Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Féminisme

Le patriarcat et la misogynie, phénomènes du passé ?

Avancer que l’égalité homme-femme est une valeur de la société québécoise est devenue un lieu commun. Tout le monde au Québec est d’accord. Même des personnes conservatrices, historiquement antiféministes, s’en réclament. Est-ce que cela veut dire que le féminisme est devenu une norme et que le patriarcat et la misogynie sont des phénomènes du passé ? Permettez-moi d’en douter.

Trois événements récents, impliquant de jeunes hommes, censés avoir grandi à l’ère égalitaire, m’amènent à penser que le bon vieux sexisme est encore à l’œuvre dans toutes les sphères de la vie.

Deux adolescents sont accusés d’homicides

Blessé dans son orgueil, un jeune homme cocu aurait comploté avec son ami pour tuer son ex-copine et le chum de celle-ci. Au final, il y a eu trois meurtres. Comment comprendre un tel geste ? Affirmer qu’il s’agit d’un drame amoureux ou de la jalousie banaliserait le sexisme et le contrôle dans le geste violent. Impossible de ne pas comprendre ces meurtres comme l’expression d’un vieux classique : pas question qu’elle fasse sa vie sans lui, comme si elle lui appartenait.

Combien de cas avons-nous connus au Québec d’hommes qui révoltés d’avoir perdu leur blonde décident d’en finir avec la vie de leur ex, de leurs enfants avant de s’enlever la vie ? S’ils ne peuvent les garder en leur possession, et bien personne ne le pourra ! L’amour n’a rien à voir avec la possession et le contrôle. Incroyable, d’avoir à admettre que « le corps des femmes, dans cette ère prétendument libérée, n’est toujours pas un corps à soi - un corps pour soi ».

Cinq jeunes hommes tiennent des propos misogynes et violents

Frustrés de la place qu’une candidate prend dans la campagne à la présidence de leur association étudiante, cinq hommes engagés dans le milieu étudiant se sont offert une session de défoulement à son endroit dans des messages privés sur Facebook. Ils fantasmaient sur des scénarios d’agressions sexuelles vus comme autant de façons de « discipliner » la jeune femme.

Si vous pensez que j’exagère, voici seulement l’une des phrases échangées : « Quelqu’un, punis-la avec sa bite » (traduction libre de « someone punish her with their shaft »). Pourquoi la punir ? Parce qu’elle ébranle le boys’ club par sa simple présence. Est-ce qu’ils allaient vraiment passer aux actes ? Sûrement pas. Mais c’est intéressant de constater que leurs mots confirment le discours féministe à savoir que le viol n’est pas un geste sexuel, mais un geste de violence, de punition et de contrôle.

Les hommes se mettent rapidement à défendre ce qu’ils perçoivent comme leur territoire, leur espace, en créant un environnement hostile pour les femmes. Comment pensez-vous que les hommes dans les derniers bastions de la masculinité comme la construction ou la programmation des jeux vidéo réagissent à l’arrivée des femmes ? Avec de la violence verbale et sexuelle !

Suspension d’une équipe de hockey masculin

Une équipe de hockey masculin a été suspendue par la direction d’une université suite à l’ouverture d’une enquête pour agression sexuelle. Plusieurs joueurs auraient été impliqués dans un viol d’une femme. L’équipe aurait tenté de régler l’affaire discrètement. Un autre classique : on protège les nôtres même si c’est une affaire criminelle. Par chance qu’une amie de la victime a demandé à la police d’enquêter, sinon l’affaire serait encore secrète.

Lorsque de jeunes hommes pleins de potentiel sont accusés d’avoir commis un crime violent à l’endroit de femmes, on entend l’incrédulité de leur entourage. Ce cas ne fait pas exception. Dans un article publié dans La Presse, une source anonyme a déclaré : « C’est inquiétant. Ce sont des jeunes de bonne famille, des futurs leaders de la société ! »

Pourquoi notre surprise ? 40 ans de luttes féministes contre la violence envers les femmes ne nous ont pas permis de comprendre que ce sont justement ceux qu’on aime qui nous violentent ! Ce n’est pas l’étranger qui nous agresse sexuellement, dans 80 % des cas, ce sont nos chums, nos amis et les membres de notre famille (y compris chez les futurs leaders). C’est parfois pire chez ceux qui croient que, par leur position privilégiée, tout leur appartient et qu’ils n’ont pas à être tenus responsables de leurs gestes parce que : « Boys will be boys ».

Pour en finir avec la culture du viol et l’hypersexualisation

Dans cette campagne électorale en cours, il sera question, si le mouvement féministe en a son mot à dire, de la réintroduction d’un programme d’éducation sexuelle à l’école. Ce programme verra au développement de rapports égalitaires, non-sexistes et non-hétérosexistes dans notre société.

Il y a urgence d’enseigner la différence entre une agression sexuelle et le consentement. Il y a lieu de s’assurer que les garçons apprennent à respecter les filles et à comprendre l’effet de la culture du viol. Les filles doivent apprendre qu’elles existent pour soi et non pour les autres.

En 2010, 10 000 femmes ont marché dans le cadre de la Marche mondiale des femmes notamment pour que le gouvernement réintroduise ce programme d’éducation sexuelle à l’école. Le PLQ a promis d’agir. En 2011, cet engagement est inscrit dans le Plan d’action gouvernementale en matière d’égalité. En 2012, le PQ a été élu et a promis de mettre en place de programme. Toujours rien. Les travaux avancent à pas de tortue.

Dans les partis en lice en 2014, qui s’engage à faire de cet engagement une priorité ? La sécurité des filles et des femmes en dépend !

Alexa Conradi

Fédération des femmes du Québec

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