Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

Pour un front uni de gauche contre les politiques de droite

En finir avec la convergence PQ QS

La nouvelle situation politique créée avec l’échec des Libéraux, l’élection de la CAQ et l’effondrement du PQ, ainsi que la croissance inattendue de Québec solidaire nous apporte de nouveaux défis. Parmi ceux-ci il faut d’abord en finir avec la fausse question des alliances qu’on a étonnamment nommé la convergence.

Au cours des dernières années l’idée de se débarrasser des Libéraux avait alimenté cette stratégie basée sur l’intérêt commun de la souveraineté. Le changement dans l’alternance des partis néolibéraux avec l’élection de la CAQ et la faillite du PQ en ce qui concerne le projet de souveraineté du Québec nous imposent un constat incontournable. L’avenir de la société québécoise ne peut passer que par un parti politique lié à la mobilisation sociale pour le contrôle de sa destinée et contre les politiques de droite. Le seul parti en lice est dorénavant Québec solidaire.

Reprendre l’offensive

Le changement social nécessaire pour lutter contre le contrôle des pétrolières, des multinationales de tout genre, des institutions financières, contre la corruption et l’évasion fiscale ne pourra être réalisé que par un parti de gauche comme Québec solidaire. Cela nécessite aussi la mobilisation de la population consciente du rôle qu’elle doit jouer, des syndicats, des mouvements de femmes, des communautés ethnoculturelles, des groupes environnementaux et des autres mouvements sociaux.

C’est l’arrimage des deux qui donnera la dynamique et la force nécessaire pour y arriver. S’il y a une convergence qu’on doit envisager c’est celle-là. On doit sortir du cycle des luttes défensives et des défaites qui ont caractérisé la scène politique depuis des décennies. S’il y a un bilan à tirer dans le déclin de cette force c’est bien le rôle du PQ comme fossoyeur de ces espoirs.

Les forces populaires se mobilisent sur leurs propres bases et selon leur propre dynamique mais ont besoin d’un projet de société pour avoir une cohésion et d’un parti pour le porter. Le PQ est né de ce besoin, porté par les mobilisations des années 60 et 70. Mais la réalité a été toute autre dès les premières années, avec l’imposition par décret en 1983 des conditions de travail et des baisses salariales de 20% dans le secteur public et parapublic. Cela a été le début de ce qui allait marquer la gestion néolibérale du PQ pour les années à venir.

Selon le professeur Jacques Rouillard spécialisé en histoire du syndicalisme, cette offensive a placé pour la première fois les syndicats sur la défensive depuis la montée du syndicalisme dans les années 1960 : « La défaite des syndicats des secteurs public et parapublic, qui étaient à l’avant-garde du mouvement syndical jusque-là, marque l’entrée dans une nouvelle époque où ils sont acculés à la défensive. » Ce coup de force a tracé la voie à suivre, les différents gouvernements continueront par la suite d’utiliser abondamment les lois et la menace de loi spéciale comme moyen de pression contre les syndicats.

Pour en finir avec la convergence PQ QS

Le PQ a largement démontré sa faillite tant sur le plan social que sur le plan d’accès à la souveraineté. Québec solidaire est né en 2006 du constat de cette impasse politique pour le Québec et la situation n’a pas changé.

Certains voient aujourd’hui un virage à droite de la population du Québec avec l’élection de la CAQ, ils se trompent. Ce n’est pas un virage à droite conscient mais le résultat d’une impasse politique. La croissance de Québec solidaire comme parti de gauche indépendantiste représente maintenant plus que jamais cet espoir de reprendre en main notre destinée.

Au moment où l’avenir politique de la gauche incarnée par Québec solidaire se dessinait et se décidait, il y a quelques mois à peine au cours de l’année 2017, nous écrivions que Lisée n’avait aucune intention de réellement accomplir un projet d’alliance avec Québec solidaire, sinon que d’imposer le PQ comme alternative pour battre les Libéraux. Nous croyons important de rappeler ces faits à notre mémoire. Si nous avions agi autrement que de nous présenter comme la seule alternative valable, le sort qui attendait le PQ n’aurait pas été modifié, mais Québec solidaire aurait également sombré sinon formellement du moins politiquement, tout en faisant ressortir la CAQ comme le seul parti véritablement nouveau et différent des vieilles politiques.

Nous écrivions ainsi que la stratégie confirmée par l’élection de Lisée était de prendre le pouvoir et rien d’autre. La convergence est une fabulation qui lui servait à s’adresser à l’électorat solidaire pour les drainer vers le PQ. D’ailleurs les discussions d’alliances ne se font pas sur la place publique,dans le cas du PQ Lisée est allé jusqu’à faire des ultimatums, mais débutent entre directions politiques pour se poursuivre en congrès. C’est ce qui s’est fait dans le cas du rapprochement et finalement de la fusion d’Option Nationale et de Québec solidaire.

