Édition du 29 octobre 2024

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Charte des valeurs québécoises

Projet de Charte sur la laïcité et port de signes religieux - La CSN en faveur d'une interdiction partielle, mais pour la reconnaissance des droits acquis

QUÉBEC, le 12 déc. 2013 - Les délégués de la CSN, réunis aujourd’hui en conseil confédéral, ont adopté une proposition en trois volets dont un réaffirmant ses positions prises en 2007 et en 2010 pour l’interdiction du port de signes religieux pour les personnes suivantes dans l’exercice de leurs fonctions : les magistrats, les procureurs de la Couronne, les policiers, les gardiens de prison ainsi que le président et le vice-président de l’Assemblée nationale ; les personnes travaillant dans le réseau d’éducation primaire et secondaire, y incluant les écoles privées subventionnées, notamment les enseignantes et les enseignants ; les personnes travaillant dans un centre de la petite enfance, une garderie ou un bureau coordonnateur visés à la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance.

« Nous estimons que la neutralité religieuse doit transparaître chez les personnels œuvrant dans le réseau de l’éducation primaire et secondaire, non pas parce qu’ils représentent l’État, mais parce qu’ils incarnent l’école, une école laïque, sans enseignement ni projet religieux, et parce qu’ils assument une mission d’éducation auprès de jeunes élèves. Les adultes qui travaillent dans ce réseau servent souvent de modèles aux enfants et aux adolescents. Ils les côtoient au quotidien, passent beaucoup de temps avec eux. Ce sont aussi des personnes en position d’autorité. Cela justifie, croyons-nous, qu’ils n’affichent pas leurs croyances religieuses. Les mêmes motifs militent en faveur d’une restriction au port de signes religieux dans le réseau des services de garde. Ces services, rappelons-le, sont à caractère éducatif et forment un continuum avec l’école primaire. Là encore le personnel se pose en modèle aux enfants et fait figure d’autorité », d’expliquer le président de la CSN, Jacques Létourneau.

Les délégués se sont ainsi prononcés contre une interdiction générale du port de signes religieux pour tous les membres du personnel d’un organisme public.

Droits acquis


Les délégués ont également adopté la reconnaissance d’un droit acquis au port de signes religieux pour les personnes déjà à l’emploi au moment de l’adoption de loi. « L’interdiction du port de signes religieux ne devrait pas s’appliquer aux personnes déjà à l’emploi au moment de l’adoption de la loi, et ce, quel que soit le poste qu’elles occupent. Un régime de droits acquis s’impose selon nous. Il tempèrerait l’atteinte au droit au travail. Il serait injuste en effet que des travailleuses et des travailleurs soient congédiés en raison de changements apportés après leur embauche aux exigences d’emploi », de faire valoir Jacques Létourneau.

Pour les représentants de la CSN, le droit acquis devrait s’appliquer largement, être rattaché à la personne et non au poste qu’elle occupe lors de l’adoption de la loi. Il devrait être transportable à l’intérieur d’un réseau comme celui de l’éducation, de la santé ou de la fonction publique. Il devrait aussi englober les étudiantes et les étudiants ayant débuté une formation professionnelle dans un secteur d’emploi exclusif ou quasi exclusif à l’État (par exemple la santé).

Des principes à réaffirmer


Les délégués ont adopté une proposition visant à réaffirmer certains principes, dont l’affirmation d’un principe de laïcité et de neutralité religieuse de l’État, de même que d’égalité entre les femmes et les hommes au préambule de la Charte des droits et libertés de la personne ; un devoir de réserve et de neutralité religieuse pour les membres du personnel y incluant le personnel de la direction des organismes publics dans l’exercice de leurs fonctions ; la prestation et la réception de services publics à visage découvert ; la définition des concepts d’accommodement et de contrainte excessive dans la Charte de la laïcité et dans la Charte des droits et libertés de la personne et des balises en matière d’accommodement religieux, notamment pour les congés et les horaires de travail, et de politiques de mise en œuvre de la Charte de la laïcité dans les organismes publics.

Un projet où des incohérences subsistent


Dans ses prises de position antérieures, jamais la CSN n’est allée aussi loin que ce que propose le projet de loi actuel. Rappelons que la CSN a toujours privilégié l’adoption d’une charte sur la laïcité qui permet de mieux établir les balises sur lesquelles l’État s’appuie pour gouverner en toute neutralité. Mais dans son projet, certaines incohérences subsistent, qui font qu’on en vient à douter de la sincérité de la démarche. Ainsi, le projet de loi laisse entière la question du crucifix à l’Assemblée nationale ; même si l’on dote cette Assemblée du pouvoir de le retirer, cela ne prouve pas qu’elle le fera. Il n’exige pas la même neutralité religieuse de la part des élu-es que du personnel de l’État. Le projet de loi laisse aussi perdurer la pratique de la prière avant un conseil municipal. Il est en outre inconséquent en ce qu’il ne remet pas en cause le financement des écoles confessionnelles.

« L’incohérence est d’autant plus palpable que du côté du port de signes religieux par le personnel de l’État, le projet de loi frappe fort et sans discernement. Nous ne pouvons suivre le gouvernement sur ce terrain. Le droit au travail commande une approche restrictive. L’interdiction ne doit concerner que les représentants du pouvoir coercitif de l’État. Quant aux personnels des services de garde et du réseau de l’éducation primaire et secondaire, ce n’est pas à titre d’agents de l’État que l’interdit doit s’appliquer, mais par souci des enfants et pour mener à terme un processus de déconfessionnalisation enclenché depuis 1998. Si le gouvernement a même durci sa position en rédigeant son projet de loi, espérons que la recherche du consensus se fera plus présente lors de la commission parlementaire », de conclure le président de la CSN.

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