satisfaction des besoins humains réels, démocratiquement déterminés. Une stratégie axée sur l’autogestion de la production sociale de l’existence et des échanges avec la nature est la seule qui permettra d’envisager une solution démocratique à la déconstruction des besoins et d’habitudes qui sont insoutenables écologiquement. Voilà les grands axes d’une transition possible vers une société écosocialiste !