Un rassemblement dicté par la situation politique
Ce genre de tentative n’est certainement pas une nouveauté, dira-t-on, au sein de l’extrême gauche ; son succès n’est pas assuré. Aux yeux de la direction de la LCR toutefois, plusieurs éléments de la situation politique actuelle militent en faveur d’un tel projet. Compte tenu des sociaux-libéraux, puis de la dislocation du mouvement ouvrier, un constat s’impose : il existe un vide politique sur la gauche de l’échiquier politique. Ce vide est celui d’une gauche de combat unitaire. D’autre part, le rassemblement de la gauche radicale ne peut être que bienvenue face à la volonté affirmée des classes possédantes d’en finir avec les compromis sociaux d’après 1945. En d’autres termes, l’offensive généralisée du gouvernement Sarkozy-Fillon appelle un renforcement des forces de la gauche.
Le besoin d’un tel rassemblement semble d’autant plus prononcé que les conflits sociaux persistent. Que ce soit le Non au traité européen de 2005, le mouvement contre le CPE en 2006, ou bien les derniers mouvements de grève fin 2007, l’ensemble de ces luttes sont handicapées par un manque de poids dans la sphère politique. De plus, tout indique qu’il y a au sein de ces mouvements une nouvelle génération militante qui refuse d’accepter l’avenir qu’on lui réserve et qui a traversé plusieurs expériences formatrices.
Forger un instrument politique au service des luttes
Il y a quelque chose de paradoxal au sein de la gauche radicale. Ses militants se côtoient dans les manifestations, sont impliqués souvent au sein de collectifs unitaires, et parlent plus ou moins le même langage politique. Mais en raison de leur appartenance à des traditions politiques différentes du mouvement ouvrier, leur force de tir politique se trouve dispersé, aux échéances électorales notamment, et cela en dépit de leur adhésion commune au « Tous ensemble » du mouvement social.
C’est afin d’y pallier que la LCR propose la création d’un nouveau parti. En s’appuyant sur les expériences de cette gauche issue des luttes, ce parti anticapitaliste tenterait de dépasser les clivages de la gauche révolutionnaire qui, aux yeux de la LCR, ont perdu leur sens d’origine aujourd’hui. L’objectif est donc de fonder une base commune pour aboutir non pas au « grand » parti des travailleurs, mais tout simplement à une force suffisamment puissante – plus large que la LCR et ses 3 000 adhérents – pour peser politiquement et porter les revendications des mouvements sociaux.
Certains craignent que cette opération ne soit la liquidation de l’orientation révolutionnaire de la LCR. Pourtant, la perspective du nouveau parti n’est autre que celle du socialisme et de la révolution sociale. Son programme, tel qu’esquissé dans les déclarations des partisans de ce projet, met au centre la question sociale dans ses différents aspects (pouvoir d’achat, féminisme, écologie, défense des droits sociaux) et la démocratie (rupture avec la Ve République, contrôle des élus par la population, pouvoir à des assemblées élues dans les communes et les entreprises). Sa stratégie ? Participer aux luttes contre le système capitaliste pour généraliser l’idée que nos vies valent plus que les profits dans une perspective d’unité et d’indépendance de classe, avec pour but ultime le pouvoir des travailleurs.
Un processus de fond
La question qui apparaît cependant comme cruciale autour de ce nouveau parti n’est pas d’ordre idéologique. Il s’agit plutôt de savoir comment faire naître un tel parti anticapitaliste. Et en ce sens, le projet de la LCR semble intéressant. Tout d’abord, il n’est pas question de refaire une LCR bis élargie. D’autre part, le nouveau parti n’a pas pour objectif premier d’être une coalition des différentes organisations de la gauche radicale. Pour y arriver, ce qui est proposé est en quelque sorte un processus constituant de réunions avec les individus, groupes et courants qui se reconnaissent dans cette démarche.
Ainsi, depuis la fin 2007, des collectifs se sont mis sur pied rassemblant comme dans les Bouches-du-Rhône (département de Marseille) des syndicalistes de la CGT, de SUD, de la FSU et des sympathisants de la LCR [1]. Ou bien à Aulnay-sous-Bois au nord de l’agglomération parisienne, où Olivier Besancenot a discuté du projet du nouveau parti avec des salariés de Citroën impliqués au début du printemps 2007 dans une grève pour augmenter les salaires. Dans l’Ardèche, à Privas, une première réunion de la section LCR a rassemblé en décembre 2007 une quinzaine de personnes : des militants PCF, CGT, deux personnes issues des comités José Bové, deux animateurs des luttes lycéennes [2].
La LCR s’est donné une année pour tenter de mettre sur pied ce nouveau parti et l’issue de ce processus n’est bien sûr pas certain. Quoi qu’il en soit, le NPA adresse une question fondamentale : imaginer un outil politique capable de se faire le porte-parole des mouvements sociaux, favorisant ainsi une indépendance accrue des classes populaires dans le champ politique par rapport à la classe dirigeante. Enjeu qui dépasse les seules préoccupations de la gauche française, et dont l’importance est mise en lumière lorsqu’on considère le quasi-monopole des idées dominantes en politique.
Image : Manifestation à Paris le 18 octobre 2007. Source : filtre rouge, www.phototheque.org