Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Pour une charte sur la cravate

Nous, citoyennes et citoyens ordinaires, avons finalement été convaincus qu’interdire à quelques dizaines de femmes arabes de porter un foulard sur leur tête lorsqu’elles travaillent dans un bureau, un hôpital, une école ou une garderie du Québec, contribuera de manière déterminante à :

 éliminer les derniers vestiges d’inégalité entre femmes et hommes qui existent dans le monde ;
 faire disparaître l’influence millénaire des religions sur les comportements humains ;
 mettre fin, une fois pour toutes, au terrorisme au Moyen-Orient, ainsi qu’à sa propagation dans notre propre voisinage.

Enthousiasmés par cette formule-miracle des chartes sur l’habillement pour résoudre les problèmes sociaux, nous prenons donc l’initiative d’en proposer une nouvelle afin de résoudre les problèmes suivants auxquels personne n’a encore trouvé de solutions :

 le fait qu’environ un milliard d’humains n’arriveront pas à manger à leur faim, en ce jour-même ;
 les inégalités criantes de conditions de vie ici et ailleurs, puis entre l’ici et l’ailleurs en question ;
 l’obligation de travailler comme des fous, ici et ailleurs là encore, simplement pour stimuler le profit et produire des choses les trois-quarts du temps tout à fait inutiles ;
 la destruction presque à sa limite de ce que la nature peut tolérer pour supporter l’espèce humaine en son sein ;
 le lavage perpétuel de nos cerveaux par la publicité, sans que cela ne les rende pour autant plus éclairés, c’est le moins qu’on puisse dire ;
 et autres conséquences d’un système social et économique qui a fait son temps, système que d’aucuns, en d’autres siècles, ont appelé le capitalisme…

En conséquence de ce qui précède, nous réclamons l’adoption immédiate d’une Charte Universelle contre le port de la Cravate
Nous joignons ici une pétition, que nous vous invitons à signer puis à transmettre à votre député ou à quiconque, organisme ou individu, se présentera à la Commission parlementaire sur la charte du PQ, afin qu’elle y soit déposée par la même occasion.

La pétition se lit comme suit mais vous pouvez l’adapter à votre goût :

Attendu les maux multiples causés par le capitalisme, au Québec et dans le monde entier

Attendu que la cravate est le symbole historique et universel de ce système (c’est en tout cas ce qu’on nous a dit et en plus, quand on était jeunes, on a vu des films où les méchants riches portaient des cravates)

Nous réclamons des gouvernements du Québec et du Canada, ainsi que du Conseil de sécurité de l’ONU, que le port de la cravate soit dorénavant interdit par qui que ce soit sur la planète terre.

Comme mesure de transition, dans notre grandeur d’âme, nous proposons que cette nouvelle charte ne s’applique d’abord que sur les lieux de travail, pour une période de cinq ans par exemple. Les porteux de cravate pourront donc nous en imposer la vue lors des partys de famille ou lors des 5 à 7, en autant que ce ne soit pas pour nous convaincre que le Dieu-Argent est le meilleur, le plus grand de tous les dieux.

De même, comme accommodement ultime aux intégristes de la cravate, nous sommes prêts à accepter que cette interdiction ne s’applique qu’aux représentants de l’État durant les deux premières années d’application, disons. Représentants de l’État signifiant ici : quiconque reçoit une partie de son revenu à même les fonds publics, sous forme de salaire direct mais aussi de subventions, d’actions montantes grâce à notre argent à nous (tels des placements de la Caisse de dépôt ou de nos fonds de pension privés), sous forme de pots-de-vin ou autre chose du genre.*

À défaut par le gouvernement du Québec de promouvoir tout de suite et à travers le monde cette Charte Universelle contre la Cravate, nous nous considérons légitimés de tout faire pour saboter l’adoption et l’application de sa charte à lui contre le foulard arabe.

En foi de quoi (est-ce encore légal de dire ça ?) j’ai signé


(Vous pouvez signer d’un pseudonyme, afin d’éviter de perdre votre job pour une farce. L’autre farce, celle du PQ, causera assez de dégâts comme ça)

* : nous parlons ici des représentants de l’État mais la charte s’appliquerait évidemment aussi à ses représentantes, par respect pour l’égalité hommes-femmes inscrite dans les autres chartes. Elles sont peu nombreuses pour l’instant à porter la cravate mais ce n’est pas le nombre qui compte. On règlera le cas du tailleur plus tard…

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