Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Economie internationale

Rebond ou plongeon ?

Tout ce qui était solide et stable est ébranlé, tout ce qui était sacré est profané ; et les hommes sont forcés d’envisager leurs conditions d’existence et leurs relations réciproques avec des yeux dégrisés [1].

29 avril 2929 | Publié par Alencontre

Cette crise combine une crise sanitaire et une crise économique à l’échelle mondiale. L’interaction entre ces deux dimensions de la crise risque donc de déclencher un cycle spécifique alternant freinages et redémarrages et s’inscrivant dans une trajectoire récessive. Telle est l’hypothèse examinée dans cette contribution.

Le difficile réglage du dé-confinement

Les mesures de confinement concernent aujourd’hui près de 2,7 milliards de travailleurs, soit environ 81% de la main-d’œuvre mondiale [2] : il s’agit bien d’une crise à nulle autre pareille. L’effet de la mise à l’arrêt d’une bonne partie de l’activité économique est démultiplié par ses effets indirects, et une boucle infernale s’est mise en place. Cependant, le confinement ne peut évidemment être total, ni prolongé indéfiniment, sous peine de mettre à mal les conditions même de subsistance de la population. C’est la rétroaction (feedback) majeure qui conduit à la nécessité d’un difficile arbitrage [3].

Face à ce véritable dilemme, on peut distinguer trois formes de réactions des Etats, en reprenant la classification proposée par Jérôme Baschet : « le minimalisme sanitaire libéral-darwiniste ; l’atténuation mise en place par des États bien préparés et dotés de puissants moyens matériels et techniques ; les mesures de confinement généralisé, mises en œuvre de façon plus ou moins autoritaire [4]. »

La première orientation, minimaliste, a été initialement celle de Boris Johnson ou Donald Trump. Elle a aussi été envisagée aux Pays-Bas et, ce qui est moins connu, au Mexique, par lequel un petit détour est éclairant. Son président, Andrés Manuel López Obrador (AMLO), a pu en effet brandir des images religieuses comme le meilleur rempart contre le virus [5]. C’était le 18 mars dernier. Mais la dérive d’AMLO est aussi politique. Quand il était maire de la capitale, entre 2000 et 2005, il avait gagné un fort soutien populaire, grâce à ses programmes sociaux [6]. Mais c’est le même AMLO qui a supprimé, à compter du 1er janvier, le programme Seguro Popular qui procurait jusqu’alors une protection sociale aux personnes dépourvues de couverture santé pour le remplacer par un fantomatique « Institut de santé pour le bien-être » (Instituto de salud para el bienestar). Le contraste est grand avec la position de la direction zapatiste qui, deux jours avant cette fameuse conférence du président, avait décrété l’alerte rouge dans les territoires rebelles, et invité « les peuples du monde à prendre la mesure de la gravité de la maladie et à adopter des mesures sanitaires exceptionnelles, sans pour autant abandonner les luttes en cours [7] ».

La ligne « libérale-darwiniste » a cependant été progressivement abandonnée face à la réalité et n’est plus vraiment suivie que par Trump (en sous-main) et par Jair Bolsonaro, qui vient, pour faire bonne mesure, de limoger son ministre de la santé, Luiz Henrique Mandetta. Dans les deux cas, la crise conduit à un conflit entre le pouvoir fédéral et certains des états. C’est donc en pratique une politique de confinement qui est menée dans la plupart des pays.

C’est évidemment a priori le moyen le plus efficace pour réduire les possibilités de transmission, comme l’illustre ce graphique d’un épidémiologiste (très) amateur. A gauche, chaque personne infectée en contamine trois autres en fonction de l’évaluation du taux de reproduction initial (R0) du virus. A droite, le confinement bloque la propagation.
 

 
Ce mécanisme d’atténuation dépend évidemment de la durée du confinement, comme a su l’expliquer Angela Merkel dans une intervention très pédagogique [8]. Mais le confinement ne peut être maintenu trop longtemps, pour des raisons qui ne renvoient pas seulement à l’impératif économique, mais sont aussi d’ordre social, dans tous les sens de ce terme. En même temps, il reste cependant beaucoup d’incertitudes sur le mode exact de transmission du virus, sur la proportion de personnes contaminées mais asymptomatiques, sur l’efficacité des tests, sur la possibilité de réinfections, etc. Un internaute en a dressé un tableau assez drôle (voir encadré).
 
