tiré de : Entre les lignes et les mots
Avec l’aimable autorisation des Editions Syllepse
Stavros Tombazos et la discordance des temps
Ce livre est la traduction française actualisée de Global Crisis and Reproduction of Capital publié en 2019, dans une série que l’éditeur a décidé de consacrer à l’« économie de l’apocalypse » (Palgrave Insights into Apocalypse Economics). Dans son livre, Stavros Tombazos n’annonce pourtant pas la fin des temps, mais il entretient en tout cas un lien spécifique avec le temps. Son précédent livre sur cette question date en effet de 1994 (Tombazos, 1994). Mais il a manifestement résisté à l’usure – du temps – puisqu’il a fait l’objet d’une traduction en anglais, publiée vingt ans plus tard.
Tombazos y proposait une relecture du Capital structurée comme l’articulation de trois temporalités :
Les catégories des trois livres théoriques du Capital s’inscrivent différemment dans le temps. Celles du premier livre obéissent à une temporalité linéaire et abstraite, « temps de la production ». Les déterminations du second livre s’inscrivent dans une temporalité cyclique. Les différentes catégories du « temps de la circulation » concernent la rotation de la valeur. Enfin, le troisième livre est celui du « temps organique » du capital, unité du temps de la production et du temps de la circulation (Tombazos, 2014).
Cette grille de lecture est à nouveau mobilisée pour confronter la logique de Marx et celle d’Hegel tout en offrant des outils méthodologiques à la compréhension du capitalisme contemporain. Tombazos indique à ce propos qu’il faut savoir « penser l’“immobilisme” du changement », autrement dit prendre en compte les invariants structurels du capitalisme. À Michel Aglietta qui propose d’éviter l’usage du terme de « reproduction », Tombazos rétorque ainsi que « valeur » et « capital » sont des éléments constitutifs du capitalisme.
Déjà à l’époque, les développements sur le capital porteur d’intérêt soulignaient ce qu’ont de réducteur les théories « financiaristes » qui opposent schématiquement profit industriel et profit financier. Pour Tombazos, il devrait être clair au contraire que le profit industriel est d’abord, logiquement, « un et indivisible ; puis il se partage réellement ou idéalement entre prêteurs et emprunteurs, taux d’intérêt et profit d’entreprise. Ces deux dernières catégories, prises comme deux parties du surtravail, n’ont rien de mystérieux. Elles sont, comme le salaire et le profit, à la fois formes phénoménales de la plus-value et moments de l’imaginaire social ou moments de ce que Marx appelle “fétichisme” ».
Au-delà de ces notations méthodologiques qui conservent aujourd’hui toute leur pertinence, la proposition essentielle du livre de 1994 est que le fonctionnement du capital repose sur une « organisation autonome de rythmes ». Elle fournit ainsi une clé de lecture de la « crise de l’organisme social » comme « une sorte d’“arythmie”, c’est-à-dire une perturbation momentanée de la cohérence du système ».
Il est assez fascinant de voir comment les catégories relativement abstraites élaborées par Tombazos dans son premier ouvrage sont reprises dans sa nouvelle contribution pour être appliquées à l’analyse de la crise récente afin d’en fournir une analyse cohérente. Dans son introduction, Tombazos énonce de manière synthétique sa méthode générale :
Le concept même du capital renvoie à une articulation des rythmes économiques, plus précisément à l’articulation de trois rythmes fondamentaux. […] La croissance capitaliste implique une compatibilité relative entre ces trois rythmes. […] Toute crise économique peut être décrite comme une « arythmie organique » du système.
Ces trois rythmes fondamentaux sont la valorisation, l’accumulation et la réalisation de la valeur. Tombazos s’inspire ici de Marx et en particulier du chapitre du livre II du Capital intitulé « Les métamorphoses du capital et leur cycle ». Il cite notamment ce passage :
Le cycle total se présente, pour chaque forme fonctionnelle du capital, comme étant son cycle spécifique, et le fait est que chacun de ces cycles conditionne la continuité du procès total. La rotation d’une forme fonctionnelle conditionne l’autre. Il est indispensable pour le procès de production total, en particulier pour le capital social, qu’il soit en même temps procès de reproduction, et par conséquent cycle de chacun de ses moments. […] Les formes sont donc des formes fluides, et leur simultanéité est l’œuvre de leur succession (Marx, Livre II : 93).
