Je suis un syndicaliste à la retraite. J’ai beaucoup appris de mon expérience syndicale. Je n’ai pas monté dans la hiérarchie pour ne pas m’encombrer de taches bureaucratiques préférant l’éducation politique de classe à la base et dans l’action. Magalie Picard, l’actuelle présidente de la FTQ, qui était alors vice-présidente pour le Québec de l’Alliance de la Fonction Publique du Canada (section Québec), mon syndicat, m’a déjà dit que les bateaux sur lesquels j’ai milité sont devenus des « pépinières de syndicalistes ». Elle avait remarqué combien avait porté l’éducation politique de classe à laquelle j’avais soumis mes confrères de travail et son utilité pour assurer une succession à ce travail.
J’effectue présentement un travail de solidarité internationale pour un syndicat salvadorien qui me prend du temps et exige patience et détermination. Je perpétue un apprentissage que j’ai commencé dès mon engagement envers mes confrères de travail.
J’ai entrepris d’éveiller mon syndicat, la FTQ, à la montée de l’extrême droite dont on parle beaucoup aux nouvelles avec l’arrivée de Trump, mais dont peu de gens se préoccupe comme de l’émergence d’un nouveau fascisme.
Ce que je connais de l’histoire du pouvoir fasciste, c’est qu’il est la politique de la faction du patronat la plus réactionnaire qui soit. Il est l’alternative que le patronat garde en réserve pour écraser toute résistance des salariés ou de la population en général. Non seulement c’est une politique de droite, mais c’est la politique la plus à droite, la plus extrême que le pouvoir peut exercer contre sa population. Il est réactionnaire en ce qu’il s’attaque à toutes les idées de progrès et fait du colonialisme quelque chose de populaire par la démagogie qu’il entretient contre les populations appauvries du monde entier au point où l’annexion de pays aussi indépendants que le Canada ou le Danemark est banalisée.
Ce que j’entends par l’éducation politique, que devrait entreprendre dès maintenant les syndicats, c’est d’éveiller à cette réalité qui semble nouvelle que les pouvoirs du patronat virent à droite à cause des crises de société qui suscitent de plus en plus de colère. Cette saine et juste colère est déviée de ses objectifs d’engendrer des progrès de société, par la démagogie de leaders politiques qui s’en servent comme tremplin pour attaquer quiconque s’oppose à eux et à leurs projets de régression sociale.
Ce n’est pas banal. Il ne faut pas croire que le patronat est uni autour du fascisme. Il y a des patrons et des intellectuels qui le connaissent pour les dommages qu’il a causé dans l’histoire à leur pouvoir. Après la Deuxième Guerre Mondiale, tout le monde abhorrait le fascisme pour les calamités qu’il avait engendrées. Encore aujourd’hui, certaines couches de la population sont éveillées aux reculs qu’il veut imposer. Mais ces couches populaires, actives contre le fascisme, sont encore minoritaires puisque les fascistes sont élus comme au El Salvador où Bukele sème la terreur parmi les protestataires tout en ayant l’assentiment passif de la population. C’est ce qui nous attend s’il n’y pas de réplique au discours démagogiques de l’extrême droite.
Les belles paroles ne servent à rien contre la démagogie. Elles se nourrissent l’une de l’autre. Toute opposition conséquente au fascisme rencontre une répression que le pouvoir invoque pour sa survie propre et contre les opposants.
Est-ce à dire qu’il n’y plus rien à faire ? Non au contraire, plus la répression augmente, plus le fascisme doit rencontrer d’adversaires, comme contre Hitler. Le fascisme peut être vaincu si on remet en question son pouvoir et les mécanismes qui le font vivre : l’ignorance politique et la passivité devant son ascension.
Alors, que faire ? Tout d’abord prendre conscience que son origine est patronale, qu’il a sa racine dans la domination de classe des patrons et de leurs partis. C’est dire le choix à faire entre d’un côté le mouvement ouvrier le plus politisé, les syndicats, et le patronat qui a cette option pour en venir à bout. C’est dire l’importance de la démocratie syndicale dont on a vu qu’elle se distinguait de celle que l’on connait communément comme la démocratie libérale dans la lutte du Front Commun où la population a pris fait et cause pour les salariés. La démocratie libérale est celle qui permet au patronat de dominer. Ce qui reste de la démocratie avant le fascisme peut servir à l’empêcher d’aller jusqu’au pouvoir. Mais il faut que les contre-pouvoirs se mettent en marche.
C’est ce qui me fait peur. Il n’y pas de riposte politique résolue et énergique à la montée d’un Polièvre, par exemple. Au Québec, on soupçonne que ce que nous avons connu du fédéralisme peut nous mettre en garde contre les abus de pouvoir. Mais il n’y a personne, à part quelques communistes, qui tirent les leçons d’une Crise d’Octobre dont même certains indépendantistes de droite accusent les protagonistes de l’avoir provoquée sans viser le fédéral qui en est responsable.
Il n’y a donc pas de remparts immuables contre le fascisme sinon une riposte consciente contre un patronat inique et désespéré qui en fasse un adversaire de tous les instants.
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