La Commission a transmis ses commentaires sur le projet de loi no 8 au ministre du Travail au début de la semaine, conformément à sa responsabilité de vérifier la conformité des lois à la Charte et de faire, au besoin, les recommandations qui s’imposent. Il est à noter que la Commission n’avait pas été invitée aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi tenues par la Commission de l’économie et du travail de l’Assemblée nationale, le 9 septembre 2014.
Le projet de loi n° 8 impose aux travailleuses et travailleurs agricoles une condition spécifique pour accéder à l’ensemble de la protection offerte par le Code du travail, soit celle d’être à l’emploi d’une entreprise comptant au moins trois salariés de façon ordinaire et continue. Les travailleurs saisonniers sont exclus aux fins de ce calcul puisqu’ils ne travaillent pas toute l’année.
Selon la Commission, cette condition imposée à une catégorie de personnes - les travailleuses et travailleurs agricoles - est basée sur leur condition sociale, l’un des treize motifs de discrimination interdits par l’article 10 de la Charte. En outre, une partie de la main-d’œuvre agricole est constituée des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires et de personnes issues de l’immigration récente qui se retrouvent déjà en situation de vulnérabilité. Ces personnes sont donc également victimes de discrimination basée sur la race et l’origine ethnique ou nationale, qui sont aussi des motifs de discrimination prohibés.
À de nombreuses reprises, la Commission a indiqué que l’aide à une industrie particulière ne devait pas justifier une violation des droits reconnus par la Charte.
Marginalisation des travailleurs agricoles
En imposant une règle particulière, difficile à respecter et sur laquelle les travailleurs n’ont aucune emprise, le projet de loi contribue à dévaloriser le travail agricole et accentue les désavantages historiques que subissent les travailleuses et travailleurs agricoles, et particulièrement les travailleuses et travailleurs migrants ou d’immigration récente. Les travailleurs de ce secteur s’en trouvent davantage marginalisés alors que la Cour suprême reconnaît que leurs conditions de travail sont difficiles, qu’ils sont défavorisés et qu’ils jouissent d’une faible reconnaissance. Il s’agit d’une atteinte à leur droit à la sauvegarde de leur dignité.
Le projet de loi n° 8 reprend le critère énoncé à l’alinéa 5 de l’article 21 du Code du travail. Cette disposition avait été invalidée en 2010 par la Commission des relations du travail. La Cour supérieure a confirmé cette décision en 2013 et conclu que l’imposition d’une règle spécifique applicable aux travailleurs agricoles constituait un obstacle à l’exercice de la liberté d’association. Depuis, toutes les personnes employées à l’exploitation d’une ferme ont droit à l’accréditation syndicale et aux avantages qui en découlent, peu importe le nombre d’employés dans l’entreprise agricole et peu importe le caractère saisonnier ou permanent de leur travail.
L’obligation du Québec de ne pas imposer une condition spécifique aux travailleuses et travailleurs agricoles susceptible de les priver de la protection des relations collectives de travail offerte à la plupart des travailleuses et travailleurs découle également de ses engagements internationaux et de ceux du Canada.
La Commission recommande donc que le projet de loi n° 8 soit retiré.
Les commentaires de la Commission sur le projet de loi no 8 sont disponibles à : www.cdpdj.qc.ca/Publications/Commentaires_PL_8_travailleurs_agricoles.pdf
Le site Web de la Commission comprend une page sur les travailleuses et travailleurs migrants : http://www.cdpdj.qc.ca/fr/medias/notre-avis/Pages/travailleurs-migrants.aspx
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse assure le respect et la promotion des principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Elle assure aussi la protection de l’intérêt de l’enfant, ainsi que le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse. Elle veille également à l’application de la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans des organismes publics.