Aujourd’hui cependant, le combat s’annonce difficile. Les médias-mercenaires et les intellectuels de service remettent cela pour traiter les étudiant-es de « horde déchaînée ». Le gouvernement les attend de pied ferme avec plusieurs dispositifs pour briser la grève. On mise sur les divisions dans le mouvement étudiant. À Montréal d’autre part, la police entend faire payer cher aux étudiants qui vont essayer d’entraver les institutions.
Ça va barder…
Il y a plusieurs facteurs qui peuvent interférer dans ce rapport de forces. Si la mobilisation étudiante peut surmonter les clivages (comme cela a été le cas en 2012), il faut inscrire la grève dans la convergence. Ce n’est ni évident ni facile, mais sans cette convergence, il sera bien difficile de faire reculer l’État. Or on le sait, il y a trois processus de convergences actuellement. Les assos étudiantes pour leur part sont plutôt actives dans la coalition Mains rouges où on retrouve de nombreux groupes populaires, des syndicats, des réseaux citoyens. Et il y a également le Collectif Refusons l’austérité qui regroupe outre les centrales syndicales, plusieurs mouvements populaires. Sans compter la coalition Printemps 2015 le Rassemblement du 12 février qui rassemblent d’autres groupes. La bonne nouvelle est qu’en pratique, au cours de l’automne et de l’hiver, plusieurs groupes ont réussi à travailler ensemble lors de plusieurs mobilisations petites ou grandes, comme lors des grosses manifs à Montréal et à Québec le 29 novembre dernier. L’important est de construire un discours contre-hégémonique en donnant sens aux résistances citoyennes, comme l’explique bien René Delvaux (in « Traces et effets politiques du printemps 2012 », Cahier des imaginaires, mars 2015).
Dans les débats en cours, il y a la question du rythme de la mobilisation, des étapes à franchir et surtout de l’incontournable « travail de fourmi » à la base pour enraciner la résistance. Cela se voit beaucoup en région, en partie à cause du fait que le mouvement populaire y est souvent « tricoté serré ». Faire sortir des milliers de personnes dans la rue à Sept-Îles, dans le bas du fleuve et en Gaspésie, dans les Laurentides à la Lanaudière et en Mauricie, c’est le résultat d’un travail d’éducation et d’organisation bien structuré.
Pour plusieurs militant-es, cela doit culminer dans des mobilisations encore plus grandes, voir une grève « sociale », impliquant tous les secteurs et toutes les régions du Québec. C’est certainement une bonne idée, ce qui ne veut pas dire, par ailleurs, que c’est une solution magique. Une grève générale, ça ne peut pas s’improviser et surtout, cela ne peut pas être l’action d’une petite minorité. Il faut éviter le piège de l’impatience et de l’arrogance, comme si tous ceux et celles qui n’étaient pas convaincus de la grève générale étaient des « traîtres ». Une chance que ce discours arrogant n’a plus trop la cote à part quelques cercles convaincus qu’ils sont l’« avant-garde » du peuple. Entre-temps, il est important de la préparer cette grève sociale. C’est dans l’air en tout cas.
Une stratégie bien pensée pour faire en sorte que le Québec se mobilise massivement implique évidemment de confronter le discours des éteignoirs professionnels qui disent qu’il faut plier et « sauver les meubles ». Pour viser juste, il faut tenir compte de plusieurs dynamiques. Faire la grève étudiante n’est pas la même chose que d’arrêter le travail dans le secteur public et le secteur privé. Il serait irresponsable de ne pas tenir compte de l’étroit cadre légal dans lequel les droits des travailleurs sont enchâssés. Pour autant, on a vu dans le passé les syndicats transgresser la loi. La loi faut-il l’oublier, c’est celle du plus fort, pas celle qui reflète la justice. Cela devient alors une question de stratégie : pouvons-nous changer le rapport de forces ? Avec qui ? Comment ? Dans quelle mesure peut-on minimiser les coûts et surtout éviter un encerclement politique qui laisserait mains libres au gouvernement ?
En fin de compte, c’est la « convergence des convergences » qui peut faire la différence, quitte à vivre avec des points de vue différents, en autant qu’on puisse, comme le dit une vieille chanson, « se battre ensemble tout en marchant séparément »…