« La deuxième course à la chefferie a confirmé le choix prioritaire traditionnel, prendre le pouvoir. Lisée a ainsi gagné parce qu’il a proposé d’enlever toute politique qui pourrait faire obstacle dont évidemment la souveraineté, et a joué sur la seule carte qui lui restait le nationalisme identitaire. Mais il faut bien l’avouer cela ne constitue pas une option bien inspirante.

La stratégie d’alliances avec QS ne représentait dans cette situation qu’une image de façade qui lui permettait de garder l’initiative et d’imposer l’idée du vote stratégique pour battre les libéraux. Mais on ne peut indéfiniment jouer sur la stratégie, il faut aussi et surtout être inspirant. À ce chapitre le PQ a épuisé ses crédits depuis longtemps. » (1)

Qu’il s’agissait d’une stratégie de survie :

« Non l’heure n’est pas aux rêveries (Martine Ouellette la plus souverainiste était arrivée bonne dernière) mais au pouvoir. Ils ont même accepté de reporter la question de la souveraineté à une date incertaine, à un possible second mandat, en bonne partie parce qu’ils n’ont plus de stratégie souverainiste, mais également parce qu’ils ne veulent pas engager un débat qui les oblige à décliner ce que signifie la souveraineté. Mais une telle concession oblige une réussite. Lisée doit obligatoirement gagner l’élection, et nous ne pouvons douter qu’il saura utiliser tous les moyens possibles, il en va de sa survie politique. Et au PQ les chefs perdants ne font pas long feux. »

Un faux projet d’alliances qui visait la base électorale de Québec solidaire :

« Croire que dans ces circonstances Lisée sera disposé à laisser des comtés gagnables à un adversaire, notamment QS est totalement hors de la réalité. Et croire que la base militante du PQ qui carbure à la haine de QS accepterait de céder le pas dans des circonscriptions où le PQ est en position plus avantageuse est totalement illusoire. Personne, n’a encore expliqué dans quelles circonscriptions on pense pouvoir faire des gains dans une alliance électorale avec le PQ.

Les derniers ultimatums du chef du PQ à deux semaines du congrès de QS démontrent que la première partie de son plan arrive bientôt à terme. Il a mis le maximum de pression sur QS et sa base électorale en tentant d’imposer dans la société l’importance du vote stratégique au sein de la « famille souverainiste » afin de défaire les libéraux. Mais pour gagner les élections il doit surtout gagner l’électorat de la CAQ et dans ce cas il devra livrer un autre discours »

Nous arrivions à la conclusion suivante, finalement prémonitoire :

« L’idée d’une alliance électorale signifie également que quels que soient les comtés où nous pourrions potentiellement faire alliance avec le PQ, nous serions aussi en grande difficulté dans les autres comtés acquis au PQ alors que nous envoyons le message qu’il faut battre les libéraux. Par conséquent cela veut dire aussi que nous ne devrions pas présenter de candidature dans les comtés représentés par le PQ. Dans l’ensemble c’est surtout dans les circonscriptions hors Montréal que la résultante serait catastrophique pour QS. »

Les défis de Québec solidaire

La faillite du PQ n’est pas un accident de parcours ni la conséquence du leadership de Lisée même s’il y a contribué. Si le PQ est né de la montée de la lutte souverainiste des années 60 et 70, il aura réussi à discréditer ce projet. En avril 2014, Mathieu Bock-Côté écrivait dans son livre Indépendance les conditions du renouveau : « On a ressorti au lendemain de l’élection (de 2014) la thèse du parti générationnel : le PQ connaîtrait ces années-ci le même sort que l’Union nationale au moment de la Révolution tranquille. »

Notre défi maintenant est de continuer à construire Québec solidaire sur des bases progressistes solides, est de redonner un sens à la souveraineté et de travailler à développer la solidarité et la mobilisation sociale. Cela ne pourra se construire qu’avec les forces vives du Québec.

(1) http://www.pressegauche.org/Reprenons-l-offensive-avec-Quebec-solidaire
http://www.pressegauche.org/Un-des-defis-pour-Quebec-solidaire-redefinir-la-souverainete

André Frappier

Militant impliqué dans la solidarité avec le peuple Chilien contre le coup d’état de 1973, son parcours syndical au STTP et à la FTQ durant 35 ans a été marqué par la nécessaire solidarité internationale. Il est impliqué dans la gauche québécoise et canadienne et milite au sein de Québec solidaire depuis sa création. Co-auteur du Printemps des carrés rouges pubié en 2013, il fait partie du comité de rédaction de Presse-toi à gauche et signe une chronique dans la revue Canadian Dimension.

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