Édition du 18 février 2025

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Le blogue de Pierre Beaudet

On peut tout prévoir sauf l’avenir (Groucho Marx)

Cette boutade de Groucho (pas vraiment un descendant de Karl) voulait dire ce qu’elle voulait dire : il y a tellement d’imprévisible, d’inattendu, de non-pensable dans la vie qu’il est parfois périlleux de faire des prédictions.

C’est frappant ces jours-ci en constatant les grossières erreurs faites par les spécialistes de la politique, sondeurs et autres experts patentés qui ont pratiquement le monopole des ondes. Ainsi, juste la semaine dernière, on n’avait pas prévu le résultat du non au référendum sur la paix en Colombie. On n’avait pas prévu la victoire de Jean-François Lisée à la direction du PQ. Ce n’est quand même pas rien. Un peu plus tôt dans l’année, on n’avait pas prévu la montée fulgurante de Bernard Sanders lors des primaires démocrates. On n’avait pas prévu l’élection de Jeremy Corbyn à la tête du Parti travailliste anglais. On n’avait pas prévu le Brexit. On pourrait allonger la liste.

Ces « surprises » le sont-elles vraiment ? Ou est-ce que les experts patentés sont dans le champ ? Je serais porté à penser qu’il y a un peu des deux, mais que l’inefficacité des experts est le facteur principal. La plupart du temps, ces experts patentés sont payés pour dire ce qu’on attend d’eux. Ils reflètent le point de vue dominant, pour ne pas dire, des dominants, dans l’univers médiatique et les appareils de type « maisons de sondages ». Ils sont un peu cartomanciens, ils sont assez malins pour vous dire ce que vous attendez à qu’ils vont vous dire. Certes, il y a quelques exceptions dans les médias, qui ont non seulement l’intelligence mais le courage de sortir des sentiers battus (je pense à Michel David du Devoir, par exemple).

Les pouvoirs, en général, ne veulent rien changer. Ni vers la droite, ni, encore moins, vers la gauche. Ils sont contents avec le statut quo pourri qu’ils prétendent administrer, sans penser que la marmite est sur le point de déborder, que beaucoup de gens en ont marre et que, si on leur demande leur opinion, ils vont dire basta. Dans le cas de Bernie et de Corbyn, ce raz-de-bol est allé à gauche, contre les experts patentés. Dans le cas du Brexit, du plan de paix pour la Colombie, c’est allé vers la droite. Dans le cas de Lisée, c’est plus ambigu, mais il semble que c’est son « virage identitaire » qui lui a permis de l’emporter contre l’establishment du PQ.

En fin de compte, ce que tout cela démontre est la profonde déconnexion entre ceux qui décident (et les larbins qui reflètent leur opinion dans les médias) et la population.

Cette déconnexion, je le répète, ne va pas toujours vers la gauche. Je dirais même qu’elle a de plus en plus tendance à aller vers la droite et parfois même vers l’ultra droite. La démagogie, le populisme le plus crasse, les extravagances associées aux Donald Trump de ce monde, sont perçues par une partie de la population comme une critique de l’establishment, de la « clique » politique-médiatique qui ment à longueur de jour.

Au lieu de se lamenter, la gauche peut utiliser ce moment à son profit, en étant plus affirmative, en étant capable de parler au peuple dans le langage du peuple, en étant explicite sur les alternatives. On dira qu’on le fait, y compris à Québec Solidaire. Mais on ne le fait pas assez.

Je ne pense pas personnellement que c’est une bonne idée d’avoir l’air copain-copain avec les députés des trois partis de droite à l’assemblée nationale, sous prétexte qu’il faut être poli et gentil. C’est peut-être vrai qu’il y en a qui ne sont pas totalement pourris (il n’y en pas trop). Mais pour une grande partie des gens, on n’est pas à l’assemblée nationale pour se féliciter les uns les autres. Il ne s’agit pas d’être grossiers et d’avoir l’air baveux. Quand Amir Khadir avait apostrophé Lucien Bouchard et les responsables de la Caisse de dépôts et de placement, le peuple avait compris que QS n’était pas pour faire partie de la « gang ».

La gauche ne fait pas partie de la gang. Elle est là pour parler haut et fort et dénoncer ce que beaucoup de monde déteste. Sans tomber dans la démagogie et le populisme non plus.

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