Les apories du confinement [9]

1. Vous ne pouvez pas sortir de chez vous, mais si vous devez le faire, vous pouvez.
2. Les masques sont inutiles, mais peut-être devriez-vous en porter un, cela peut vous sauver. Il se pourrait qu’ils ne servent à rien, mais ils pourraient aussi bien être obligatoires.
3. Les magasins sont fermés, sauf ceux qui sont ouverts.
4. Ce virus est mortel mais pas vraiment redoutable, sauf que vous pourriez en mourir, ou que vous pourriez l’avoir déjà eu sans même pas le savoir.
5. Les gants n’aideront pas, mais ils peuvent quand même servir.
6. Tout le monde doit rester à la maison, mais sortez pour faire de l’exercice, sauf que vous pourriez prendre des risques, à moins que personne d’autre ne fasse de l’exercice là où vous êtes.
7. Le supermarché est bien approvisionné, mais il manque beaucoup de choses, sauf le matin. Parfois.
8. Le virus n’a aucun effet sur les enfants, sauf ceux qui sont affectés.
9. Vous aurez de nombreux symptômes si vous tombez malade, mais vous pouvez être malade sans symptômes, ou avoir des symptômes sans être malade.
10. Vous pouvez manger immédiatement les aliments livrés chez vous par un restaurant, mais faites décontaminer vos courses à l’extérieur pendant trois heures.
11. Vous êtes en sécurité si vous gardez une distance d’un mètre avec les autres, tant que ces personnes sont des étrangers. Il est interdit de voir ses amis à une distance de sécurité.
12. Le virus reste actif sur différentes surfaces pendant deux heures, non, quatre, non, six, non, peut-être des jours ? Mais il faut un environnement humide. Mais aussi un environnement sec.
13. Nous comptons le nombre de morts mais nous ne savons pas combien de personnes sont infectées car nous ne testons que celles qui étaient presque mortes pour savoir si c’est de cela qu’elles vont mourir.
14. Nous n’avons pas de traitement, mais y en a peut-être un qui fonctionne, sauf si on prend la mauvaise dose. Il n’y a aucun moyen de savoir.
15. Nous devrions rester enfermés jusqu’à ce que le virus disparaisse, mais cela ne fera que retarder l’immunité collective, qui nécessite de quitter votre maison. Donc sortez avec modération.

Compte tenu de ces incertitudes, il est permis d’envisager une succession de phases de re/déconfinement, comme l’illustre le schéma ci-dessous émanant de l’Imperial College [10].
 

 

Ce scénario induirait une trajectoire de redémarrage puis de freinage de l’activité économique, qui conduirait à une reprise hésitante de l’économie, en forme d’une succession de W. Les économistes font d’ailleurs assaut d’imagination pour distinguer les différents profils possibles : certains évoquent le sigle d’une célèbre marque de chaussures de sport ou même la lettre Baa de l’alphabet arabe.

On pourrait imaginer un relâchement du confinement avec, par exemple, le redémarrage progressif des activités (mais avec au moins 50% des activités non essentielles restant à l’arrêt), le maintien de la fermeture des établissements scolaires et l’isolation des personnes âgées. Tel est le scénario envisagé dans une étude minutieuse de l’Inserm [11] qui apporte des éléments complémentaires. Le premier est que le niveau actuel d’immunité serait faible – de 1 à 6 % de personnes déjà infectées [12] – alors que le seuil d’au moins 60 % est nécessaire pour assurer une immunité collective et l’éradication du virus.

En outre un tel scénario ne peut fonctionner que s’il est accompagné d’une campagne massive de tests et de mise à disposition des masques. Or, les moyens matériels et logistiques ne sont pas disponibles dans l’immédiat, en tout cas en France. Bref, on peut au mieux gagner du temps et « aplatir » les courbes, mais on ne pourra pas éviter une rechute, au mieux la repousser et en amoindrir l’impact. Comme le dit Vittoria Colizza, l’une des responsables de l’étude : « le confinement va durer longtemps car on ne peut pas vivre normalement avec cette épidémie [13] ».

L’incertitude n’est pas levée par l’examen comparé des politiques menées dans les différents pays. Certains succès sont difficilement transposables : en admettant même la véracité des statistiques officielles, la Chine a eu recours à des mesures ultra-autoritaires, voire totalitaires. La réussite de l’Allemagne est probablement fondée (comme en Corée du Sud) au moins en partie sur une politique systématique de tests, mais celle-ci est hors de portée d’autres pays. On cite le cas de la Suède qui a eu recours à un confinement très modéré, mais il y a des ombres au tableau si on la compare à des pays voisins comme le Danemark, la Norvège ou la Finlande [14].

Selon Annie Thébaud-Mony, une spécialiste des maladies professionnelles, la pénurie de tests n’est pas une explication satisfaisante : « nos dirigeants avancent là une raison technique, alors qu’ils ont clairement fait un choix stratégique : le choix de ne pas tester [15]. » La formule devrait sans doute être nuancée : le gouvernement français a certes fait preuve d’une désorganisation profonde, comme dans le cas des masques, et a même carrément menti [16]. Mais cette débâcle renvoie aussi à un choix de méthode, à savoir le refus – ou l’incapacité – à prendre en main les choses, en inventoriant les capacités de production, en réquisitionnant, bref en planifiant.
Dans ce contexte d’incertitude, la possibilité d’un rebond préoccupe aussi les banques, comme Morgan Stanley, qui prévoit très précisément une seconde vague au début de 2021 [17]. C’est ce qu’illustre le graphique ci-dessous qui ne figure ici qu’à titre d’exemple de la complexité hasardeuse des modèles mis en œuvre.
 

