"La probabilité d’impacts graves, étendus et irréversibles s’accroît avec l’intensification du réchauffement", note ce rapport intitulé "Changement climatique 2014 : impacts, adaptation et vulnérabilité".
Ce nouvel opus du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) de l’ONU, prix Nobel de la paix, est le fruit d’un immense travail - 12.000 publications passées en revue - et constitue l’état des lieux scientifique le plus complet depuis le rapport de 2007.
Les travaux du Giec (195 pays) servent de base aux négociations internationales sur le financement des actions d’adaptation et la réduction des gaz à effet de serre : l’objectif est de limiter le réchauffement à 2° C en moyenne par rapport aux niveaux pré-industriels, la planète ayant déjà pris 0,8°C et la trajectoire actuelle nous conduisant vers +4° à la fin du siècle.
"Nous ne sommes pas préparés aux risques liés au changement climatique"
"Dans de nombreux cas, nous ne sommes pas préparés aux risques actuels liés au changement climatique", a estimé Vicente Barios, co-président du groupe de scientifiques auteurs du rapport, en soulignant la nécessité d’investir dans cette direction.
A plusieurs reprises, le rapport souligne que ce sont les populations pauvres des pays du Sud qui subiront les impacts les plus forts du changement climatique.
"La part de la population mondiale confrontée à des pénuries d’eau ou affectée par d’importantes inondations va s’accroître avec le niveau du réchauffement au 21e siècle", souligne le "Résumé pour décideurs", une synthèse destinée aux politiques.
Des conséquences sur la sécurité alimentaire
Un climat plus chaud aura aussi des conséquences sur la sécurité alimentaire, en particulier dans les pays du Sud : la répartition des espèces marines et donc de la pêche va changer, les rendements agricoles vont être modifiés avec des bénéfices pour quelques régions, une baisse pour beaucoup d’autres.
"Tous les aspects de la sécurité alimentaire seront potentiellement affectés par le changement climatique", notamment la disponibilité de la nourriture et la stabilité des prix, et les populations des zones rurales seront beaucoup plus touchées, prévient le document.
Si les impacts économiques globaux "sont difficiles à estimer", affirme le Giec, le changement climatique va néanmoins "ralentir la croissance économique, (...) réduire la sécurité alimentaire et créer de nouvelles poches de pauvreté".
Déplacements de population, conflits violents et maladies
Une aggravation des événements climatiques extrêmes, tels que les inondations des zones côtières, les sécheresses et les vagues de chaleur, va conduire à une augmentation des déplacements de population, notent les scientifiques.
Avec un accès plus dur à l’eau et aux ressources alimentaires, et des migrations accrues, le changement climatique "va indirectement augmenter les risques de conflits violents".
Enfin, les problèmes sanitaires causés par des vagues de chaleur vont s’aggraver, tout comme - dans les régions pauvres - les maladies en lien avec la malnutrition ou la mauvaise qualité de l’eau.
Le Giec relève que le réchauffement a déjà eu "au cours des dernières décennies, des impacts sur les systèmes naturels et humains sur tous les continents et les océans".
Les risques concernent aujourd’hui toutes les régions du monde.
État des lieux continent par continent
En Afrique, l’accès à l’eau sera l’un des aspects les plus marquants du réchauffement. En Europe, l’aggravation des inondations et leurs conséquences sur les infrastructures et les effets sanitaires des vagues de chaleur sont mis en avant.
En Asie, inondations et vagues de chaleur risquent de provoquer d’importants déplacements de population. L’Amérique du Nord va être touchée par davantage d’évènements extrêmes (chaleur, inondations côtières, incendies). L’Amérique latine sera confrontée à la problématique de l’accès à l’eau.
Les régions polaires et les îles seront particulièrement affectées par un climat plus chaud, via la fonte accélérée des glaciers et la montée du niveau des océans.
Nombre de phénomènes physiques sont engagés dans un mouvement irréversible (hausse de la température, montée et acidification des océans, recul des glaciers, etc.), et la nécessité d’agir "à court terme" est toujours plus pressante, dit le Giec.
Le Giec présente une série de mesures d’adaptation à une planète plus chaude (protection des côtes, stockage d’eau, irrigation, nouvelles pratiques agricoles, systèmes d’alerte sanitaire, déplacement d’habitats, etc.).
Mais pour Chris Field, co-auteur du rapport, "à des niveaux élevés de réchauffement dus à la croissance continue des émissions de gaz à effet de serre, les risques seront difficiles à gérer et même des investissements importants et continus dans l’adaptation montreront leurs limites".