Le parti d’Imran Khan, ex-capitaine de l’équipe nationale de cricket, le « Pakistan Tehreek Insaaf » (PTI), a occupé la seconde place avec 19% des votes, à la surprise de beaucoup. Le Parti du Peuple du Pakistan (PPP), qui a été au pouvoir ces cinq dernières années, s’est situé en troisième position avec seulement 15% des voix, et seulement grâce à la province du Sindhi où il a été capable de récupérer la majeure partie de ses électeurs.
Pour la première fois dans l’histoire du Pakistan, près de 62% des suffrages ont été remportés par des partis de droite et religieux. Bien que les partis religieux ne se présentaient pas unis sur une seule plateforme, le pro-taliban « Jamiat Ulema-i-Islam-Fazl » a gagné 10 sièges au niveau national. Il a également obtenu 22% des votes dans le Baloutchistan et 10% dans la province de Khaibar Pukhtoonkhawa, les deux provinces frontalières avec l’Afghanistan.
La droite
A la différence des élections générales de 2002, le « Jamiat Ulema-i-Islam-Fazl » ne sera pas capable de former des gouvernements dans ces provinces. Il constitue toujours cependant une force réactionnaire considérable et il fera tout son possible pour augmenter ses appuis en s’opposant aux gouvernements provinciaux qui vont se constituer.
Les élections se sont déroulées malgré les attaques constantes de la part de fanatiques religieux contre les meetings électoraux et les candidats. Ces attaques ont fait plus de 200 morts dans différentes parties du Pakistan, surtout à Khaibar Pukhtoonkhawa, au Sindhi et au Baloutchistan.
Les Talibans et d’autres groupes fanatiques ont été capables de mener à bien des attaques mortelles malgré toutes les mesures de sécurité déployées par la police, les forces paramilitaires et les militaires.
Le PPP a été durement sanctionné pour avoir obéi aux diktats du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale. Sous le gouvernement du PPP, les prix ont augmenté, sans qu’il n’y ait eu d’augmentation des salaires dans le secteur public. Les travailleurs du secteur privé ont été la partie la plus exploitée de la classe ouvrière sous le gouvernement du PPP. Ce fut un gouvernement gangréné par la corruption et la mauvaise gestion dans tous les secteurs. Le vote en faveur du PPP est passé de 36% en 2008 à 15% aujourd’hui.
La campagne électorale du PPP s’est limitée aux journaux et à la télévision, sans activités de masses sur le terrain. Il n’a pas convoqué une seule grande concentration ni réunion publiques pendant toute la campagne électorale.
Le PPP a malgré tout été capable de maintenir sa base dans le Sindhi, en obtenant 38%, après y avoir dépensé presque toutes les ressources fédérales de l’Etat au cours des cinq dernières années dans cette province.
Le droitier PML-N a obtenu le meilleur résultat grâce au bilan de son gouvernement dans le Punjabi pendant ces cinq dernières années. Il a été capable de construire une route de 27 Km de Métro-Bus à Lahore et de défendre des projets de développement similaires dans d’autres villes.
Le PTI de Khan a été capable de prendre la place du PPP dans le Punjabi du fait de l’effondrement total de ses politiques et des stratégies des partis ayant un programme néolibéral plus à droite.
La gauche
Le Parti des Travailleurs Awami (AWP), un parti socialiste formé après la fusion de trois groupes de gauche l’année dernière, incluant le Parti des Travailleurs du Pakistan (PLP), avait décidé de disputer 12 sièges fédéraux, 10 sièges provinciaux à Khaibar Pukhtoonkhawa (KPK), 10 au Punjabi et 2 dans le Sindhi.
Dans la région de KPK, le président de l’AWP, Fanoos Gujar, a obtenu plus de 10.000 votes. A Faisalabad, un ouvrier du textile qui s’est présenté aux élections sur les listes de l’AWP a obtenu plus de 3% des votes.
Malgré le fait que la campagne électoral a donné à l’AWP l’opportunité de populariser son sigle et de gagner de nouveaux membres, il n’a pas été capable de se positionner électoralement.
L’AWP a organisé plus de 60 réunions sur des places publiques et a été bien accueillis par les électeurs. Il n’a cependant pas été considéré comme un compétiteur important dans la course électorale.