La leçon qu’en tire Tombazos est méthodologiquement importante :
Il faut lire les trois circuits de chaque capital individuel et en particulier du capital social, non seulement horizontalement (comme transformation ou métamorphose de chaque forme fonctionnelle) mais aussi verticalement (comme coexistence simultanée des formes fonctionnelles).
Le livre de 1994 avait été publié par une petite maison d’édition, la Société des Saisons. Derrière ce nom poétique, il y avait Daniel Bensaïd, qui, un an plus tard, publiait La Discordance des temps. Cette idée de discordance fournit une grille de lecture de ce livre de Tombazos.
Première discordance : profit et accumulation
Le premier chapitre est logiquement consacré au temps de la production, et examine en particulier le rapport entre rentabilité et accumulation du capital. De ce point de vue, la période néolibérale est caractérisée par un « fait stylisé », une première discordance, entre profit et accumulation : le taux de profit se redresse, mais le taux d’accumulation ne suit pas.
Ce constat a nourri un débat entre marxistes, qui renvoie à la délicate question de la mesure du capital, dont on a besoin pour calculer le taux de profit et le taux d’accumulation. Tombazos évite de s’y perdre en raisonnant sur la part accumulée de la plus-value et en montrant, à partir des données empiriques disponibles, que celle-ci baisse tendanciellement.
La finance capte ainsi une bonne partie du profit non investi. Selon une vulgate assez largement répandue, la finance prédatrice empêcherait, en s’appropriant ainsi une part croissante de plus-value, le « bon » capitalisme de remplir son office, à savoir accumuler du capital. Tombazos récuse clairement cette interprétation :
C’est donc une erreur d’expliquer l’écart croissant entre le taux de profit et le taux d’accumulation par l’augmentation de la part de plus-value appropriée par le capital-argent.
Tombazos propose une autre explication : si le capitalisme investit de moins en moins dans les activités productives, c’est « parce qu’il n’y plus de nouvelles activités productives qui promettent un taux de profit “acceptable” ». Voilà pourquoi il investit une grande partie de « sa » plus-value dans des actions d’autres secteurs, de banques, de fonds d’investissement, etc.
L’augmentation de la partie de la plus-value qui prend la forme d’intérêts et de dividendes est le symptôme et non la cause de la divergence entre le taux de profit et le taux d’accumulation.
Deuxième discordance : exploitation et débouchés
L’articulation entre les chapitres 1 et 2 se fait autour de la mise en lumière d’un second fait stylisé :
La consommation privée en pourcentage du PIB semble s’être relativement autonomisée par rapport à la part des salaires dans le PIB. Ainsi, depuis les années 1980, le ratio consommation privée/part salariale augmente dans tous les grands pôles du monde développé.
Comment expliquer cette nouvelle discordance ? Tombazos envisage plusieurs mécanismes possibles : l’entrée de capitaux ; une baisse du taux d’épargne des ménages ; une augmentation de la consommation des capitalistes. Aucun de ces trois facteurs, même s’ils jouent un rôle, ne lui semble suffisant, et il va mettre l’accent sur un quatrième, à savoir « l’augmentation de la part du profit industriel transférée aux couches sociales à revenu moyen ou faible (salariés, travailleurs indépendants, etc.) sous forme de crédit à la consommation ».
C’est une thèse essentielle du livre que Tombazos va étayer en opérant un nouveau va-et-vient entre données empiriques et schémas théoriques. Après avoir rappelé la logique des schémas de la reproduction de Marx, il en propose une extension qui prenne en compte son hypothèse centrale. D’une certaine manière, il reprend ici les analyses de Costas Lapavitsas, qui parle, à tort nous semble-t-il, d’« exploitation directe » à travers l’endettement des salariés, pour les insérer dans un schéma rigoureux (Lapavitsas, 2013).
Les schémas de reproduction de Marx ont pu donner lieu à des lectures fautives en l’interprétant comme un modèle de « croissance équilibrée ». Ces schémas étaient au contraire utilisés par Marx pour montrer l’inéluctabilité des crises. Il en va de même pour Tombazos qui les réinterprète dans sa logique temporelle.
