Tiré du site de l’IRIS.
L’idée de confier la gestion du réseau de la santé à une agence indépendante s’inspire directement de l’Alberta, qui a créé Alberta Health Services en 2008, une agence responsable de l’ensemble des services de santé de la province. La création de cette agence était l’aboutissement d’un long processus de centralisation amorcé en 1995. Il est d’ailleurs frappant de constater à quel point les fusions d’établissements imposées par les réformes successives au Québec suivent un chemin similaire à celui de l’Alberta.
Or, 15 ans plus tard, et alors que le Québec s’apprête à suivre son exemple en créant sa propre agence, le gouvernement albertain a pris acte de l’échec de cette expérience. En effet, il a dernièrement décidé de revoir entièrement la structure de son système de santé et d’inverser la tendance des dernières décennies en s’engageant dans un processus de décentralisation de ses instances afin de les rapprocher des services de proximité et d’améliorer les soins de première ligne.
De fait, l’agence albertaine s’est valu un lot de critiques important depuis sa création. Des rapports officiels (notamment du Health Quality Council et du vérificateur général de la province, en 2012 et de nouveau en 2017) ont identifié des problèmes persistants au sein des services d’urgence et des soins primaires. Alors qu’une meilleure intégration des services est un des résultats attendus de la centralisation, ces rapports ont également soulevé des lacunes à cet égard.
Et bien que la création d’une agence prétendument indépendante du gouvernement était supposée « dépolitiser » la gestion du système de santé, les problèmes de gouvernance et « l’ingérence politique constante » des gouvernements successifs ont également été dénoncés par de nombreux acteurs. Le conseil d’administration de Alberta Health Services a d’ailleurs été entièrement dissous par le gouvernement à deux reprises, en 2013 et suite à la pandémie.
En entrevue, Christian Dubé s’est récemment dit convaincu que la future agence Santé Québec lui permettra d’avoir une « petite équipe » triée sur le volet (et issue du secteur privé) qui rendra la gestion du réseau beaucoup plus efficace. Bien que le sens accordé par le ministre à ce qui est pourtant le maître-mot de sa réforme ne soit pas très clair, on peut présumer qu’il signifie un meilleur accès aux services et des soins de meilleure qualité à moindre coût.
Or, l’Alberta est loin d’être un exemple à suivre à cet égard. Un rapport de 2019 visant à évaluer la performance de l’agence albertaine conclut que celle-ci n’est pas parvenue à réduire les coûts de manière significative. Au contraire, la province continue de figurer parmi celles qui ont les coûts de santé les plus élevés au Canada, en deuxième place derrière Terre-Neuve-et-Labrador, ce que confirment les données les plus récentes de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS).
Selon un rapport de 2018, malgré ces dépenses plus élevées, l’Alberta a une performance moyenne (au mieux) en ce qui concerne l’accès aux soins, sauf en ce qui concerne l’accès aux services d’urgences qui, selon les données de l’ICIS, s’est amélioré au cours des dernières années. En comparaison des autres provinces, elle arrive 5e pour l’accès aux médecins, 7e pour l’accès aux infirmières, 6e pour le nombre de lits d’hôpitaux, 5e pour l’accès aux examens d’imagerie par résonance magnétique et 8e pour l’accès aux examens de tomodensitométrie. Des données plus récentes confirment ces tendances et montrent que le Québec performe mieux que l’Alberta sur la plupart des indicateurs d’accès mesurés.
En ce qui concerne la qualité des soins, l’Alberta fait encore une fois moins bien que la moyenne canadienne et que le Québec. La province de l’ouest a ainsi un taux plus élevé de réadmission à l’hôpital à la suite de soins chirurgicaux, un ratio plus élevé de mortalité hospitalière et un taux de décès plus élevé suite à une chirurgie majeure.
Les faits sont donc très clairs : l’Alberta n’est pas un exemple à suivre, et le Québec fait fausse route en s’engageant sur le chemin tracé par cette province. Plutôt que de s’en inspirer, le gouvernement Legault devrait apprendre de ses erreurs et abandonner la voie de la centralisation.
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