« Le projet de loi 70 visant à « permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi ainsi qu’à favoriser l’intégration en emploi » a été présenté le 10 novembre 2015 et a été adopté un an jour pour jour plus tard. Entre ces deux moments, il y a eu plusieurs dizaines d’interventions publiques (conférences de presse, lettres ouvertes, manifestations...) pour dénoncer le caractère contraignant et punitif du futur programme Objectif emploi (…) La présentation, le 12 juillet dernier, du projet de règlement qui mettra en œuvre le programme Objectif emploi a confirmé l‘intention du gouvernement, soit allé de l’avant avec cette réforme contreproductive et néfaste pour les primo-demandeurs, malgré les nombreuses critiques soulevées. »1
Dans son projet de réglementation, le ministre présente 10 mesures réglementaires. Je n’en présente que 2 car les conséquences de ces mesures ont un impact majeur sur le droit à l’aide sociale.
Mise en œuvre du Programme objectif emploi
Les personnes qui feront une première demande à vie d’aide sociale (primo-demandeur) seront assujetties au Programme objectif emploi et devront se soumettre à un régime particulier pendant une période de 12 à 24 mois avec danger de sanctions financières pour non-participation. Une rencontre obligatoire avec un.e agent.e sera exigée. Le chèque d’aide sociale (628$) sera retenu si la personne ne se présente pas. Une allocation de participation sera accordée aux participant.e. méritant.e (?) allant de 38$ à 60$ par semaine pour une personne seule. Des manquements à ses engagements pourraient mener à des sanctions financières appliquées à la prestation de base. « La diminution de la prestation sera de 56$ pour le premier manquement, de 112$ pour le deuxième manquement et de 224$ pour tout manquement additionnel. [Autrement dit, le chèque pourrait être réduit à 404$] (…) L’allocation de participation ne sera versée qu’à la reprise des engagements prévue au plan d’intégration en emploi par le participant ou la participante (…). »2 L’entrée en vigueur de cette réglementation est le 1er avril 2018.
« À travers ce programme, le ministre introduit incontestablement le principe du workfare, en liant l’aide financière et l’aide à l’emploi. (…) Sous le prétexte de beaux objectifs d’intégration en emploi, le ministre introduit la notion de pénalités qui, en fin de compte, aura comme effet le retour forcé des gens dans des emplois sous-payés qui ne leur conviennent pas ou les poussera carrément à la rue. Il apparaît clairement que l’intention poursuivie par le gouvernement est de servir le patronat en main d’œuvre à bon marché, sans sécurité d’emploi et contrainte de rester sous peine de voir ses prestations coupées. (…)
Les personnes avec des contraintes sont exclues de ce nouveau programme, ce qui est logique. Par contre, la détermination de ces contraintes se fera par ces mêmes fonctionnaires et médecins du ministère qui refusent presque systématiquement la reconnaissance de contraintes, sauf peut-être la contrainte temporaire pour l’âge ou la grossesse qui est incontestable. Qu’est-ce qui laisse croire que l’attitude et le jugement de ces personnes seront différents pour reconnaître les limitations des personnes ? Les personnes, dont les contraintes bien réelles ne sont pas reconnues, à qui on forcera la main seront placées dans une situation extrêmement précaire qui pourrait les pousser rapidement vers l’abandon et la pauvreté extrême. Le ministre devrait prioritairement revoir le système très injuste et discriminant des catégories à l’aide sociale. (…)
Une autre inquiétude reste les ressources humaines. La diminution des effectifs d’année en année et la fermeture de plusieurs CLE nous questionnent sur la capacité du personnel à offrir les accompagnements individualisés qu’implique le Programme objectif emploi. Le nombre de fonctionnaires et la qualité de l’accompagnement actuel nous laissent croire que l’objectif ne sera pas atteint. Comment passer d’un système inhumain à un système d’accompagnement individualisé des personnes qui demandent du temps, du respect et de l’écoute ? Comment assurer que les personnes ne vivront pas un autre échec ? »3
« La liste des motifs justifiant un refus d’emploi demeure, elle aussi, assez limitée. La plupart de ces motifs vont de soi – comment pourrait-on en effet obliger une personne à accepter un emploi qui ne respecte pas les normes du travail ou qui met sa vie en danger ? Toutefois, l’autre partie de la liste laisse place à interprétation : éloignement du milieu de travail, obligations familiales, compétences requises pour occuper un emploi, etc. Le libellé est sans équivoque, c’est la personne assistée sociale qui encore une fois portera le fardeau de la preuve. Elle devra justifier, auprès de son agentE, le motif pour lequel elle ne peut accepter tel ou tel emploi.
Cela est d’autant plus inacceptable qu’en réalité, la personne aura fort probablement très peu de pouvoir sur son plan d’intégration en emploi. Car si, en théorie, le plan d’intégration en emploi est fait conjointement par l’agentE et la personne, ce plan se fera dans le cadre d’un rapport très inégalitaire : les personnes risquent d’accepter le plan proposé par l’agentE et tout type d’emploi qui s’y trouve inscrit, pour être certaines d’avoir leur chèque. »4
Arrêt du Programme alternative jeunesse
Le 1er avril 2018, le Programme alternative jeunesse sera arrêté, sauf pour les jeunes qui y sont déjà engagé jusqu’à la fin prévue de leur participation.
« Parallèlement, avec la prétention du ministre Blais de vouloir aider les jeunes, nous nous expliquons mal la fin du Programme alternative jeunesse, une démarche d’intégration en emploi destinée aux jeunes qui portait fruit. En effet, quand ce programme battait son plein en 2013-2014, le nombre de jeunes qui participaient à alternative jeunesse sur une base volontaire, et parfois même sans allocation supplémentaire, oscillait entre 7 000 et 8 0005. En se tournant vers un programme obligatoire, il nous apparaît évident que le ministre veut faire plaisir à sa clientèle électorale en imposant des sanctions aux personnes qui refusent de prendre part à objectif emploi. »6
Comme nous l’avons souvent écrit, l’impact majeur de PL70 est le retrait du droit à une aide financière de dernier recours. Avec les contraintes et les pénalités du Programme objectif emploi, nous nous éloignons de plus en plus de la première loi québécoise d’aide sociale adoptée en 1969 qui reconnaissait le droit à l’assistance sociale pour toutes les personnes sans ressources, quelle que soit la cause du besoin. Elle faisait ainsi de l’aide sociale un droit et non pas une charité octroyée à des pauvres méritants. Avec l’arrivé du Programme objectif emploi, ce droit disparaît.
Vous êtes invité à venir manifester contre Objectif Emploi le dimanche 10 septembre à 11h00. Le rendez-vous est au 425 Jacques-Parizeau, suivi d’une marche jusqu’à l’assemblée nationale
Notes
1.- Coalition Objectif Dignité. (juillet 2017). 628 $, ça ne se coupe pas. Non au projet de loi 70 !
2. Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale. (2017). Principaux éléments de l’analyse d’impact des 10 mesures réglementaires proposées.
3.Coalition régionale contre le projet de loi 70. (2017). Mémoire présenté au ministère de l’emploi et de la solidarité sociale (MESS).
4.Coalition Objectif Dignité. (juillet 2017). 628 $, ça ne se coupe pas. Non au projet de loi 70 !
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