Une chose est en effet de construire un schéma de reproduction adéquat au capitalisme néolibéral, une autre est d’en déduire qu’il est soutenable. Autrement dit, ce schéma déséquilibré avait une durée de vie limitée, car il était condamné à épuiser « son horizon temporel absolu dès que la part des salaires disponibles diminuera à un point tel que la reproduction de la force de travail ne sera plus compatible avec le service de la dette ». Le système allait se rapprocher de cet horizon temporel en fonction de quatre paramètres : 1) hausse du taux de plus-value ; 2) hausse de la part de la plus-value accordée sous forme de crédit aux travailleurs ; 3) hausse du taux d’intérêt ; 4) baisse de la période de service de la dette.
Le schéma n’a pas eu le temps d’atteindre sa limite et il s’est effondré à partir du moment où les marchés ont commencé « à douter que les droits accumulés sur les salaires futurs puissent être convertis en argent ». Cette analyse conduit à une lecture de la crise qui fait jouer un rôle prépondérant à l’endettement des ménages : certes, ce dernier a permis dans un premier temps de soutenir la demande dans un contexte de gel des salaires, mais il est venu se briser sur la réduction du revenu disponible des ménages. Ainsi, « le schéma de reproduction néolibéral avait dès le début une date d’expiration ». La crise « se manifeste donc d’abord dans sa dimension financière, sous forme d’une accumulation de dettes privées insoutenables ».
Troisième discordance : marxisme orthodoxe et marxisme dialectique
Tombazos souligne à plusieurs reprises que la crise actuelle ne découle pas de la loi de baisse tendancielle du taux de profit, à la différence de celle du milieu des années 1970. Mais il y a pour lui un lien entre les deux, dans la mesure où « la crise actuelle découle des politiques mises en place pour faire face à la chute de la rentabilité dans les années 1970 ». Elle est en somme « la crise de la réponse néolibérale à la crise des années 1970 ».
Faut-il alors faire de Tombazos un « sous-consommationiste » ? C’est en général le reproche que les marxistes « orthodoxes » adressent à ceux qui refusent de rapporter la crise à la seule baisse du taux de profit. Ces derniers seraient des disciples de Rosa Luxemburg (dans le meilleur des cas), et même peut-être des réformistes keynésiens. Mais cela revient à ne pas comprendre la logique même des schémas de reproduction dont Tombazos résume ainsi l’idée de base : « un schéma de reproduction du capital ne peut se perpétuer que si l’offre de valeurs marchandes des différents secteurs productifs correspond à une répartition des revenus sociaux qui assure plus ou moins la réalisation des valeurs marchandes ». Tombazos a parfaitement raison ici de prendre ses distances avec une interprétation vulgaire selon laquelle Marx ne s’intéresserait pas aux valeurs d’usage.
Tombazos donne ainsi cet exemple qui montre bien comment sa lecture de Marx s’articule avec les différentes temporalités du capital :
Si la valeur des marchandises destinées à la consommation de la classe ouvrière ne peut être socialement réalisée ou reconnue parce que la répartition sociale des revenus ne permet pas leur achat à leur valeur, le rythme de réalisation de la valeur ralentit. Les trois rythmes du capital ne sont pas compatibles entre eux. La crise économique n’est rien d’autre que cette « arythmie ».
Dans la lignée d’Ernest Mandel (à qui est dédié son livre), Tombazos récuse toute interprétation monocausale de la crise. Et toute son élaboration, autour de la notion d’« arythmie » tend justement à montrer que le schéma de reproduction, même le plus cohérent a priori, peut se « détraquer » à un point quelconque du circuit. En l’occurrence, la cause profonde de la crise contemporaine est pour lui « le ralentissement structurel du rythme de réalisation de la valeur par rapport au rythme de valorisation de la valeur ».
Quatrième discordance : plus-value et capital fictif
Fidèle à sa méthodologie consistant à aller de l’abstrait au concret, en cherchant à « aborder la réalité en introduisant progressivement dans l’analyse les difficultés que soulève sa compréhension », Tombazos consacre la seconde moitié de son livre aux instruments financiers qui ont rendu possible la crise financière.
