Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Débat sur les politiques d’alliance

Québec Solidaire , un parti politique qui aspire au pouvoir ou un groupuscule de la faune urbaine montréalaise ?

Je suis sorti de l’assemblée générale du comté de Sainte-Marie/Saint-Jacques portant sur les alliances politiques en colère et assommé. Il est certain que je suis déçu d’avoir vu mon point de vue en faveur de l’ouverture de bonne foi d’une discussion sur une éventuelle alliance électorale avec le Parti Québécois rejetée, mais mon malaise va bien au-delà. Je me reconnais de moins en moins dans mon parti. Il y avait des arguments politiques et stratégiques intéressants pour le débat mais l’ensemble de la soirée m’a complètement dérouté.

Je suis un homme hétéro de 66 ans. Je suis avant tout un humaniste, mais également un progressiste devenu aussi traditionaliste, et un indépendantiste. Je suis instruit et j’habite dans le quartier Sainte-Marie où je suis impliqué et où je fréquente des gens de différentes classes sociales, origines ethniques, orientations sexuelles. Je discute de tous les sujets avec tout le monde, de toutes les tendances, que nous soyons d’accord ou non. J’ai milité dans le mouvement étudiant, social, syndical, et j’ai été péquiste puis suis devenu solidaire. J’ai tout à coup l’impression d’être devenu dans Québec Solidaire un vieux mononcle qui ne comprends plus rien à rien. Peut-être suis-je dépassé et qu’il est temps que je tire ma révérence ?

Quand je vois la composition de la salle à nos réunions, je vois des hommes et des femmes même si les hommes interviennent plus. Je vois des vieux et des jeunes. Je vois d’anciens péquistes, des communistes. Je vois des indépendantistes mais aussi des fédéralistes. Je vois un mélange d’orientations sexuelles. Je vois des gens d’origine immigrante. Je ne vois pas de ‘’ gars de shop ‘’ ni de vendeuses de magasin. Je ne vois pas de monsieur ou de madame ‘’ du bout ‘’. Je ne vois peu de ‘’ BS ‘’. Malgré l’absence malheureuse de prolétaires le mélange devait être prometteur, mais malheureusement ce n’est pas le cas. Ce qui devrait être une richesse devient une ode à la marginalité. Comme le mouvement social au Québec notre parti est tellement diversifié et composé de je ne sais trop combien de sous groupes que l’on se demande comment l’unité est encore possible au sein du parti et avec d’autres gens à l’extérieur.

Notre parti est à l’image de la société québécoise, une gang tellement unique que nous n’avons plus envie de parler à personne qui n’est pas ‘’ dans not genre ‘’. Le Parti Québécois c’est le diable en personne. Le PQ a beau nous tendre la main en nous laissant le champs libre dans Gouin alors qu’on aurait tellement aimé les planter dans une ruelle de la Petite Patrie, être en faveur de l’élection proportionnelle, ouvrir la porte à l’assemblée constituante, à Pharma Québec, au retrait des énergies fossiles, au réinvestissement dans l’éducation et la santé, ce n’est pas encore assez. Les invectives à son égard pleuvent . ‘’ Le PQ est raciste ‘’ , ‘’ Le PQ est un parti néolibéral ‘’ . En fait on ne veut rien savoir sans oser le dire ouvertement au cas où ce serait mal vu. On pourrait même faire semblant en attendant à l’automne pour prendre notre décision et pour trouver au moment du congrès du PQ un prétexte pour fermer la porte à double tour. Et on dit vouloir faire de la politique autrement...

Pour moi si on a véritablement à cœur le bien commun et l’intérêt des plus démunis
on doit rechercher l’unité pour faire avancer les choses et non pas valoriser avant tout nos différences. Notre priorité devrait être de mettre à la porte les mafieux libéraux et pour y arriver une coalition de tous les partis d’opposition incluant la CAQ devrait être possible sur la base d’un gouvernement honnête et intègre, et de la démocratie électorale proportionnelle.
Une deuxième coalition devrait être possible contre l’austérité et la privatisation des services publics incluant le Parti Québécois et Option Nationale, et pour accéder à l’indépendance du Québec. Ces différentes coalitions appuyées par un mouvement populaire revigoré et avec une direction politique permettraient de cesser de faire du surplace et de remettre à la mode le fameux slogan du Printemps érable : ‘’ On avance...on avance...on recule pas ‘’ dans une recherche permanente d’unité plutôt que de continuer à s’entredéchirer au grand plaisir de ceux qui mènent rapidement le Québec et le monde à sa perte. Le paysage politique ici et ailleurs est tout à fait à l’image de l’individualisme et du corporatisme des groupes comme si soi-même, son groupe ou son parti était plus important que l’intérêt du plus grand nombre.

Québec Solidaire semble voguer sur un nuage, ou sur un tapis magique comme le dit un ami.
Il est effectivement heureux que nous ayons accueilli récemment quelques milliers de nouveaux membres suite à la venue de Gabriel Nadeau-Dubois. Il est aussi heureux que notre parti accueille des jeunes et des Québécois d’origine immigrante. Mais il ne faut pas se ‘’ petter les bretelles ‘’ trop vite et penser que nous sommes au bord de prendre le pouvoir avec nos 10% de votes. Nous sommes aussi à une croisée des chemins où nous avons à décider si nous sommes un parti de masse reflétant l’ensemble du tissu social et désirant accéder au pouvoir un jour, ou un groupuscule pur et dur qui veut rester seul dans son coin drapé dans la vertu. Est-ce que nous désirons parler à monsieur et madame tout le monde à travers le Québec et s’y enraciner ou être uniquement le parti branché des quartiers centraux en voie de gentrification de Montréal ?

Si nous ne sommes pas une option crédible pour les travailleurs et travailleuses, pour les prolétaires et la classe moyenne, et ne savons pas véhiculer sur le plan politique leurs aspirations, ces gens se tourneront vers d’autres formations politiques comme nous le voyons en France avec le Front National et aux États-Unis avec l’élection de Donald Trump.
Vivons-nous au Québec la même cassure entre la métropole éduquée, technologique, mondialisée et multiethnique, et les autres régions, les plus petites villes et les campagnes comme on l’a vu en Angleterre avec le Brexit ? Sommes-nous à notre manière comme parti dans notre tour d’ivoire à l’image du reproche adressé à bien des partis politiques ici et ailleurs ? Sommes-nous encore capables d’être bien ancrés dans le réel ? Est-ce que nous nous condamnons nous-même à la marginalité ?

Et pour l’élargissement de la démocratie on repassera. Une personne de l’exécutif du comté m’avait laissé entendre lorsque j’ai manifesté de l’intérêt pour participer au congrès du mois de mai que la délégation du comté pourrait être composée proportionnellement de gens défendant différentes positions sur l’alliance politique avec le PQ. Lorsque j’ai ramené la question sur le tapis après le vote sur l’alliance on m’a répondu que tous les délégués,es qui seront élus,es devront défendre la position majoritaire adoptée. Une victoire c’est une victoire et il faut gagner à tout prix au congrès non ? J’ai alors ramassé mes cliques et mes claques et j’ai quitté la rencontre. Québec Solidaire est encore mon lieu d’appartenance avec bien des valeurs que je partage mais pour combien de temps encore ?

Yves Chartrand
Membre de Québec Solidaire dans Sainte-Marie/Saint-Jacques

Yves Chartrand

Intervenant social
Montréal

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