 
Les allers et retours du virus à l’échelle mondiale

Le mode d’organisation de la production mondiale sous forme de chaînes de valeur est brutalement impacté par la crise, et cela de plusieurs manières. A l’intérieur d’un territoire ou d’un pays, la baisse de la demande entraîne la faillite à court ou moyen terme de producteurs qui n’ont pas les reins (financiers) assez solides. Ce phénomène, en s’étendant aux entreprises de transports, peut même conduire à ce qu’une production de biens d’alimentation soit perdue, faute de pouvoir être livrée aux acheteurs.

Aux Etats-Unis, le phénomène est déjà à l’œuvre. D’un côté, certains agriculteurs sont contraints de détruire leurs récoltes et, de l’autre, les citadins dépourvus de ressources font la queue auprès des food banks pour obtenir de quoi se nourrir. L’image ci-dessous, qui rapproche deux articles du New York Times, symbolise l’absurdité d’une telle situation [18].
 

 
Ou bien, variante française révélatrice, certaines récoltes manquent de main-d’œuvre parce que celle-ci était habituellement composée de saisonniers étrangers qui ne peuvent plus venir assurer cette production [19]. Il en va de même au Royaume-Uni, qui tente de« réimporter » les travailleurs étrangers expulsés par le Brexit.

Le commerce international est déjà fortement réduit mais il risque de l’être encore plus avec les perturbations des chaînes d’approvisionnement. Concernant les denrées alimentaires de base, l’OCDE craint qu’à terme « des chaînes d’approvisionnement alimentaire spécifiques soient gravement perturbées, notamment par le manque de travailleurs saisonniers pour la plantation ou la récolte de cultures essentielles, par des contraintes logistiques et par des mesures sanitaires [20] ».

Or de tels mécanismes sont déjà à l’œuvre, comme le montre un rapport de la Banque mondiale sur l’Afrique subsaharienne [21]. La diffusion du virus y a commencé plus tard, et reste relativement limitée (5425 cas recensés dans 45 des 48 pays). Mais ses effets économiques sont déjà présents, et la Banque mondiale en dresse un tableau très sombre, avec une croissance négative pour 2020, entre -2,1 et -5,1 %. Au-delà des chiffrages, le rapport pointe de manière synthétique les principaux canaux de transmission de la crise.

Le premier canal est la perturbation du commerce et des chaînes de valeur. Il frappe les exportateurs de produits de base de la région, avec l’effondrement des prix internationaux des matières premières, ainsi que les pays fortement intégrés dans les chaînes de valeur, comme l’Éthiopie ou le Kenya. Le second choc résulte du retrait brutal des capitaux et de manière générale de la réduction de tous les flux de financement étrangers (investissements directs, aide, transferts de fonds, revenus du tourisme). Au total, les pays seront confrontés à de graves crises de balance des paiements, avec des déficits commerciaux qui se creusent et une chute des taux de change. Viennent ensuite les effets proprement sanitaires qui auront un effet multiplicateur, compte tenu de la difficulté d’organiser un confinement [22].

Il faudrait encore compléter ce tableau déjà sombre en y ajoutant la forte dépendance de plusieurs pays africains aux importations agricoles. On observe en effet que certains pays producteurs sont en train de prendre des mesures d’auto-protection qui consistent à restreindre leurs exportations de biens agricoles. Cela pourrait déclencher une crise alimentaire dans des pays, comme l’Algérie, l’Egypte, le Maroc, ou le Niger, qui sont particulièrement dépendants de leurs approvisionnements extérieurs [23].

Beaucoup de pays d’Amérique latine sont exposés aux mêmes dangers, et pour des raisons similaires. Ils vont, comme le montre Pierre Salama, « connaître de fortes baisses de leurs recettes fiscales du fait du déclin des exportations de matières premières ajoutées à la chute des cours mondiaux. Ce qui pourrait entraîner une crise fiscale diminuant d’autant leurs capacités budgétaires de réponses à la crise économique et sociale [24] ».

Tous les pays émergents et en voie de développement sont donc concernés : ils font face aux mêmes difficultés et doivent emprunter au même moment. Les sorties de capitaux ont déjà commencé, dans des proportions sans précédent, car les marchés financiers préfèrent réduire les risques et financer les États-Unis, la Chine ou les pays européens. C’est pourquoi la pandémie est une « bombe à retardement de défauts souverains [25] ». Il n’est donc pas surprenant que de nombreux pays aient déjà demandé une aide financière d’urgence au FMI, qui l’a accordé malgré l’opposition de Trump. Mais cette aide arrive au compte-gouttes et la suspension de la dette accordée à certains pays n’est que provisoire.