La description de ces innovations financières (produits dérivés, titrisation, etc.) est après tout bien connue, mais Tombazos en restitue à merveille le fondement, qui est une forme d’aveuglement idéologique, voire métaphysique, en quelque sorte la forme moderne du fétichisme. Il écrit ainsi que :
Les produits financiers dérivés obscurcissent la réalité à tel point que toute tentative de compréhension scientifique dégénérait facilement en une sorte de géométrie métaphysique, dans laquelle même la quadrature du cercle semblait possible. Plus précisément, la compréhension fragmentaire de la réalité par l’approche dominante (hautement mathématique, mais finalement métaphysique) a conduit à l’illusion que le déplacement du risque financier équivalait à sa disparition.
La dérive de la finance reposait effectivement sur une première illusion, assez stupide si on y réfléchit, selon laquelle il suffisait de faire circuler le risque pour qu’il soit possible de l’oublier. Les différentes institutions se repassaient ainsi la patate chaude, mais « ce déplacement continu du risque vers l’“Autrui généralisé”, au lieu d’être une gestion rationnelle du risque, le fait passer du niveau individuel au niveau social, du niveau privé au niveau systémique, du niveau local au niveau national et mondial. L’Autrui généralisé, c’est nous tous, c’est-à-dire le système global ».
Plus fondamentalement, tout reposait sur une autre illusion, à savoir que l’argent peut créer de l’argent sans passer par la case exploitation. Pour dissiper cette représentation fantasmagorique que la finance capitaliste a d’elle-même, il faut disposer d’une théorie de la valeur, marxiste en l’occurrence, qui permet de comprendre pourquoi les revenus réels tirés de la finance ne peuvent être qu’une fraction de la plus-value, comme Tombazos y insistait déjà dans son livre de 1994.
L’oubli de cette réalité permet le développement d’un capital fictif, pour reprendre le terme de Marx, qui se présente comme une énorme accumulation de droits de tirage sur une plus-value qui n’a pas été encore créée. La crise intervient quand on s’aperçoit qu’elle ne pourra jamais l’être. Tombazos ne fait donc que paraphraser Marx quand il écrit que « le capital-argent fait partie du capital industriel. Il n’est pas une entité indépendante. Du point de vue du propriétaire du capital-argent, cependant, l’argent qu’il a prêté à l’industriel semble présenter la propriété “(méta)physique” de se multiplier ».
Le capital fictif correspondant à la valorisation virtuelle des actifs financiers comme droits de tirage donne naissance à ce que Tombazos appelle une « valeur toxique » dont le volume « n’est pas donné à l’avance. C’est l’objet d’un conflit social ». Il s’agit là d’une dimension essentielle pour l’analyse de la période post-crise : l’un des objectifs des politiques menées est en effet, dans une large mesure, d’empêcher « la dépréciation de ce “capital toxique” », bref de défendre le capital fictif.
Cinquième discordance : la zone euro et la Grèce
Stavros Tombazos est Chypriote et a fait partie de la Commission pour la vérité sur la dette grecque. Il n’est donc pas étonnant que la crise du système-euro soit en grande partie examinée à travers le prisme grec. Tombazos récuse la responsabilité d’une dette publique excessive dans le déclenchement de la catastrophe grecque. Le mécanisme pervers a en réalité été le suivant : l’homogénéisation des taux d’intérêt nominaux a conduit à une baisse massive des taux d’intérêt réels dans les pays périphériques, en raison de leurs taux d’inflation plus élevés. Cette baisse a déclenché une bulle immobilière, qui s’est gonflée jusqu’au moment où les capitaux étrangers ont brusquement cessé de venir financer les déficits commerciaux. C’est le sauvetage des banques privées qui a ensuite conduit à l’explosion de la dette publique.
On ne peut que souscrire à cette analyse, mais elle est sans doute incomplète car elle ne prend pas en compte l’une des principales tares du système-euro. Il était prévisible que le rattrapage de la part des pays périphériques (qui s’est effectivement produit dans un premier temps comme le signale Tombazos) entraînerait un creusement de leurs déficits commerciaux. Dans la version optimiste, les entrées de capitaux devaient s’investir dans les économies périphériques et engendrer des gains de productivité qui permettraient une convergence réelle. Mais, en raison aussi de la baisse des taux d’intérêt réels, les capitaux sont allés s’investir dans des secteurs à faible potentiel en termes de productivité, avant de refluer.
