La NUMSA, l’affiliée la plus importante du Congress of South African Trade Unions, a refusé de s’allier au Congrès national africain, (ANC en Anglais) pour les prochaines élections générales et examine la possibilité de créer un nouveau mouvement socialiste. C’est un important défi posé à la direction de l’ANC qui est de plus en plus contestée par ses alliés. (…) Selon nous, il s’agit probablement du développement le plus prometteur que les progressistes, tous ceux et celles qui veulent un changement économique et social en faveur des moins nantiEs, pouvaient espérer.
On peut voir dans cette décision de la NUMSA une conséquence du massacre de Marikana en août 2012 et de la réponse choquante que le gouvernement lui a donné. Comment un tel événement, où les forces de sécurité se sont livrées à des actes de violence délibérés sur les membres d’un allié du pouvoir dans une branche dominante du secteur minier pourrait-il ne pas avoir de conséquences sur le statut-quo politique du pays ? Nous ne savons toujours pas qui a ordonné les tirs à balles réelles ; pourquoi personne n’a démissionné au gouvernement ou à la direction des services de police.
L’an dernier, le ministre du plan, M. Trevor Manuel, (…) se disait prêt à discuter des causes antérieures qui ont précipité les incidents de Marikana. Mais il n’a rien dit sur les responsables impliqués dans le massacre ni sur les politiques qui se sont poursuivies sans rien apporter de plus aux travailleurs-euses.
Rupture avec le passé
La NUMSA a fait face à ce qui crevait les yeux : la rage des mineurs envers leur syndicat qui était l’affilié le plus important du Congrès africain des syndicats. Cette position de rupture avec le passé est ancrée dans la volonté d’honorer les victimes de Marikana. Au cours de ce congrès, la NUMSA a ramassé 350,000 rands pour les familles de ceux qui ont été tués et qui avaient été abandonnées dans leur combat pour qu’elles puissent payer les frais de représentation à la Commission d’enquête sur le massacre. La NUMSA demandait la démission du Président Jacob Zuma suite au massacre (…).
La NUMSA est ainsi en contraste évident avec les positions de son ancien secrétaire général, M. Cyril Ramaphosa, également un actionnaire stratégique de la Lonmin
iqui a traité les grévistes de Marikana de « lâches criminels » et demandé qu’on les traite comme tel, ou encore de Blade Nzimane, du Parti communiste sud-africain, qui les a traités de « contre révolutionnaires ».
La décision de la NUMSA révèle au grand jour que le gouvernement de l’ANC défends jusqu’à l’obsession les intérêts des grandes compagnies et de la finance de même que ceux de quelques uns de ses partenaires privilégiés pour qu’ils développent leur capital au détriment de la classe ouvrière, des chômeurs-euses et des travailleurs et travailleuse précaires. Il est clair que trop de membres haut placés de l’ANC font preuve de mépris envers les pauvres comme quand le premier ministre de la province de Gauteng a déclaré aux résidents de Bekkersdale : « L’ANC n’a pas besoin de vos sales bulletins de vote ».
La révolution néo libérale post apartheid
Bien sur le discours officiel est différent. Il comporte une référence ridicule à une « seconde étape » de la révolution démocratique nationale. En fait l’Afrique du Sud, depuis 1994 est entrée dans une révolution néo libérale ; le contrôle des politiques est passé dans les mains du Trésor public au nom de « l’amitié envers les entreprises ».
On retrouve dans l’Afrique du sud post apartheid bien des caractéristiques de la dernière période du régime d’apartheid sans qu’elles soient combattues. La financiarisation de l’économie a produit une énorme croissance dont les fruits ont récompensé le secteur financier mais créé une baisse des investissements à long terme. La libéralisation des contrôles sur les changes a encouragé une fuite importante des capitaux, a détérioré la situation dans le pays parce que les grandes entreprises se sont enregistrées à l’étranger. Avec ces fuites de capitaux sont venus des niveaux d’endettement que les économistes on nommés « fuites dans l‘importation ». Les classes supérieures et la classe moyenne ont utilisé leur crédit pour acheter des biens importés, souvent de luxe ; cela a empiré le déficit courant et ainsi l’économie dépend de plus en plus de la progression des investissements à court-terme.
