L’industrie pétrolière est en voie de s’implanter dans les eaux du golfe du Saint-Laurent et cette perspective inquiète bien des gens reliés de près au milieu marin : pêcheurs, industrie touristique, communautés côtières du golfe, etc. Il ne s’agit pas de craintes abstraites puisqu’un projet de forage bien réel a récemment été déposé par la compagnie Corridor Resources pour le site d’Old Harry.
Cette inquiétude, fort compréhensible en ce premier anniversaire du désastre du golfe du Mexique, s’est cristallisée lors du Forum sur les hydrocarbures qui s’est tenu les 8 et 9 avril derniers aux Îles-de-la-Madeleine. Une centaine de représentants de divers secteurs d’activités s’étaient alors réunis pour s’informer sur les enjeux de l’exploration pétrolière dans le golfe, pour en discuter, et pour dégager des positions communes.
À l’issue du forum, les participants ont lancé trois messages très forts : rien ne presse dans le développement de cette industrie et un temps d’arrêt est nécessaire ; toutes les communautés du golfe seront touchées par cette nouvelle filière et doivent absolument être consultées ; il faut prioriser une gestion intégrée et évaluer les impacts de cette industrie au-delà des frontières juridiques définies par l’homme. Autrement dit, il faut « penser golfe ».
Et c’est là que le ministère des Pêches et des Océans a un rôle majeur à jouer. Ce ministère est en effet responsable de la protection des habitats, des espèces, de la recherche scientifique en milieu marin, de la protection des habitats critiques des espèces en péril, et de la bonne gestion des ressources marines. Pêches et Océans doit intervenir dans tous les aspects reliés à la gestion intégrée des ressources en milieu marin. Ce rôle, il doit l’assumer dès aujourd’hui, entre autres en affirmant fortement sa présence auprès des communautés du golfe qui sont au coeur de la tourmente, en informant les pêcheurs sur les enjeux réels de la filière pétrolière en milieu marin. Les gens ont besoin de savoir.
Pourtant, le ministère fédéral des Pêches et Océans était tout à fait invisible lors du Forum sur les hydrocarbures aux Îles-de-la-Madeleine, tout comme le ministère fédéral de l’Environnement. Absolument personne des ministères fédéraux n’y était pour transmettre des informations sur le cadre législatif, sur les impacts environnementaux, sur la gestion intégrée dans le golfe. De grands absents, et la campagne électorale fédérale ne peut servir de raison. Les gens des communautés côtières du golfe ont besoin de savoir, ont le droit de savoir... et les ministères responsables ont le devoir de transmettre l’information qu’ils détiennent. Il n’en tient qu’à eux d’assumer pleinement leurs responsabilités.
L’auteur est biologiste.
* Avec l’appui de : André Bélisle, Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) ; André Stainier, Les Amis de la vallée du Saint-Laurent ; Area 19 Fishing Association (Crabiers Cape Breton) ; Christian Simard, Nature Québec ; Danielle Giroux, Attention FragÎles, Îles-de-la-Madeleine ; David Prior, PDG, Extreme Spill Technology ; Éric Notebaert, médecin, Association canadienne des médecins pour l’Environnement ; George Karpat, Energy Campaigner, Sierra Club of Canada, Section du Québec ; Ghislain Côté, ÉcoMaris ; Jean Zigby, médecin ; Luc Chouinard, maire de Saint-Alexandre-de-Kamouraska ; Lucie Sauvé, professeure titulaire de la chaire de recherche du Canada en éducation relative à l’environnement ; Luc Villeneuve, Fondation québécoise des énergies renouvelables ; Marilyn Clark, fille de pêcheur de Old Harry aux Îles-de-la-Madeleine et étudiante à Memorial University, Terre-Neuve ; Marilyn Dickson, Association for Inshore Fishermen of the Magdalen Islands ; Mark Butler, Ecology Action Centre Mary Gorman, Save Our Seas and Shores Coalition ; Michel Brissette, Mouvement écologique mathalois ; Michel Fournier, Les moules de culture des Îles inc. ; Omer Chouinard, professeur Programme de la MÉE, Université de Moncton ; Pierre Trudel, Fédération québécoise du canot et du kayak ; Raphaëlle Dancette, gestion des ressources maritimes, UQAR ; Raymond Gauthier, Corporation de Développement communautaire Une île ; Rosalind Waters, PEI Rose ; Elmonde Clarke, mairesse de la municipalité de Grosse-Île, Îles-de-la-Madeleine ; Thierry Gosselin, biologiste ; et Tony Reddin, Environmental Coalition of Prince Edward Island (ECOPEI).
Cet article est d’abord paru sur Cyberpresse le 29 avril 2011