[Montréal, le 29 janvier] Ce que révèle le procès de Michel Cadotte, c’est que les idées homicidaires chez les personnes proches aidantes, surtout lorsqu’elles sont confrontées à des situations humainement éprouvantes, sont plutôt courantes mais trop taboues.
Un tabou même parmi les personnes proches aidantes
Bien que le sujet du suicide soit plus souvent abordé, des études démontrent que les personnes proches aidantes ont bien des pensées d’homicides. Cependant, vivre ce genre d’idées n’entraîne pas forcément un passage à l’acte mais démontre une grande détresse. Il est difficile pour les personnes proches aidantes d’en parler du fait de la honte, de la peur de la stigmatisation, et du risque qu’on leur enlève la possibilité de prendre soin de la personne qu’elles aiment. Certaines personnes proches aidantes pensent que ces idées résultent d’un caractère déficient ou d’un trouble mental, alors que d’autres pensent qu’elles sont une réaction extrême, ce qui explique que même entre personnes proches aidantes, ce sujet est peu abordé. Mélanie Perroux, coordonnatrice générale du RANQ, atteste que : « ces pensées résultent des lourds fardeaux psychologiques, économiques et sociaux qui reposent continuellement sur les épaules des personnes aidantes. Les services de soutien à domicile sont largement insuffisants et si la personne aidante décide de placer son proche en centre d’hébergement, son rôle continue bien souvent alors que les services de soutien eux disparaissent. »
La prévention par une réflexion sociétale profonde
Pour le RANQ, une grande réflexion doit être rapidement lancée autour de cette réalité et des mesures de prévention et de soutien doivent en découler, notamment au sein de la future politique gouvernementale pour les proches aidants. Si en tant que société nous souhaitons améliorer le bien-être mental des personnes proches aidantes et ultimement prévenir les risques d’homicides, il est nécessaire d’identifier et de soutenir les personnes proches aidantes qui sont habitées par ces pensées. Selon Mélanie Perroux, « aborder ce sujet avec une personne proche aidante en situation de détresse psychologique, loin de lui installer ce genre d’idées, permettrait au contraire de libérer la parole et de la soulager, afin de lui permettre ultimement de rééquilibrer son bien-être mental et physique. »
En plus, au-delà de la prévention individuelle, il s’agit de modifier les règles actuelles qui entraînent ou maintiennent la détresse psychologique et financières des personnes proches aidantes. Par exemple, le soutien aux proches aidants devrait être cohérent avec la charge et les responsabilités assumées et non pas en fonction du lieu d’habitation. Les soins à domicile et le répit devraient être renforcés, de même que de meilleures mesures de soutien financier, au-delà du crédit d’impôts qui est dérisoire et peu accessible. Il devient aussi nécessaire de questionner les réglementations qui entourent la fin de vie lors de perte cognitive dans le cas d’une personne ayant déjà exprimé le désir d’avoir accès à l’aide médicale à mourir mais qui n’est plus en mesure de l’exprimer. De la même manière, selon l’Institut Canadien de l’Information sur la Santé, les personnes aux prises avec une démence sont sous représentés dans les patients de services de soins palliatifs, un effort d’accessibilité est nécessaire.
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Fondé en 2000, le Regroupement des Aidants Naturels du Québec (RANQ), rassemble 87 membres et représente plus de 21 000 proches aidants à travers le Québec. Le RANQ a acquis une expertise auprès de tous les proches aidants et propose une stratégie nationale inclusive de soutien aux proches aidants.
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