Édition du 18 juin 2024

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Gaz de schiste

Gaz de schiste au Québec

Fin de la récréation : Le gouvernement et l’industrie doivent faire leurs devoirs

« Nous ne voyons pas actuellement comment cette filière s’inscrit dans une démarche de développement durable. Ni le gouvernement ni l’industrie ne nous ont encore donné des raisons de croire que le gaz de schiste puisse s’inscrire dans la lutte aux changements climatiques et faire partie de la vision du gouvernement de faire du Québec une puissance énergétique verte qui réconcilie environnement et économie », constate Steven Guilbeault, coordonnateur général adjoint d’Équiterre.

Équiterre a rendu public aujourd’hui une analyse préliminaire du dossier de l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste au Québec. L’analyse conclut entre autres que le développement de cette filière risque fort de compromettre l’atteinte des objectifs du gouvernement dans le dossier des changements climatiques et juge faible le potentiel de substitution du mazout et du charbon par le gaz naturel. L’analyse estime de manière conservatrice que l’industrie des gaz de schiste pourrait ajouter au moins 1,9 Mt de gaz à effet de serre (GES) au bilan du Québec, soit 12% de l’objectif de réduction fixé par le gouvernement à l’horizon 2020, presque l’équivalent de ce qu’aurait émis la centrale thermique du Suroît.

« Nous ne voyons pas actuellement comment cette filière s’inscrit dans une démarche de développement durable. Ni le gouvernement ni l’industrie ne nous ont encore donné des raisons de croire que le gaz de schiste puisse s’inscrire dans la lutte aux changements climatiques et faire partie de la vision du gouvernement de faire du Québec une puissance énergétique verte qui réconcilie environnement et économie », constate Steven Guilbeault, coordonnateur général adjoint d’Équiterre.

L’organisation exige donc un moratoire le temps que le gouvernement et l’industrie fassent leurs devoirs et répondent aux interrogations légitimes de la population. L’organisation demande aussi l’élargissement du mandat confié au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) afin que les Québécois puissent avoir des réponses satisfaisantes à une série de questions soulignant les préoccupations en termes de lutte aux changements climatiques, de développement durable, de retombées économiques, de protection des terres agricoles et de l’eau, ainsi que d’acceptabilité sociale des projets.

Afin d’éviter une catastrophe climatique, les plus récentes recommandations scientifiques indiquent qu’il faut limiter la hausse de la température moyenne du globe à moins de deux degrés Celsius, préférablement à moins de 1,5 degré Celsius, ce qui ne pourra se faire sans éliminer complètement les combustibles fossiles des pays industrialisés. Bien que le gaz naturel soit le moins polluant de sa catégorie, il constitue une des sources les plus importantes de GES à l’échelle mondiale. « À court terme, le gaz naturel pourrait, dans certains cas précis, servir d’énergie de transition et éliminer les sources encore plus polluantes, comme le mazout et le charbon. Mais il ne faut pas se leurrer. Cela ne se fera pas sans lois et règlements, qui ne sont actuellement pas en place au Québec », explique Hugo Séguin, conseiller principal pour Équiterre et co-auteur du rapport préliminaire.

« Il n’existe à l’heure actuelle aucune étude indépendante sérieuse sur les gaz de schiste et leurs impacts. Alors pourquoi se précipiter ? Il n’y a pas d’urgence, hormis celle de répondre à des questions incontournables », ajoute Steven Guilbeault.

Équiterre met au jeu une série de questions et invite le gouvernement du Québec et l’industrie à y répondre dans le cadre d’un BAPE au mandat élargi.

0. À quoi servira le gaz de schiste éventuellement extrait au Québec, et en quoi celui-ci peut-il contribuer à la lutte aux changements climatiques au Québec et le cas échéant, en Amérique du Nord ?

0. Quelles quantités de gaz à effet de serre seraient émises par l’exploitation des gaz de schiste ?

0. Comment l’industrie compte-t-elle pallier ces émissions et contribuer à l’atteinte des objectifs ambitieux fixés par le gouvernement du Québec en matière de lutte aux changements climatiques ?

0. Quels secteurs de l’économie québécoise devront consentir des efforts supplémentaires afin de compenser les émissions additionnelles générées par une éventuelle industrie des gaz de schiste ?

0. L’exploitation du gaz de schiste québécois est-il plus émetteur de CO2 que le gaz naturel conventionnel dans une approche de cycle de vie, comme c’est le cas ailleurs au Canada ?

0. Comment l’industrie compte-t-elle assurer l’acceptabilité sociale de ses projets d’exploitation ? Respectera-t-elle la volonté d’une communauté ne voulant pas de cette activité industrielle sur son territoire ?

0. Quelles seraient les retombées économiques de l’exploitation des gaz de schiste pour la société québécoise ? En termes de rentrées fiscales pour les gouvernements ? De redevances, royautés et autres taxes ? En ce qui a trait à la création d’emplois ?

0. À combien l’industrie évalue-t-elle les superficies de terres agricoles qui devront être réaffectées à des usages industriels dans la région du bassin d’Utica ? L’industrie pourra-t-elle compenser la perte de territoires agricoles ?

0. Quelles mesures l’industrie est-elle prête à mettre en place pour limiter les impacts potentiels sur l’environnement et la sécurité publique de ses activités d’extraction ?

« Le Québec peut devenir une superpuissance économique verte. Cela passe par l’efficacité énergétique, l’élimination des énergies fossiles très polluantes et le développement des énergies renouvelables. Et pour l’instant, ce n’est vraiment pas vers où on se dirige avec le dossier des gaz de schiste », conclut Steven Guilbeault.

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