Il y a eu de nombreuses plaintes de fraude électorale contre presque tous les partis. Les riches ont dépensé d’énormes quantités d’argent aux élections et ont violé le code de conduite de la commission électorale dans presque toutes les circonscriptions. Cela incluait le dépassement du plafond maximum de 1 million de roupies (quelques 10.000 dollars) pour les dons aux élections provinciales et de 1,5 millions de roupies pour les élections à l’assemblée nationale.
A Toba Tek Singh, où je me suis présenté sans succès pour l’AWP, le code de conduite a été violé par les autres partis qui ont établis des sièges électoraux avec des tentes de campagne près des bureaux de vote, allant même jusqu’à faire campagne à l’intérieur de ces derniers ou en offrant un transport gratuit pour les électeurs, dépensant ainsi des millions de roupies.
En dépit de mes plaintes répétées aux autorités du district, aucune mesure effective n’a été prise pour mettre fin à ces violations.
Le futur
Il n’y aura pas beaucoup de changements pour la classe ouvrière sous un gouvernement du PML-N. Il se pourrait même que les choses seront pires. Le PML-N s’est engagé à appliquer un agenda néolibéral avec des mesures plus efficaces. Le gouvernement du PPP a été incapable de mener à bien les privatisations à cause des fortes résistances des masses.
Le PML-N, avec son soutien des masses et sans résistance de la part des autres grands partis politique, mènera à bien la privatisation massive des services du secteur public. Il utilisera le prétexte de la nécessité de réduire les pertes de l’Etat dans ces institutions. Et il tentera de le faire au cours de ses 100 premiers jours au pouvoir. Les temps seront durs pour les syndicats avec le PML-N
La stratégie « soft » du PML-N para rapport aux Talibans aplanira la voie pour que les forces les plus droitières puissent diffuser leur programme et gagner du soutien parmi les masses.
Il est peu probable que les discussions proposées aux Talibans produisent des résultats positifs. L’échec des discussions pourrait ouvrir la voie à une solution militaire plus agressive vis-à-vis du fondamentalisme religieux. C’est cette stratégie qui a été adoptée par le gouvernement à Khaibar Pukhtoonkhawa depuis 2008, mais elle a spectaculairement échoué et elle a été politiquement liquidée. Le PML-N tentera de faire la même chose avec plus de sensibilité mais il n’aura pas de succès non plus.
La lutte contre le fondamentalisme religieux ne peut être menée qu’avec des changements fondamentaux dans les structures de l’Etat, par la séparation de ce dernier et de la religion, en mettant fin aux subsides publics en faveur des institutions éducatives privées religieuses, par la nationalisation de toutes les « madrasas » (écoles coraniques fondamentalistes) et l’introduction de réformes de grande portée, dont celle de dépenser au moins 10% du budget de l’Etat en éducation.
Farooq Tariq est secrétaire général du Parti des Travailleurs Awami du Pakistan
Résultats en pourcentages
National
Pakistan Muslim League Nawaz (PMLN) : 35%
Pakistan Tehreek Insaf (PTI) : 17.8%
Pakistan Peoples Party (PPP) : 15.7%
Mutihida Qaumi Movement (MQM) : 5.6%
Jamia Ulmai Islam (JUIF) : 2.9%
Pakistan Muslim League Q (PMLQ) : 3.2%
Pakistan Muslim League F (PMLF) : 2.2%
Jamaat Islami (JI) : 1.6%
Sindhi
PPP : 38%
MQM : 26%
PMLF : 10%
PMLN : 5%
PTI : 8%
National Peoples Party (NPP) : 2%
Punjabi
PMLN : 49%
PTI : 19%
PPP:11%
PMLQ : 5%
Khaibar Pukhtoonkhawa
PTI : 31%
JUIF : 18%
PMLN : 16%
Awami National Party (ANP) : 5%
JI : 6%
PPP : 6%
Independents : 11%
Balûchistân
Pukhtoon Khawa Mili Awami Party (PKMAP) : 25%
JUIF : 22%
Independents : 17%
PMLN : 6%
PTI : 2%
PPP : 4%
National Party (NP) : 5%
Baluchistan National Party (BNP) : 4%
Source :
http://www.greenleft.org.au/node/54104
Traduction française pour Avanti4.be : G. Cluseret