Reconnaissant que tout délai nous impose des contraintes de plus en plus insurmontables, les membres du Front commun pour la transition énergétique, dont nous faisons partie, se sont attelés à la tâche de trouver des réponses.
Pour arriver à proposer les actions à entreprendre dès aujourd’hui, nous avons commencé par élaborer une vision du Québec souhaité, un Québec « zéro émission nette » (ZéN) qui éviterait l’emballement climatique.
Dans ce Québec ZéN, les besoins énergétiques auront diminué radicalement et l’énergie consommée sera renouvelable à presque 100 %. Les collectivités auront la capacité d’entretenir par elles-mêmes la quasi-totalité des systèmes qui soutiennent leur mode de vie. La circulation routière sera fluide et la mobilité améliorée, y compris en région rurale. L’achat local sera roi et la circularité des matières sera devenue la norme en industrie. Les sols agricoles seront en santé et plus de 80 % du contenu de notre assiette proviendra du Québec. Chaque individu, chaque entreprise tendra vers le zéro déchet.
Ce Québec sera paisible, car des efforts financiers de temps de crise auront été faits à temps. La transition se sera réalisée de manière progressive et ordonnée, évitant ainsi le chaos social et économique qui aurait inévitablement accompagné l’emballement climatique. Axée sur la satisfaction des besoins plutôt que sur l’accumulation débridée, l’économie sera plus saine.
Loin d’être une utopie, le Québec ZéN proposé par le Front commun est une vision qui nous permet de déterminer les jalons à poser pour l’atteindre — et d’éviter de gaspiller en fausses solutions un temps que nous n’avons plus. Cette vision n’est ni optimiste ni pessimiste : elle vise simplement à cerner ce qui est nécessaire et à proposer des chemins cohérents pour le réaliser.
Équité intergénérationnelle
Dans le contexte actuel d’éco-anxiété et d’urgence réelle, nous tenions à nous distancier des sirènes de la pensée positive, du « réalisme » comptable et du climatoscepticisme qui rivalisent pour tenter de nous rassurer en nous berçant de solutions miracles, de « seuils de faisabilité » ou de voies d’évitement. Nous avons plutôt choisi de cibler les racines de la crise et de fournir des balises conséquentes pour guider tous les aspects de la transition — techniques et politiques mais aussi, de droits de la personne et de justice sociale. Ces balises, tout comme notre vision d’un Québec ZéN, se trouvent dans la version 1.0 de notre Feuille de route pour la transition du Québec vers la carboneutralité, rendue publique lundi et déposée dans le cadre de la consultation du gouvernement du Québec sur son Plan d’électrification et de changements climatiques (PECC).
La transition doit être l’occasion de construire une société résiliente, plus égalitaire et viable sur le plan environnemental. Elle ne doit laisser personne derrière. Ainsi, le souci d’équité intergénérationnelle devra guider toutes nos décisions. Aussi indispensables et incontournables soient-elles, les nouvelles mesures réglementaires et écofiscales ne devront pas frapper injustement les groupes les plus vulnérables de la société, qui contribuent généralement le moins au réchauffement climatique. Les travailleurs et les travailleuses dont les emplois dépendent des énergies fossiles, tout comme les producteurs et productrices agricoles, devront être soutenus et accompagnés dans le cadre de stratégies structurantes visant à accélérer l’émergence d’une économie du XXIe siècle. La transition ne devra jamais servir de prétexte à la violation des droits des collectivités visées par des projets d’extraction en lien avec l’électrification. Notre vision d’un Québec ZéN est aussi celle d’un Québec où les droits territoriaux autochtones seront respectés et où nous ferons notre possible pour assurer des conditions de vie décentes aux réfugiés climatiques d’ici et d’ailleurs.
La transition que nous proposons mène à un monde plus propre, plus convivial, beaucoup plus sécuritaire. Sa mise en œuvre adaptée aux différents contextes n’en sera pas moins exigeante. La profondeur des transformations à effectuer, dans les délais qui nous sont impartis, appelle donc à un véritable dialogue social. Non pas pour accepter des demi-mesures ou des contre-mesures qui nous feraient échouer, mais bien pour détecter les noeuds, les comprendre et travailler tous ensemble à les dénouer.
C’est à cela que Québec ZéN vous convie : accélérer la transition juste vers le Québec carboneutre de demain, à travers un dialogue que nous poursuivrons à l’intérieur de nos organisations, au cours des prochains mois, et que nous souhaitons élargir en allant à la rencontre des acteurs des autres sphères de la société québécoise.
Front commun pour la transition énergétique
Ce front commun regroupe près de 70 groupes qui rassemblent environ 1,5 million de Québécois. Le texte est signé par les personnes suivantes : Carole Dupuis, porte-parole, Mouvement écocitoyen UNEplanète Sonia Éthier, présidente, Centrale des syndicats du Québec (CSQ) Maude Prud’homme, déléguée à la transition, Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE) Claude Vaillancourt, président, ATTAC-Québec Odette Sarrazin, coordonnatrice, Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ) Dominique Daigneault, présidente, Conseil central du Montréal métropolitain-CSN Alain Marois, vice-président à la vie politique, Fédération autonome de l’enseignement (FAE) Jonathan Théorêt, directeur, GRAME Joyce Renaud, présidente,Mobilisation climat Trois-Rivières (MCT) Pierre Richard, Réalité Climatique Canada et Transition Capitale Nationale Denise Laprise, porte-parole, Montmagny en transition Monika Firl, vice-présidente, Coalition climat Montréal Réal Lalande, coordonnateur, Action Climat Outaouais (ACO) Mélanie Busby, Mobilisation environnement Ahuntsic-Cartierville (MEAC) Caroline Toupin, coordonnatrice, Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA) Normand Beaudet, Centre de ressources sur la non-violence Andréa Bacon-Therrien, Action Environnement Basses Laurentides (AEBL) François Geoffroy et Violaine Brisebois-Lavoie, porte-paroles, La Planète s’invite au Parlement.
Un message, un commentaire ?