On pourrait dire que la pandémie connaît, comme l’économie mondiale un « développement inégal et combiné » et elle en est d’ailleurs le révélateur. Les échanges internationaux vont être soumis aux mêmes zigzags que les conjonctures nationales, parce qu’il est impossible d’adapter en temps réel les chaînes de valeur mondiales. Si un pays de la « périphérie » ne peut plus assurer l’approvisionnement d’un pays du « centre » parce qu’il est à son tour frappé par la pandémie, cet arrêt soudain de la production dans le premier pays se répercutera sur l’activité économique du second.

Les effets rebond

Les constats précédents ne sont pas partagés par les tenants d’une reprise « en V » qui permettrait, dès 2021, de combler le trou de 2020. La version la plus radicale de cette thèse est sans doute celle de l’Office for Budget Responsability qui est quelque sorte l’équivalent britannique de la Cour des Comptes. Il prévoit une chute de -12,8 % du PIB en 2020, suivie d’une reprise de +17,9 % en 2021 ! Cela donne le graphique épuré ci-dessous [26].
 

 
Dans le même registre drolatique, on peut citer l’interview « trumpoïde » de Larry Summers ex-secrétaire d’Etat de Clinton, ex-conseiller d’Obama, etc. Son intuition « sans doute optimiste », dit-il, est que « la reprise peut être plus rapide que l’on s’y attendrait, car elle est de même nature que ce qui se passe après la dépression totale qui frappe l’économie du Cap Cod chaque hiver [Cape Cod est le lieu de villégiature favori des élites bostonienne et new-yorkaise] ou que la reprise du PIB américain tous les lundis ». Après ce trait d’humour, Summers ajoute : « je pense donc que si nous parvenons à maîtriser la situation sanitaire, le retour à la normale sera plus rapide que lors des crises financières ou des récessions habituelles » mais, prudent, il ajoute « je n’en suis pas sûr [27] ».

Toutes les prévisions quantifiées ne sombrent pas dans ce ridicule, même s’il faut quand même avoir bien du courage pour mener à bien de tels exercices. On observe en tout cas que la plupart de ces projections s’évertuent à présenter des trajectoires optimistes. Il est difficile de dire si c’est à cause d’une méthode qui sous-estime la portée de cette crise, ou bien pour rassurer (les investisseurs ?) en minimisant la portée du choc. En tout cas, les graphiques ci-dessous s’apparentent à des vœux pieux, wishful thinking, dit-on en anglais. A gauche, figure la prévision de Xerfi pour la France, à droite celle du FMI, plutôt en forme de « swoosh [28] ». Que les pays émergents et en développement devraient, selon le FMI, rattraper rapidement le creux et croître de 10 % d’ici à la fin de 2021, cela à vrai dire dépasse l’entendement.
 

 
Pour boucler la boucle, on peut citer un article par ailleurs assez éclairant [29], où l’auteur établit un parallèle (certes d’un goût douteux) avec le jeu de la taupe (whack a mole) où il faut assommer le plus grand nombre de taupes qui ne cessent de dresser la tête hors de leur trou.
 

 
La fable de l’épargne forcée

L’un des effets du confinement est que les dépenses de consommation chutent plus que les revenus. Dans le cas de la France, le taux d’épargne qui oscillait autour de 15 % devrait bondir jusqu’à 35 % au deuxième trimestre 2020 [30]. Cette « épargne forcée » représenterait environ 55 milliards d’euros pour huit semaines de confinement [31]. Si le taux d’épargne revenait à son niveau d’avant-crise, la consommation impossible pendant le confinement rattraperait son retard et soutiendrait une reprise rapide « en V ». Le graphique ci-contre, tiré de l’étude déjà citée de Xerfi, illustre bien ce scénario ultra-optimiste dont la vraisemblance est proche de zéro (on aimerait bien voir « l’équation » qui conduit à ce résultat).
D’ailleurs cet optimisme a été aussitôt tempéré par l’auteur de l’étude : « sur le papier », explique-t-il, on pourrait compter sur « le bas de laine de la fameuse France des fins de mois » mais « cette issue heureuse, on ne la verra pourtant pas. Il n’y aura ni lendemain qui chante ni même un choc adouci [32] ».

Le problème de ces scénarios est qu’ils postulent implicitement un arrêt intégral du confinement et un redémarrage immédiat de la production. En cela ils sous-estiment la boucle pandémie/économie et la boucle demande/offre. En outre, ils se heurtent à une difficulté classique concernant le taux d’épargne. Même avant la crise, il s’agissait de l’une des variables déterminantes lors d’un exercice de prévision économique, et sans doute l’une des plus difficiles à modéliser. La raison est qu’il n’existe pas un taux d’épargne qui serait déterminé par le comportement d’un « agent représentatif », autrement dit d’un consommateur moyen. Depuis Keynes, on sait que les riches épargnent plus. Le graphique ci-dessous l’illustre à la perfection : les 20 % de ménages aux plus bas revenus (quintile Q1) ont même un taux d’épargne négatif (ils s’endettent), les 20 % suivants ont un taux d’épargne nul, et le gros de l’épargne provient des plus hauts revenus [33]. Quelques études ponctuelles montrent que le comportement d’épargne dépend de la structure des revenus : globalement, les salariés épargnent moins [34].

