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Éducation

Projet de loi no 40 modifiant la gouvernance scolaire - Jean-François Roberge : quand le prof devenu ministre insulte ses ex-collègues et dévalorise la profession enseignante (FAE)

QUÉBEC, le 8 oct. 2019 - Après une analyse approfondie, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) estime que le projet de loi no40 modifiant principalement la loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaire constitue l’une des pires attaques, menée par un ministre de l’Éducation, contre la profession enseignante et contre l’école publique.

« L’affront que Jean-François Roberge fait aux 45 000 enseignantes et enseignants que nous représentons est pire que celui de ses prédécesseurs, soit François Blais avec le projet de loi no86 et Sébastien Proulx avec le projet de loi no105. Force est de constater que ce prof, une fois devenu ministre de l’Éducation, insulte ses ex-collègues et dévalorise la profession enseignante, contrairement à ce qu’avait promis son chef François Legault », a déclaré Sylvain Mallette, président de la FAE.

Ce projet de loi est déposé dans un contexte de pénurie d’enseignantes et d’enseignants, mais aussi d’un manque chronique de reconnaissance et de valorisation de la profession enseignante. « Ce projet de loi contient tout ce dont les profs et l’école publique n’ont pas besoin. Notre profession est en souffrance et ceci serait la réponse du ministre pour nous soutenir ? Il ne répond ni aux besoins du réseau, ni à ceux de la profession. Il ne fera qu’aggraver la situation », a prévenu Nathalie Morel, vice-présidente à la vie professionnelle à la FAE.

Une valorisation de la profession vide de sens

À l’article 19, l’ajout des termes « possédant une expertise essentielle en pédagogie » est vide de sens, selon la FAE. L’ajouter sous-entend plutôt que ce n’est pas le cas actuellement. Lors de toutes les études des projets de loi précédents sur la gouvernance scolaire, la FAE a proposé le libellé suivant : « Dans le cadre des programmes de formation et des dispositions de la présente loi ainsi que dans le respect de son autonomie professionnelle individuelle, de son jugement et de son expertise, l’enseignante ou l’enseignant a le droit de diriger la conduite du ou des groupes d’élèves qui lui sont confiés, de choisir la démarche appropriée pour la préparation et la présentation de ses cours, de choisir ses modalités d’interventions pédagogiques, son matériel didactique et ses instruments d’évaluation ».

Or, alors qu’il était député de l’opposition, Jean-François Roberge a aussi déposé cet amendement qui a été rejeté par les libéraux. « Pourquoi, une fois ministre de l’Éducation, monsieur Roberge manque-t-il autant de courage ? La déception des profs est très grande. Dans ce dossier, nous sommes en présence d’un ministre qui, dans l’opposition, disait une chose et, une fois ministre, fait le contraire », a rappelé M. Mallette.

Un ordre professionnel déguisé

Ensuite, l’article 88 de ce projet de loi permettrait la mise sur pied d’un comité pour examiner les pratiques pédagogiques des enseignantes et enseignants, selon les résultats de leurs élèves, pour atteindre des cibles de performance. Ce comité, où le personnel enseignant serait minoritaire, élaborerait le plan d’engagement vers la réussite (PEVR) qui serait approuvé par le centre de service. Il proposerait également, selon les résultats des élèves, des pratiques éducatives et évaluatives « issues de la recherche » en lien avec les cibles du PEVR. Ainsi, les enseignantes et enseignants seraient désormais responsables de l’atteinte ou non des cibles du PEVR.

« Encore une fois, on veut faire porter aux profs le poids de la réussite scolaire, en occultant complètement les facteurs socio-économiques pourtant plus importants. La gestion axée sur les résultats est contraire à la mission que doit assumer un service public comme l’éducation, mais s’applique plutôt à des chaînes de montage. Les « bonnes pratiques », les « résultats de la recherche » et autres « données probantes » ne sont trop souvent que des recettes miracles qu’on tente de nous faire appliquer universellement au lieu d’investir davantage de services et de ressources humaines et financières. L’enseignement est une science humaine et ce qui fonctionne avec certains élèves ne fonctionne pas avec d’autres », a souligné madame Morel.

De plus, l’article 133 rendrait obligatoire la formation continue du personnel enseignant, titulaire d’une autorisation d’enseigner et introduirait des sanctions découlant du défaut de s’y conformer. Or, plutôt que de répondre aux difficultés par les enseignantes et enseignants, soit l’accessibilité, le financement, la qualité et la diversité des formations, le ministre Roberge laisse croire que les profs ne se forment pas et qu’ils ne détiennent pas les compétences nécessaires pour accomplir leur travail, ce qui est faux. Dans chacun des milieux, des comités locaux et paritaires de perfectionnement s’activent, malgré les difficultés vécues, pour répondre aux besoins exprimés par les profs. De plus, Jean-François Roberge semble oublier que le perfectionnement imposé, comme le soulignait le Conseil supérieur de l’éducation, est contre-productif. Il revient aux enseignantes et enseignants de décider des formations dont ils ont besoin.

« Avec la pénurie en enseignement, ni le temps, ni les compensations en lien avec la formation sont au rendez-vous. Le gouvernement doit donner au personnel enseignant les moyens de les suivre, ce qui n’est pas le cas actuellement », a souligné M. Mallette.

La légalisation du tripotage de notes par les directions d’établissement
Au printemps 2017, Jean-François Roberge fut l’un des premiers députés de l’opposition à dénoncer le tripotage de notes par les directions d’établissement et à réclamer une commission parlementaire sur la question lorsque la FAE a levé le voile sur cette situation inquiétante au Québec. Or, aujourd’hui, non seulement aucune commission n’a été annoncée, mais le ministre de l’Éducation rend le tripotage de notes légal, moyennant une simple « consultation » des enseignants concernés, à l’article 34 du projet de loi.

« L’évaluation est une compétence exclusive du personnel enseignant et fait partie intégrante de leur autonomie professionnelle, tel que stipulé par le Tribunal du travail et le ministre en fait fi. Elle ne devrait pas être liée aux normes et modalités. Il y a là une confusion grave au niveau juridique », estime madame Morel. « Par ailleurs, que signifie l’expression motifs raisonnables ? Qui en jugera : la direction ? La seule existence de ce pouvoir risque aussi d’attirer les sollicitations pressantes de certains parents. C’est inacceptable et cela va à l’encontre du signal clair que le ministre Roberge avait promis », a rappelé madame Morel.

Consultation générale demandée

« Ce ne sont pas que 200 ou 300 personnes qui sont vraiment mobilisées par ce projet de loi, comme l’affirmait monsieur Roberge la semaine dernière dans les médias. Avec ce projet de loi, le ministre de l’Éducation vient d’insulter au moins 45 000 de ses anciens collègues, qui, faut-il encore le rappeler, sont des femmes dans une proportion de près de 75 %. C’est pourquoi la FAE demande à Jean-François Roberge de tenir des consultations publiques générales et non seulement sur invitation, tel qu’annoncé. Son projet de loi touche les commissions scolaires, leurs élues et élus et leurs personnels, les directions d’établissement, les enseignantes et enseignants ainsi que les parents et l’ensemble des citoyennes et citoyens et il modifierait 79 lois. Comment peut-il en restreindre l’accès et prétendre être à l’écoute du réseau des écoles publiques ? Plutôt que de profiter de son projet de loi pour reconnaître et protéger l’autonomie professionnelle du personnel enseignant, le ministre fait le choix d’insulter les profs et de dévaloriser la profession enseignante », ajoute M. Mallette.

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