Sixième discordance : capitalisme et sortie de crise
Dans sa conclusion, Tombazos condense les principales thèses de son livre et les applique à la trajectoire à venir du capitalisme. Il y évoque le ralentissement des gains de productivité :
La productivité du travail augmente à un rythme extrêmement lent dans les trois grands pôles du monde développé. Son taux de croissance annuel est sensiblement inférieur à 1 %.
Ce phénomène n’est d’ailleurs pas apparu avec la crise récente : l’un des traits essentiels de la période du capitalisme néolibéral est en effet un ralentissement tendanciel des gains de productivité. Or, ces derniers sont un élément essentiel de la dynamique du taux de profit et pourtant, comme le souligne Tombazos, il n’y a pas eu de tendance à la baisse du taux de profit. Son interprétation pourrait donc être reformulée ainsi : la crise récente a été provoquée par l’implosion de tous les dispositifs mis en place (mondialisation, financiarisation, exploitation accrue, inégalités, endettement, etc.) qui étaient nécessaires pour garantir le taux de profit en dépit de ces gains de productivité déclinants.
C’est cet épuisement des gains de productivité qui conduit à son tour à la raréfaction des lieux d’investissement rentables, à un « défaut de sphères d’investissement », pour reprendre l’expression de Marx, que Tombazos cite dans sa conclusion. Fondamentalement, la crise « ne découle pas de la baisse du taux de profit mais de la divergence entre le taux de profit et le taux d’accumulation ».
Faute de gains de productivité, le capitalisme n’a pas de modèle de rechange, et la sortie de crise ne peut passer que par un approfondissement du modèle néolibéral, dont la logique ne peut pas être modifiée par l’adjonction de mesures d’encadrement du système bancaire. La régulation plus stricte des banques et la stabilisation du taux d’endettement des ménages peuvent au contraire contribuer au ralentissement de l’accumulation. Et c’est sans doute l’un des grands mérites de Tombazos que de ne jamais dissocier l’analyse fine de la finance de ses « sous-jacents » à savoir les conditions de la reproduction d’ensemble du capital.
Voilà pourquoi la reproduction néolibérale du capital survit de manière précaire, c’est-à-dire avec l’appui de politiques monétaires qui créent de nouvelles « bulles » si bien que « nous vivons dans l’impasse d’un schéma de reproduction, dans lequel prévaut le capital-argent, dont l’existence n’est possible que par des régressions économiques et sociales périodiques ».
Post-scriptum
Stavros est un ami, encore plus depuis notre participation commune aux travaux de la Commission pour la vérité sur la dette grecque. Mais nous étions depuis longtemps en connivence intellectuelle. La lecture de son livre de 1994 a influencé ma réflexion, de manière peut-être subliminale, comme c’est souvent le cas au sein d’un collectif de pensée. Nous partageons par exemple la même dette à l’égard d’Ernest Mandel dont on retrouve la trace dans beaucoup de nos travaux, ainsi qu’aux autres dédicataires des livres de Stavros : Daniel Bensaïd, Georges Labica et Jean-Marie Vincent.
Nos échanges informels à Athènes (où Stavros a tenté – en vain – de m’initier à la logique de Hegel) ont sans doute contribué à rapprocher encore un peu plus nos points de vue. C’est la raison de ce petit addendum qui explique pourquoi cette introduction peu critique pourrait être suspecte de complaisance. Il se trouve seulement que je partage la plupart des propositions du livre. La seule réserve est que Stavros aurait pu insister encore plus sur l’articulation de sa lecture du capitalisme contemporain avec son incapacité croissante à dégager des gains de productivité. Il y a là une autre temporalité qu’il faudrait combiner avec les temps du capital mis en lumière par Stavros.
Michel Husson
Stavros Tombazos : Crise mondiale et reproduction du capital
Editions Syllepse, Paris 2020, 148 pages, 8 euros
https://www.syllepse.net/crise-mondiale-et-reproduction-du-capital-_r_21_i_804.html
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