Je veux intervenir ici afin de démontrer que cette réforme n’est pas à coût nul pour les contribuables contrairement à ce qu’il est véhiculé et, ce faisant, soulever quelques incohérences quant à la transparence de cet exercice et sa cohésion alléguées. Un projet de loi ne peut être limité dans son examen à une stricte revue comptable. D’autres considérations doivent être prises en compte par ailleurs, notamment sa pertinence, son "timing", la cohérence législative, etc...Il y a une négociation en cours avec l’ensemble du secteur public, son ministre Hamad tente de resserrer le recours à l’aide sociale alors qu’il soutient Bombardier à hauteur de $1,3 milliard.
Chroniqueurs et éditorialistes des grands médias imprimés et d’autres ont vite entendu la chose, il n’y a rien à en dire si ce n’est que du bien, pas de débats possibles : projet déposé jeudi dernier, commentaires le lendemain suivis dès samedi de l’opinion de monsieur Dubuc. D’après lui il en va d’un "simple réaménagement à somme nulle de la rémunération...". "C’est à coût nul ou à peu près.", et "c’est 4 trente sous pour une piastre". Il y aura même au final une petite économie de $600,000/an soutient-il. En effet, les primes de "transition" qui sont de véritables primes à la désertion, ont été versées à hauteur de $651,000 cette année.
L’éditorialiste Journet en remettait lundi en nous sermonnant qu’il y avait une problème de perception dans la population à l’endroit de ces projets de loi parce qu’elle est manipulée. Il répétait ce que Dubuc venait de publier et se répétait lui-même puisqu’il avait soulevé les mêmes arguments alors que le gouvernement Couillard avait tenté le coup une première fois à l’été 2014 alors qu’il légiférait les régimes de retraite des employéEs municipaux. On se souvient combien tant les maires que ce gouvernement martelaient les trois idées suivantes : "on avait atteint la capacité de payer des électeurs ", "les cotisations doivent être 50-50", et "les déficits actuariels de solvabilité des caisses seraient renfloués aussi à 50-50". Ces deux journalistes s’entendent qu’il y va d’un effort de cohérence et de transparence. Ce que nous allons évaluer.
Le premier ministre a poussé le bouchon un peu fort lundi en en remettant. Le Journal de Montréal le citait de la manière suivante : "je voudrais que la vérité commence à sortir, on [les députés ] perd de l’argent avec ce projet de lois.". Deux députés de son caucus sont venus à son soutien en déclarant : "on perd $2 000 à $2 500/an dans cette affaire-là.". Couillard de conclure : "si on offrait aux syndiqués du secteur public ce qui est sur la table ce serait refusé." ! Visiblement il se remet difficilement du rejet de la nouvelle offre salariale qui leur a été faite (3% sur 5 ans échelonnés autrement). Je parierais, au contraire, que le Front Commun sauterait "sur ce qui est sur la table [des députés]. Passons, mais s’il disait vrai, pourquoi alors déposer un tel projet de loi qui les appauvrirait en présentant lui-même des chiffres qui laissent penser le contraire, en l’occurrence passer d’un salaire d’un peu moins de $100,000 à un peu plus de $140 000/an ? Il ne suffit pas de l’affirmer, il faut le démontrer. N’en déplaise aux journalistes cités et à d’autres cela n’a pas été fait. On constate au contraire que déjà, les violons des uns, les journalistes, ne sont pas accordés à ceux des autres, les politiciens. Ce n’est pas la même note qu’on entend, faudrait savoir : c’est à coût nul ou on les appauvrit ? À la face même des différentes déclarations on entend une chose et l’autre. Cela seul déjà suffit à légitimer un questionnement.
Dans la même veine on soutient que la transparence permettra les deux choses suivantes : rendre comparable le salaire de nos députés avec ceux de toutes les autres provinces par le biais de la fiscalisation de l’allocation de dépenses de $16,465/an. Dans la situation actuelle les parlementaires québécois sont présentés au milieu du tableau pour le salaire versé aux députés provinciaux et territoriaux. Je rappelle qu’on nous martèle que cette réforme est soit à coût nul (journalistes) ou même à légère perte (PLQ). Dans un nouveau tableau présenté en tenant compte de la réforme proposée les élus québécois sont propulsés tout en haut du tableau en première place, devant l’Ontario. C’est donc qu’ils y étaient déjà au sommet et qu’en comparaison ils sont bien traités puisque l’allégation que c’est à coût nul ne peut soutenir que nos parlementaires sont à la foi au milieu du peloton et au sommet.