Compter sur la libération de cette « épargne forcée » pour relancer l’économie est donc révélateur d’une forme de distanciation sociale, qui revient à ignorer le sort des plus défavorisés, ceux qui galèrent parce qu’ils ont perdu emploi et revenu, qui font la queue pour avoir de quoi manger. S’appuyant sur l’enquête logement de l’Insee et sur un sondage de l’Ifop [35], Pierre Concialdi montre que la baisse de l’activité a eu « un impact sur les revenus de plus d’un tiers des actifs », les plongeant dans d’importantes difficultés financières. Des mesures ont certes été prises en matière de chômage partiel, mais elles « sont loin de compenser l’intégralité de la perte de revenus. En moyenne, pour les salariés concernés, on peut estimer que la perte est de 400 euros par mois, soit 800 euros après deux mois de confinement ». Concialdi évalue à « environ 2,5 à 2,8 millions le nombre de ménages d’actifs locataires ou accédants (soit 6 à 7 millions de personnes) [qui] sont ainsi durement frappées par la récession » et suggère « une intervention plus vigoureuse des pouvoirs publics à l’échelle nationale, que ce soit à travers un moratoire des loyers et/ou la mise en place d’un fonds de solidarité [36] ».

Même si diverses mesures ont permis d’empêcher une chute brutale des salaires, c’est essentiellement sur les riches que l’on compte pour relancer la consommation et l’emploi des autres. Mais c’est oublier qu’ils vont enregistrer des pertes sur leur patrimoine, et on ne voit pas dans ces conditions pourquoi ils seraient incités à surconsommer.

Si les études citées (OFCE et Xerfi) fournissent un calibrage minutieux, elles pointent une autre difficulté. L’OFCE signale que « les huit semaines de confinement conduiraient à réduire le taux de marge des entreprises de 2,9 points de valeur ajoutée sur l’année, soit l’équivalent d’une perte de 35 milliards d’euros ». L’un des effets immédiats de la crise est bien de réduire la profitabilité des entreprises, leur taux de marge (pour celles qui n’auront pas fait faillite). Il faudrait alors tout faire « pour sauver le soldat Ryan » La reprise « en V » ne suppose pas seulement un rebond de la consommation, mais aussi, à terme, de l’investissement. Sauf qu’« on ne saurait faire boire un âne qui n’a pas soif ». L’investissement sera durablement contraint par l’endettement des entreprises et par l’absence de visibilité sur la demande. Après la crise de 2008, les entreprises avaient été confrontées à cette même nécessité de réduire leur endettement et l’avaient fait en freinant l’investissement, les salaires ou l’emploi. Ces évolutions « risquent donc de se reproduire après la crise du coronavirus » comme nous en avertit Patrick Artus [37].

Rebond, vous avez dit rebond ?

On pourrait imaginer un effet rebond a priori favorable à la reprise économique : soulagés d’être sortis de la crise, les consommateurs décideraient de compenser les affres de la crise sanitaire en dépensant leur « épargne forcée » et en consommant de plus belle pour, en quelque sorte, rattraper leur retard. La confiance reviendrait et l’activité économique pourrait redémarrer vigoureusement. On a déjà évoqué les raisons pour lesquels un tel scénario qui, encore une fois, suppose implicitement un déconfinement intégral et immédiat, ne tient pas compte du champ de ruines dans lequel cette reprise aurait lieu.

Ce scénario oublie un autre facteur : la peur de la maladie. C’est ce que souligne l’analyse de l’épidémiologiste Johsua Epstein qui propose le concept de « contagion couplée » combinant la maladie elle-même et la peur de la maladie [38]. Selon ce modèle, la peur de la maladie conduit dans un premier temps à prendre des mesures qui limitent la propagation de l’épidémie. Quand les choses semblent aller mieux, la peur s’estompe et les mesures de protection sont progressivement relâchées ou abandonnées. C’est alors « le recul de la peur qui fait des ravages. Si même quelques cas infectés sont encore en circulation, la reprise des activités revient à verser de l’essence sur ces braises infectieuses (sous la forme de personnes exposées), et une deuxième vague s’enflamme. »

C’est un tout autre type de rebond qu’il faut envisager, celui d’un retour aux politiques de rééquilibrage budgétaire. Il faut ouvrir ici, avec prudence, une petite parenthèse pour évaluer les mesures prises ou annoncées aujourd’hui. Au risque de la vindicte, on peut dire, au moins pour ce qui concerne l’Europe, que les gouvernements ont accepté un effort budgétaire important, ou en tout cas s’y résignent. On peut en prendre la mesure en comparant le taux de chômage qui explose aux Etats-Unis alors qu’il est relativement contenu en Europe. Les mesures prises sont évidemment insuffisantes, imparfaitement ciblées et insuffisamment coordonnées. Mais, malgré ces limites, elles impliquent en tout état de cause un accroissement significatif de l’endettement public.

