Édition du 17 décembre 2024

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Idle no more

Pourquoi « Idle No More » gagne en force, et pourquoi tous les Canadiens devraient s’en préoccuper

Dans un éditorial du 16 décembre, le Star, à juste titre, a appelé le Premier ministre Stephen Harper à rencontrer la chef Theresa Spence, maintenant dans sa 10e jour de grève de la faim. Il a fort à propos attiré l’attention sur la crise actuelle du logement dans la Première nation d’Attawapiskat. Pourtant, il a raté la cible.

Jeff Denis est professeur adjoint de sociologie à l’Université McMaster. Publié le jeudi, 20 décembre 2012, dans le Toronto Star. Traduction par Marc Bonhomme.

La grève de la faim de Spence n’est pas seulement à propos d’Attawapiskat. Elle n’est pas seulement à propos de la question du logement ou du financement des écoles. Et elle n’est pas seulement à propos du projet de loi omnibus sur le budget C-45 qui élimine la protection fédérale sur les cours d’eau et facilite la vente des terres des réserves sans consultation. C’est tout cela et plus encore.

La grève de la faim de Spence fait partie du mouvement « Idle No More », qui, en quelques jours, est devenu le plus grand, le plus unifié et, potentiellement, le plus transformateur mouvement aborigène depuis au moins la crise d’Oka en 1990.

La question fondamentale est la relation de traité de nation à nation avec les peuples aborigènes que les gouvernements canadiens à plusieurs reprises ont bafoué en adoptant des lois sans leur consentement libre, préalable et éclairé.

Harper et le gouverneur général (en tant que représentant de la Couronne) doivent rencontrer le chef Spence et d’autres dirigeants des Premières nations, non seulement pour discuter de cette relation, mais pour prendre des mesures concrètes pour la réparer.

« Idle No More » n’est pas une soudaine « hystérie de masse ». Si l’on y portait attention, on pouvait sentir ce mouvement depuis des années.

Le 11 juin 2008, Harper s’est excusé pour le système des pensionnats indiens et a promis de construire une « nouvelle relation » basée sur le « partenariat » et le « respect ». Certaines personnes croyaient — ou ont voulu croire — que les choses allaient changer.

Malheureusement, les actes sont plus éloquents que les mots. Depuis 2008, le gouvernement Harper a réduit le financement de la santé autochtone, a émasculé le processus d’examen environnemental, a ignoré la disparition et le meurtre de plus de 600 femmes autochtones partout au Canada, a retenu les documents au sujet des pensionnats requis par la Commission vérité et réconciliation, a abandonné les négociations sur les revendications territoriales, et a essayé de défendre son sous-financement des écoles et des organismes de protection de l’enfance des Premières nations.

Lorsque certains ont osé attirer l’attention sur la pauvreté, les chefs « corrompus » ont été blâmés. Bien que le ministre des Affaires autochtones, John Duncan, affirme avoir visité 50 communautés des Premières nations et réalisé 5 000 consultations, lui et son administration n’ont manifestement pas obtenu le consentement des Premières nations sur les sept projets de loi actuellement déposés auxquels les militants de « Idle No More » s’opposent.

Pendant ce temps, les peuples aborigènes sont la composante de la population du Canada en plus forte croissance. Ils sont jeunes, ambitieux et conscient des injustices historiques et contemporaines. Comme d’autres à l’étranger, ils œuvrent à la revitalisation de leurs langues et de leurs cultures, reconstruisant leur nations, appuyés dans ces initiatives par le droit international incluant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples aborigènes que le Canada a approuvé à contrecœur en 2010.

Le vendredi 21 décembre, des milliers d’aborigènes et leurs alliés convergeront à Ottawa pour un rassemblement de masse. Cet événement fait suite à deux semaines d’action directe d’un océan à océan à l’autre, y compris des « flash mobs » et des sit-in, des blocages routiers et des rassemblements avec tambours et des prières pour le changement. Des aînés aborigènes à travers le pays ont rejoint la chef Spence dans son jeûne.

Pourquoi les Canadiens non aborigènes devraient y porter attention ?

Tout d’abord, il s’agit d’une question de justice sociale et environnementale. Lorsque les profits des entreprises sont privilégiés par rapport à la santé de nos terres et de nos eaux, nous en souffrons tous. Lorsque le gouvernement étouffe les débats, la démocratie s’en trouve diminuée. Le projet de loi C-45 est le dernier d’une flopée de lois qui sapent les droits des Canadiens. En se tenant debout contre cette loi, les Premières nations le font pour nous tous.

Deuxièmement, comme le juge Linden de la Commission d’enquête sur Ipperwash l’a déclaré : « Nous sommes tous des gens issus des traités. » Lorsque nos gouvernements imposent unilatéralement une loi aux Premières Nations, ils déshonorent notre gouvernement [the Crown], ils nous déshonorent, et ils déshonorent nos traités. Nous sommes responsables de veiller à ce que nos gouvernements respectent leurs engagements. Si nos gouvernements ne respectent pas les droits des peuples aborigènes et ceux issus de traités, alors la légitimité même de l’État canadien — et donc de tous nos droits citoyens — est mise en doute. C’est là la portée du mouvement « Idle No More ».

Donc, oui, Harper devrait rencontrer Spence. Mais une rencontre ne suffira pas. Le changement exige l’action. Il exige un tournant dans la conscience publique. Il exige la participation de nous tous, le 21 décembre et au-delà, de « vivre l’esprit et l’intention de la relation des traités, de travailler pour la justice dans l’action et de protéger la Terre-Mère ».

Jeff Denis

Jeff Denis est professeur adjoint de sociologie à l’Université McMaster.

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