Édition du 18 juin 2024

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Environnement

Réponse à Steven Guilbault

(Hervé Kempf répond à cet article de Steven Guilbault paru dans Le Devoir, du 13 mai 2011) L’article de Guilbault s’intitule : Réplique à Hervé Kempf - Le Québec serait-il le « plus pire pays du monde » ?)

Steven Guilbault me reproche mon article « Alerte au Québec ». Il semble l’avoir compris comme une attaque contre le Québec, qu’il prétend défendre en repoussant la critique. Son texte appelle deux remarques.

D’une part, je ne mets pas en cause le Québec en tant que nation ou en tant que peuple, mais le capitalisme qui se déchaine en lançant une offensive tous azimuts pour exploiter les ressources pétrolières, gazières et minérales qui s’y trouvent. Eh oui, je crois que cette offensive sur tant de fronts à la fois est si concentrée que je ne connais pas d’autre pays qui la subisse en ce moment avec une telle simultanéité.

D’autre part, M. Guilbeault se lance dans une comparaison avec la France qui n’a pas lieu d’être. Car dans les nombreux articles que j’écris en France, je ne ménage pas les dirigeants politiques et économiques de mon pays qui, ici comme presque partout, poussent à une croissance économique continue au détriment de l’environnement. L’étalement urbain s’y poursuit contre toute raison, entraînant un gaspillage d’espace et une érosion de la biodiversité inquiétants. Le gouvernement prépare la construction de près de mille kilomètres d’autoroutes alors que le pays est déjà largement équipé. Il est quasiment impossible d’avoir un débat serein sur les centrales nucléaires qui parsèment le pays, et qui ont été imposées par l’oligarchie. L’agriculture biologique reste cantonnée à un niveau désespérément bas. La politique d’économies d’énergie est anémique, le développement des énergies nouvelles est freiné. Quant à ce qui concerne la morale publique, Transparence Internationale a placé la France au vingt cinquième rang de son classement sur la perception de la corruption, publié en octobre dernier, ce qui n’est pas glorieux. J’aimerais que mon pays soit exemplaire en matière d’écologie – hélas, il en est très loin.

Le problème de fond ne porte pas sur tel ou tel pays : il est qu’un mouvement général pousse les classes dirigeantes, sur toute la planète, à détruire l’environnement au nom d’une conception dépassée de l’économie. En tant qu’écologistes, nous devrions « penser globalement, agir localement », c’est-à-dire reconnaitre la logique mondiale qui est à l’œuvre pour mieux la combattre, ensemble, dans chacun des lieux où nous agissons.

Un dernier mot : bien sûr je connais les sables bitumineux. Je crois avoir été un des premiers journalistes français à avoir fait un reportage en Alberta, c’était en 2007. M. Guilbault pourra le trouver dans « Pour sauver la planète, sortez du capitalisme » (Seuil) - un livre dont j’ose penser qu’il lui serait utile s’il avait le temps de le lire. Et c’est bien parce que j’ai vu le drame écologique qui se déroule dans l’ouest canadien que je me permets de tirer l’alarme. A mon sens, le Québec ne doit pas imiter un Alberta qui va à contre-courant de l’histoire.

(tiré du site Reporterre, moins de biens, plus de liens)
http://www.reporterre.net/spip.php?article1908

Hervé Kempf

Le Monde

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