Les évaluations du FMI [39] reproduites dans le tableau ci-contre donnent des ordres de grandeur : pour l’ensemble de la zone euro, la dette publique passerait de 84,1 à 97,4 % du PIB, soit une progression de 13 points. Mais cet impact serait encore plus fort – et dramatique – pour la Grèce, suivie par les pays du « Sud », Italie, Espagne, Portugal et … France. Pour d’autres pays, comme l’Allemagne et les Pays-Bas, l’impact serait moins fort.

Notre hypothèse est alors que les gouvernements vont profiter de la moindre éclaircie pour justifier des mesures d’« assainissement » selon des modalités éventuellement différentes d’un pays à l’autre. L’expérience de la précédente crise renforce cette hypothèse : les politiques d’austérité menées dès 2010 et 2011 ont engendré un retour de la récession. Les gouvernements ont sans doute appris et ils tenteront de ne pas resserrer la vis trop tôt. Mais le débat portera plus sur le moment approprié que sur la nécessité d’un tel tournant. Les oppositions entre pays « frugaux » et « dispendieux » ne pourront que s’attiser, malgré les interventions de la BCE, et en dépit des propositions diverses qui fleurissent (et sur lesquelles il faudra revenir). Les va-et-vient de politiques budgétaires désynchronisées, en se combinant avec les flux et reflux de l’épidémie risquent ainsi apporter leur contribution à une reprise hésitante, en dents de scie.

D’ailleurs, on ne pourra pas dire que nous n’étions pas prévenus, comme le montre ce petit florilège [40] : « Il faudra faire des efforts pour réduire la dette » (le ministre français de l’économie) ; « travailler plus que nous ne l’avons fait avant » (sa secrétaire d’Etat) ; « le traitement des dettes héritées de la crise supposera nécessairement un effort budgétaire rigoureux avec des dépenses publiques enfin plus sélectives » (le gouverneur de la Banque de France) ; « il faudra bien se poser la question tôt ou tard du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire » (le patron des patrons français).

Mais c’est sans doute Philipe Aghion qui a fourni la clé essentielle. Dans un entretien radiophonique, il a répété à plusieurs reprises l’idée selon laquelle, en matière d’endettement public, « l’important, c’est la confiance que vous inspirez aux marchés [41] ». Il a mis le doigt sur un point fondamental : au-delà des débats techniques, la réalité est bien que les dettes publiques censées financer les besoins sociaux (et environnementaux) doivent passer sous les fourches caudines des marchés financiers, autrement dit, en fin de compte, s’ajuster aux intérêts privés dont les fameux marchés ne sont au fond que les porte-parole.

Nos dirigeants sont donc en train de préparer le coup d’après. Ils sont accompagnés d’exhortations d’éditorialistes comme Eric Le Boucher qui affirme que « la préservation de la vie est un principe sacré, mais le retour au travail et la défense des libertés individuelles représentent aussi une valeur humaine [42] ». Pour un autre, président d’un institut ultralibéral, « la vie est un risque et c’est son prix [43] ».

Le sommet est atteint par le journaliste de Libération, Jean Quatremer, qui se lâche dans un tweet du 9 avril, où il écrit : « c’est dingue quand on y songe : plonger le monde dans la plus grave récession depuis la seconde guerre mondiale pour une pandémie qui a tué pour l’instant moins de 100’000 personnes (sans parler de leur âge avancé) dans un monde de 7 milliards d’habitants. » Deux minutes plus tard, il réitère son indignation : « Je me demande quand on va revenir à la raison ? Lorsque la récession atteindra -20% ? [44] »

Les vautours sont aussi à l’affût. Aux Etats-Unis, le Wall Street Journal [45] relève qu’un « nombre croissant d’investisseurs se préparent à ce qu’ils croient être une occasion unique d’acheter des biens immobiliers en difficulté à des prix avantageux. Des sociétés d’investissement comme Blackstone Group Inc, Brookfield Asset Management et Starwood Capital Group disposent de milliards de dollars [et] s’intéressent aux hôtels, aux commerces, aux titres adossés à des créances hypothécaires et à d’autres actifs qui ont subi des tensions ces dernières semaines ».

