Et il poursuit avec raison sur la nécessité de construire un mouvement populaire indépendant qui soit prêt à affronter et combattre le « consensus de l’élite sur l’austérité ». D. Bhargava illustre ces deux nécessités par ce qu’il ordonne de faire mais il ne dit pas en revanche que si l’on fait passer la lutte contre « les dures politiques d’austérité » par la réélection de B. Obama, cela nous mènera de mauvais côté des choses.
D. Bhargava fait, avec justesse une liste des triomphes et des déceptions issus du premier mandat du président. Mais il omet le pire : B. Obama a adopté la politique d’austérité, nous a donné le rapport Simpson-Bowles [1] en plein milieu d’une crise de chômage de masse, de l’augmentation fulgurante de la pauvreté et de la baisse des salaires. Il a vite adopté le « consensus de l’élite » et il a montré qu’il était prêt à soumettre les programmes sociaux « à la négociation ». Il a accepté d’ajuster le budget par des coupes de dépenses intérieures à un niveau jamais vu depuis la présidence de D. Eisenhower. Bien sûr, à côté de cela il se montre ferme sur la nécessité d’augmenter les impôts des plus riches. C’est peu comparé à ce qu’il faudrait faire pour rendre l’imposition plus progressive, pour revenir au niveau d’imposition des riches qui prévalait durant la présidence de Bill Clinton et de s’assurer que ce niveau ne soit pas plus bas que celui de leurs secrétaires. C’est bien plus que ce que la proposition d’effets secondaires [2] prônée par le ticket Romney/Ryan peut donner mais ça ne fait même pas le poids face aux besoins nationaux.
La bataille contre l’austérité commence par sa définition. La « nouvelle normalité » voudrait que l’équilibre budgétaire passe par l’acceptation du niveau actuel de chômage, de pauvreté et d’insécurité. C’est absolument inacceptable. S’attacher de cette manière à la réduction du déficit et non sur les moyens de stimuler l’économie en faveur des travailleurs-euses, est une capitulation ignoble de la part d’un président qui se présente comme réformiste.
Les succès de la lutte des homosexuelLEs, des immigrantEs pour leurs droits et pour la réforme de l’assurance maladie ne représentent rien de nouveau en terme militant. Les prochaines batailles ne pourront pas se limiter à des efforts de lobbying en faveur d’un régime public de soins à l’intérieur de la réforme existante. La lutte exige une mobilisation citoyenne suffisante pour renverser le programme présidentiel actuel et capable d’obtenir des actions vigoureuses en faveur de l’emploi.
Dans cette configuration, le président ne serait pas seulement mauvais joueur, il serait dans la mauvaise équipe. L’élection de Mitt Romney serait une catastrophe mais la victoire d’Obama ne serait pas le triomphe de l’espoir ; ça ne serait que la défaite de la peur. Le président n’en finit pas de se distancier, sinon de renier, le mouvement qu’il avait déclenché. En 2008, c’était « Yes we can » ! En 2012 il déclare : « Il y a 4 ans, l’élection ne portait pas sur moi, elle portait sur vous ». C’est, comme le dit D. Bhargava, « inspirant » mais pas pour les raisons qu’il invoque. Après l’élection de novembre, la prochaine lutte significative des progressistes ne se fera pas sans le président mais plus vraisemblablement contre lui. Et le mouvement qu’il a inspiré ne réussira que s’il s’éloigne clairement des limites de ses politiques.