Celle-ci apportera ce mois-ci une seconde plate-forme de forage (Pride North America) pour étendre les prospections dans le Bassin du Levant. Dans cette zone de la Méditerranée orientale -estime l’agence gouvernementale états-unienne U.S. Geological Survey- se trouvent des réserves de gaz se montant à 3 500 milliards de m3, et des réserves de pétrole pour 1,7 milliards de barils. On se prépare donc à de grandes affaires : en une année, l’indice énergétique de la Bourse de Tel Aviv a augmenté de 1 700 %.
Mais il y a un problème : les réserves énergétiques du Bassin du Levant n’appartiennent qu’en partie à Israël. Les gisements de gaz Tamar et Léviathan se trouvent à environ 100 Kms des côtes, hors des eaux territoriales israéliennes qui s’étendent jusqu’à 22 Kms de la côte. Toutefois, selon la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Israël peut exploiter les réserves offshores de gaz et de pétrole dans une zone allant jusqu’à 370 Kms de la côte. Mais il en va de même pour les autres pays riverains. Il est donc déterminant de définir les zones respectives.
Dans les eaux libanaises, d’après la compagnie norvégienne Petroleum Geo-Services, il y a de gros gisements de gaz et pétrole. A ce propos, le ministre des affaires étrangères Ali Shami a demandé le 4 janvier au Secrétaire Général des Nations Unies d’empêcher que ces gisements soient exploités par Israël.
La réponse ne s’est pas faite attendre : le jour suivant, le porte-parole onusien Martin Nesirsky a rejeté la requête en déclarant que les Nations Unies ne sont pas préparées pour intervenir dans la dispute. Même réponse de la part de l’Unifil (United Nations Interim Force in Lebanon) : le porte-parole Andrea Tenenti a déclaré au quotidien libanais The Daily Star (6 janvier) qu’ « une frontière maritime n’a jamais été établie » et que « la ligne de bouées dans la zone de Naqoura, non reconnue par le gouvernement libanais, a été instaurée unilatéralement par Israël ». Puis, le coordinateur spécial pour le Liban, Michael Williams, a diplomatiquement déclaré qu’« il pourrait y avoir un rôle pour les Nations Unies, mais nous devons en discuter avec nos juristes à New York » (The Daily Star, 11 janvier).
En réalité, donc, l’ONU laisse les mains libres à Israël dont le gouvernement a prévenu qu’il n’hésitera pas à employer la force pour protéger « ses » gisements. Comme le parlement libanais a approuvé une loi sur l’exploration des réserves énergétiques offshore et allouera les premières concessions au début de 2012, s’ouvre ainsi un contentieux qui pourra facilement conduire à une nouvelle guerre israélienne contre le Liban. Qu’entend faire l’Italie, qui joue un rôle de premier plan dans l’Unifil, d’un point de vue naval aussi ? Attendra-t-elle que les navires de guerre israéliens bombardent les côtes libanaises, comme ils le firent déjà en 2006, pour s’emparer des réserves offshore du Liban ?
Il est plus difficile encore que les Palestiniens réussissent à exploiter les réserves énergétiques de leurs Territoires. Il résulte de la carte établie par U.S. Geological Survey (voir ci-dessous, NdA) que la plus grande partie des gisements de gaz se trouve dans les eaux côtières et dans le territoire de Gaza. L’Autorité palestinienne en a confié principalement l’exploitation à la compagnie British Gas, qui a creusé deux puits, Gaza Marine-1 et Gaza Marine-2, qui ne sont cependant jamais entrés en fonction. Le gouvernement israélien a d’abord rejeté toutes les propositions, présentées par l’Autorité palestinienne et par British Gas, d’exporter le gaz en Israël et en Égypte. Elle a ensuite ouvert une négociation directe ave la compagnie britannique, qui détient la majorité des droits d’exploitation, pour arriver à un accord excluant les Palestiniens.
Ce n’est pas un hasard si la négociation a été lancée en juin 2008, ce même mois où commençait (selon ce qui est admis même par des sources militaires israéliennes) la préparation de l’opération « Plomb durci » lancée contre Gaza en décembre 2008 (voir l’article par Michel Chossudovsky « La guerre et le gaz naturel : l’invasion israélienne et les gisements de Gaza en mer », Mondialisation.ca, le 12 janvier 2009, NdA). L’embargo qui a suivi, blocus naval compris, a de fait exproprié les Palestiniens du droit d’exploiter leurs propres réserves énergétiques, dont Israël veut s’emparer d’une façon ou d’une autre.
Le plan prévoit de relier, à travers un gazoduc sous-marin, les puits palestiniens de Gaza au port israélien d’Ashqelon, où, à partir de 2012, arrivera le gaz du gisement de Tamar. À une dizaine de kilomètres, au sud, il y a Gaza où les autorités israéliennes laissent passer au compte-gouttes le combustible pour la centrale électrique : ce qui provoque de continuels black-out qui, en laissant hôpitaux et stations d’épuration sans énergie, augmentent les victimes de l’embargo.
Edition de mercredi 12 janvier de il manifesto
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
Manlio Dinucci est géographe.
Manlio Dinucci est un collaborateur régulier de Mondialisation.ca.
Article tiré du site mondialisation.ca