Personne n’en doute, la baisse des coûts du charbon, du pétrole et du gaz ont entraîné une perte à la Caisse. Plus précisément, en utilisant l’indice ACWI ex Fossil Fuels de la réputée firme Morgan Stanley Capital International (MSCI), on remarque pour les cinq dernières années que les rendements obtenus sur les marchés mondiaux ont été 9,8 % plus élevés lorsque les compagnies exploitant les énergies fossiles y étaient retirées. Appliqué au portefeuille d’actions de la Caisse, le rendement aurait été plus élevé de 7,1 milliards si l’option de désinvestir des énergies fossiles avait été retenue début 2011.
La Caisse et ses déposants doivent prendre conscience de l’ampleur de cette perte. Ils doivent aussi reconnaître qu’elle était prévisible. Notre groupe (Recycle ta Caisse) et d’autres ont annoncé cette chute. Malheureusement, trop souvent, devant notre doigt qui pointait cet horizon, nous avons reçu comme réponse que le problème était la personne à qui appartenait ce doigt, parce qu’il s’agissait d’un écologiste ou d’un poète.
Et pourtant, notre regard a vu juste. Les moulins à vent d’aujourd’hui ne sont pas que poétiques quand ils entraînent en une seule année une baisse de la consommation de charbon de 3,7% en Chine. Les panneaux solaires sont loin d’être des lubies d’écologistes quand des quartiers et des villages se débranchent du réseau – ou choisissent de ne pas s’y brancher – pour économiser. Il s’ensuivit le plongeon prévisible des coûts des hydrocarbures comme celui des firmes qui en font l’exploitation.
L’horizon à percevoir consiste en ce que les énergies renouvelables (éolien, solaire et transport électrique) sont des produits manufacturés dont les coûts chutent de manière prévisible à chaque fois que l’on double la production. Et lorsque le coût atteint la parité avec les énergies fossiles, ces technologies se propagent très rapidement.
Ce qui amène les Al Gore et Mark Carney de ce monde à prédire avec conviction la poursuite de l’effondrement de la bulle du carbone, ce n’est pas seulement le fait qu’il faut impérativement laisser une valeur de 22 000 milliards de réserves connues de pétrole, de charbon et de gaz sous terre pour éviter un emballement climatique. C’est aussi qu’ils reconnaissent que la transition énergétique est en marche et qu’elle va plus vite que ce qui était attendu.
M. Sabia, vous qui avez travaillé si fort à faire fructifier notre bas de laine, je vous imagine mal être heureux que les déposants (dont plusieurs syndicats) et votre équipe n’aient pas perçu l’horizon que pointait notre doigt.
Lorsque nous aurons accès au rapport annuel de la Caisse, notre groupe précisera combien celle-ci détient encore dans les énergies fossiles. Une somme qui malgré les douloureuses pertes enregistrées en 2015 demeure probablement autour de 7 milliards. Nous attendons de la Caisse un réalignement de ces sommes de l’ombre vers la lumière, du passé vers la modernité et d’un secteur moins créateur d’emplois vers l’investissement des forces renouvelables de notre économie. Sans quoi, le bilan des pertes de la Caisse dans les énergies fossiles risque bien de s’aggraver.