Voilà pour la comparaison des salaires. Reste la transparence. On attire notre regard et notre examen sur l’allocation annuelle de $16,465 qui est présentement libre d’impôt et qui ne le serait plus. D’accord. Bravo. On nous dévoile là un montant total de $2 millions, mais, ce faisant, on passe sous silence les passifs accumulés dans les deux caisses de retraite de nos élus qui se situaient au 31 décembre 2013 à hauteur de presque $200 millions. 200 fois l’autre montant. Où est-il passé ? On a beau nous dire qu’il y aura une économie de $600 000/an, avec ce montant cela prendra très exactement 333 ans pour éponger ce déficit à nos frais à 100%. Bravo pour la transparence ! On a caché la forêt avec un arbre. C’est ce qui s’appelle "se faire passer une petite laine sur les yeux". Jusqu’à preuve du contraire tout ce montant a été extrait de la rémunération globale et de l’équation qui nous a été présentée. C’est comme si, à l’occasion de l’Assemblée générale des actionnaires d’une compagnie, on nous présentait des états financiers qui semblent incomplets et qu’à la suite d’une question de la salle on trouve la réponse "hors du bilan". Non ce n’est ni transparent et c’est en complète rupture avec la cohérence législative à ce jour de ce gouvernement.
Labeaume a demandé et obtenu de Couillard que a) les cotisations soient "50-50" en légiférant "mur à mur" et en y incluant même certaines caisses dont la cotisation des travailleurs étaient établies à 45%, alors pourquoi arrêter cette réforme à 43% pour nos élus ? Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Allez, un petit effort de 7% de plus. On n’a pas à accepter en bloc le rapport de la juge L’Heureux-Dubé comme nous le rappelait déjà l’éditorialiste Journet en juillet ’14 ; comme monsieur Couillard a déjà fait avec d’autres rapports déjà, on pense à Robillard et d’autres. La cohérence gouvernementale générale devrait l’emporter sur la cohérence particulière à un rapport.
Les maires avaient aussi obtenu dans cette loi que b) les passifs accumulés soit assumés aussi à "50-50", en dépit de contrats passés qui offraient des garanties aux travailleurs de même qu’une jurisprudence généralement en leur faveur. Or, tel n’est pas le cas pour nos élus. C’est 0% qu’ils se demandent à eux-mêmes de payer pour éponger leur déficit. Ils s’écartent bien loin de leur principe qu’ils disaient "sacré". Deux poids, deux mesures. Le régime de retraite des élus est en fait constitué de deux régimes distincts puisque les rentes maximales offertes à nos élus dépassent le seuil maximal permis par la loi canadienne sur l’impôt sur le revenu, un régime supplémentaire a été créé à l’image de ceux mis sur pied pour des chefs d’entreprises qui, sauf erreur, ne garantit ni les rentes ni le paiement de passif quel qu’il soit (le régime n’étant pas garanti). Un voile plutôt que la transparence flotte au - dessus de tout cela. Et si on leur demandait de ne payer que 50% de ce déficit de presque $200 millions cela représenterait aujourd’hui pour les quelques 532 parlementaires et ex-parlementaires la coquette somme de $185 000. Non monsieur Couillard, vous ne pouvez affirmer "on en perd"[de l’argent]. Vous ne pouvez non plus dire que "cette offre serait refusée par le secteur public".
Ce qui est pire encore c’est que c) les "payeurs de taxes" paieront ce $200 millions à leur insu. Là encore le gouvernement s’écarte de son principe maintes fois énoncé pour tout autre fonds de retraite, à savoir la notion "de l’atteinte du plafond de la capacité de payer des contribuables". Ce plafond n’existe-t-il plus ? Faudrait le dire aux autres.