La crise pourrait alors être une « aubaine » (bonanza), comme l’explique David Schechtman, du Meridian Capital Group. Certes, il prend soin d’exprimer toute sa compassion : « nos pensées et nos prières vont à tous nos concitoyens américains et personne ne cherche à profiter du malheur de quiconque » puis il « laisse l’émotion de côté » pour exprimer le fond de sa pensée : « mais je vais vous dire : un grand nombre d’investisseurs immobiliers attendent cela depuis une décennie ». Cet exemple parmi d’autres montre que la sortie de crise sera un enjeu politique et social.

Le capitalisme ébranlé

Le capitalisme a pris un sérieux coup, et il ne s’en remettra pas facilement. Ce rapide tour d’horizon a fait apparaître au moins cinq mécanismes qui vont freiner une éventuelle reprise :

1. Les entreprises, endettées et aux débouchés incertains, vont hésiter à investir et chercher à réduire les emplois et les salaires ;
2. Les ménages, appauvris ou inquiets, vont réduire leur consommation, privilégier une épargne de précaution ou reporter leurs achats de biens durables ;
3. Les États vont finir par chercher à « assainir » les finances publiques ;
4. Les chaînes de valeur sont désorganisées et le commerce international va ralentir ;
5. Les pays émergents, impactés par les sorties de capitaux et par la baisse des prix des matières premières, vont contribuer à la rétractation de l’économie mondiale.

Cette crise exacerbe ainsi des tendances ou des tensions qui existaient déjà avant son éclatement. Mais elle se combine avec la crise sanitaire qui a pour effet d’introduire un climat général d’incertitude et d’imprimer à la reprise un profil hésitant.

Le graphique ci-dessous permet d’illustrer le pronostic que l’on peut avancer aujourd’hui : il s’agit évidemment de conjecture plutôt que d’une impossible prévision. La courbe verte correspond à la tendance d’avant-crise. La courbe bleue représente de manière stylisée la trajectoire possible de l’activité économique. Pendant une première période, on observe des fluctuations (on pourrait aussi bien parler d’oscillations) provoquées par les alternances de confinement et de déconfinement. Elles contribuent à engendrer (en se combinant avec les contradictions économiques) une tendance récessive. L’ampleur de ces oscillations se réduit progressivement si bien que l’économie peut retrouver à peu près la tendance antérieure à la crise, mais à un niveau inférieur. (28 avril 2020)
 