Pour venir à bout de cette dynamique budgétaire les intérêts doivent être maintenus à des taux élevés. Nous devons nous rappeler que les taux d’intérêts bas devaient nous apporter la croissance, les emplois et la redistribution. Ce ne fut pas le cas. La promesse de la « liberté économique » n’est pas pour la majorité de la population, et elle n’a pas vraiment favorisé les couches de la bourgeoisie noire qui aspire à mieux. Les grandes compagnies qui financent le fond pour le développement économique de la population de couleurii, ont participé à diriger les emplois vers des « micro-entrepreneurs ». On leur demande de faire le travail mais sans leur donner un emploi à temps plein et les bénéfices marginaux qui y sont attachés. Des consultants bien payés viennent leur prodiguer des conseils pour qu’ils acquièrent les « habiletés d’affaires » qu’il leur manque.
Le BEE dans le secteur minier a donné des autorisations d’exploitation à de nouvelles compagnies « noires » mais pour de vieilles mines. Pour faire quelques profits, elles ont embauché des travailleurs occasionnels.
Perspectives,
L’Afrique du Sud a besoin d’une économie qui crée plus d’emplois et de bons emplois. Cela entrainera des politiques de régulation de la finance et du secteur productif de même que des politiques qui visent les travailleurs-euses dans tous les aspects de leur vie : le logement, le transport, l’éducation et la santé. Il faudra, pour y arriver, traiter avec les cartels qui détiennent le contrôle sur les conditions de production et qui s’approprient souvent les revenus des travailleurs-euses pauvres.
Deux changements sont prometteurs. Premièrement, l’intention de la NUMSA n’est pas de se concentrer sur des activités électorales mais bien sur la construction d’alliances avec les forces progressistes qu’elles soient politiques, syndicales ou du mouvement social. Les composantes du mouvement social ont été trop souvent attirées par l’État. Leur inclusion dans un mouvement plus large donne plus de certitudes que leurs préoccupations pour le logement, la distribution de l’eau et de l’électricité seront mieux défendues. Deuxièmement vient l’engagement pris par la NUMSA de mener ses activités d’organisation sur la base des valeurs partagées et celui de s’occuper de l’organisation des mineurs. En plus, NUMSA semble être sérieuse quant à ses engagements sur les questions de politique économique et à sa volonté de mobiliser les travailleurs-euses pour soutenir des politiques économiques progressistes comme celle éminemment importante de l’inflation qui affecte le prix des investissements cruciaux dans le secteur industriel.
Il faudra du temps pour débattre du type de gouvernement et de di rigeantEs dont à besoin l’Afrique du Sud. Il y a là tout un processus. Et si la décision de la NUMSA mérite examen, il n’en reste pas moins qu’il ne faut pas imaginer des succès faciles. Ce genre de projet audacieux sera face à des défis magistraux.
Le premier sera lié à l’intégration d’un nombre très important de membres du secteur minier. La création d’alliances à gauche pourra se frapper à des difficultés non négligeables même s’il s’y trouvera aussi des opportunités. La réaction de l’ANC sera sévère ; les efforts pour isoler la NUMSA seront importants. Ce n’est pas la moindre des difficultés qui attendent ce syndicat. Cette décision de la NUMSA vient fragiliser le pouvoir politique de l’ANC qui concrètement, préside à l’accumulation grâce à des moyens inter-reliés aux circuits étatiques.
Mais, si la NUMSA persiste à donner des signaux positifs, il se peut qu’elle réussisse à développer un vaste mouvement populaire qui attirera aussi ceux et celles qui sont déçuEs de l’ANC et prêtEs à adhérer à une organisation socialiste alternative et crédible.
Quant on examine cette nouvelle situation en comparaison avec ce qui se passe dans le monde, sauf en Amérique latine, il est difficile de trouver une meilleure promesse pour un vrai changement progressiste.