 
Notes

[1] Karl Marx, Friedrich Engels, Le manifeste du parti communiste, 1848. Traduction de Laura Lafargue revue par Friedrich Engels.
[2] ILO, « COVID-19 and the world of work. Updated estimates and analysis », 7 April 2020.
[3] voir Michel Husson, « Sur l’inanité de la science économique officielle : de l’arbitrage entre activité économique et risques sanitaires », A l’encontre, 14 avril 2020.
[4] Jérôme Baschet, « Qu’est-ce qu’il nous arrive ? », LundiMatin, 13 avril 2020.
[5] « AMLO usa imágenes religiosas como ‘escudo protector’ contra el Covid-19 », Diario de México, 18 de marzo de 2020. Voir un extrait (assez hallucinant) de sa conférence de presse ici.
[6] Il avait notamment institué une prestation pour les adultes de plus de 70 ans (Pensión Universal Alimenticia para Adultos Mayores), les mères célibataires et les handicapés, et mis à disposition des soins médicaux et des médicaments gratuits pour 750 000 familles pauvres sans protection sociale.
[7] EZLN, « Communiqué du Comité Clandestin Révolutionnaire Indigène », 16 mars 2020.
[8] Angela Merkel, « Conférence de presse du 15 avril 2020 », extraits transmis par @BenjAlvarez1 (avec sous-titres anglais).
[9] rapporté par Jane Maher, une oncologiste, sur twitter.
[10] Imperial College, « Impact of non-pharmaceutical interventions (NPIs) to reduce COVID-19 mortality and healthcare demand », March 16, 2020.
[11] Laura Di Domenico et al., « Expected impact of lockdown in Île-de-France and possible exit strategies », Inserm, 12 avril 2020.
[12] Cette proportion serait « très vraisemblablement inférieure à 15%, y compris dans les zones les plus touchées par la première vague de l’épidémie » estime le Conseil scientifique COVID-19 dans son avis du 2 avril 2020 : « Etat des lieux du confinement et critères de sortie ».
[13] citée par Paul Benkimoun, « Une levée du confinement sans mesures strictes de tests et d’isolement serait inefficace », Le Monde, 12 avril 2020.
[14] Hans Bergstrom, « The Grim Truth About the Swedish Model », Project Syndicate, 17 avril 2020.
[15] Annie Thébaud-Mony, « Le gouvernement affaiblit notre capacité collective à lutter contre le virus », Bastamag, 10 avril 2020.
[16] Yann Philippin, Antton Rouget, Marine Turchi, « Masques : les preuves d’un mensonge d’Etat », Mediapart, 2 avril 2020 ; Ismaël Halissat et Pauline Moullot, « Masques : un fiasco et des mensonges », Libération, 28 avril 2020.
[17] Morgan Stanley, « COVID-19 : A Prescription To Get The US Back To Work », April 3, 2020.
[18] Merci à Gilles Raveaud d’avoir signalé ce montage réalisé par Matt Huber.
[19] C’est le cas des fraises et des asperges rendues célèbres par l’inénarrable porte-parole de notre gouvernement qui évoquait au passage les enseignants confinés « qui ne travaillent pas ». Voir : Sibeth Ndiaye, « Fraises et asperges », BFMTV, 25 mars 2020.
[20] OCDE, « Covid-19 and International Trade : Issues and Actions », April 2020.
[21] The World Bank, « Assessing the Economic Impact of Covid-19 and Policy Responses in Sub-Saharan Africa », April 2020.
[22] Sarah Diffalah, « Comment gérer l’impossible confinement en Afrique », L’Obs, 13 avril 2020.
[23] Antoine Bouët, « Coronavirus et sécurité alimentaire en Afrique », Telos, 9 avril 2020.
[24] Pierre Salama, « En Amérique latine, la pandémie s’ajoute à d’autres crises », Libération, 8 avril 2020.
[25] Pierre-Olivier Gourinchas, Chang-Tai Hsieh, « COVID-19 : Une bombe à retardement de défauts souverains », Project Syndicate, 9 avril 2020.
[26] Office for Budget Responsibility, « OBR coronavirus reference scenario », April 14, 2020.
[27] Larry Summers, « Recovery Could Be Faster Than Anticipated » , Vanity Fair, April 2, 2020.
[28] Olivier Passet, « Covid-19 : la contagion sectorielle de l’économie réelle L’ampleur du choc, les limites du rebond », Xerfi, 20 avril 2020 ; FMI, « The Great Lockdown », World Economic Outlook, April 2020.
[29] Ed Yong, « How the Pandemic Will End », The Atlantic, March 25, 2020.
[30] Olivier Passet, « Covid-19 : la contagion sectorielle de l’économie réelle L’ampleur du choc, les limites du rebond », Xerfi, 20 avril 2020.
[31] OFCE, « Évaluation de l’impact économique de la pandémie », 20 avril 2020.
[32] Olivier Passet, « Le rattrapage après-crise : les illusions perdues » Xerfi, 24 avril 2020.
[33] Mikael Beatriz, Thomas Laboureau, Sylvain Billot, « Quel lien entre pouvoir d’achat et consommation des ménages ?, Note de conjoncture, Insee, juin 2019.
[34] Jean-François Ouvrard et Camille Thubin, « La composition du revenu aide à comprendre l’évolution du taux d’épargne des ménages en France », Bulletin de la Banque de France, février 2020.
[35] Ifop/Fondation Jean Jaurès, « Les actifs et le télétravail à l’heure du confinement », mars 2020.
[36] Pierre Concialdi, « Confinement, récession et baisse des revenus ? », Ires, avril 2020.
[37] Patrick Artus, « Comment les entreprises se désendettent-elles ? », 21 avril 2020.
[38] Joshua M. Epstein, Jon Parker, Derek Cummings, Ross A. Hammond, « Coupled Contagion Dynamics of Fear and Disease : Mathematical and Computational Explorations », PLoS ONE, Volume 3, Issue 12, 1st December 2008.
[39] FMI, « Policies to Support People During the COVID-19 Pandemic », Fiscal Monitor, April 2020.
[40] Dans l’ordre d’apparition : Bruno Le Maire, « Il faudra faire des efforts pour réduire la dette », Reuters, 10 avril 2020 ; Agnès Pannier-Runacher, « Travailler plus que nous ne l’avons fait avant », AFP, 11 avril 2020 ; François Villeroy de Galhau, « Il n’y a pas de miracle : nous devrons porter plus longtemps des dettes publiques plus élevées », Le Monde, 8 avril 2020 ; Geoffroy Roux de Bézieux, « La reprise, c’est maintenant ! » Le Figaro, 10 avril 2020.
[41] Philippe Aghion, « Penser l’économie de demain », France Culture, 24 avril 2020.
[42] Éric Le Boucher, « Il faut sortir la France du confinement », Les Echos, 10 avril 2020.
[43] Jean-Philippe Delsol, « Confinement : jusqu’où peut-on aller ? », Les Echos, 10 avril 2020.
[44] Jean Quatremer, « Une sélection de tweets » tweet, avril 2020.
[45] Konrad Putzier and Peter Grant, « Real-Estate Investors Eye Potential Bonanza in Distressed Sales », The Wall Street Journal, April 7, 2020.

Michel Husson

Économiste, administrateur de l’ INSEE, chercheur à l’ IRES (Institut de recherches économiques et sociales), membre de la Fondation Copernic. Auteur entre autres, de "Les casseurs de l’ État social", La Découverte.

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