photo,video, article tirés de NPA 29
Olivier Besancenot :
On est le 1er mai et pour la première fois, il n’y aura pas de défilé. Le 1er mai, c’est un jour particulier, chômé, c’est la journée internationale des travailleurs dans de nombreux pays qui commémore la lutte pour la journée de 8 heures. Dans quel état d’esprit êtes vous aujourd’hui ?
Olivier Besancenot : C’est forcément un sentiment de frustration de ne pas pouvoir se compter, de ne pas pouvoir descendre dans la rue et manifester comme à chaque fois. Ça ne fait que renforcer le côté qui nous rend un petit peu spectateur de la scène politique du fait du confinement et dont joue pas le gouvernement.
Maintenant ça reste une initiative qui continue à nous relier les uns les autres. On a aujourd’hui accroché des banderoles à nos fenêtres, des mots d’ordre, des slogans, on va chercher à saturer les réseaux sociaux pour dire qu’on se tient prêts, qu’on est toujours là et qu’on ne va pas se laisser endormir selon l’idée que l’on ne pourrait plus peser sur nos propres destins.
Donc en effet c’est un premier mai particulier, c’est une lutte qui a une histoire qui fait écho à se qui se passe aujourd’hui parce que le premier mai est imbriqué à l’histoire du combat pour la journée de huit heures, avec une offensive qui précisément remet en cause la durée du temps de travail en l’allongeant jusqu’à 60 heures en mettant aussi en cause les congés payés, les jours fériés et les RTT. Donc, le premier mai ça reste pour nous l’occasion de dire que la question du temps de travail reste pour nous une question importante.
Ce confinement mondial est-il en train de redistribuer les cartes de l’économie mondiale ?
C’est un tournant historique qu’on est en train de prendre sans le savoir parce qu’on a le nez dans le guidon. Mais ce n’est peut-être pas simplement la fin d’une période, la fin d’une époque mais la fin d’une civilisation telle qu’on l’a connue.
Le système capitaliste est confronté à des contradictions inédites, peut-être même insurmon-tables. Pour la première fois, on a une ampleur absolument inégalée. D’abord sur une panne de l’économie réelle.
Une partie du PIB est détruit, du fait du confinement et de l’arrêt de l’activité économique. On vit une espèce de grande coupure de courant internationale depuis le début du confinement et le problème, c’est qu’en voulant nos remettre très vite au travail pour remettre l’économie à l’identique, les capitalistes eux -mêmes risquent de faire sauter tous les plombs de leur système.
On est à la croisée des chemins pour reprendre l’expression de la révolutionnaire allemande Rosa Luxembourg, soit la classe possédante qui se gave depuis des années garde les manettes et peut même inventer un système d’exploitation encore plus autoritaire, soit on arrive à bâtir ici et maintenant un nouvel ordre social.
Quel est votre regard sur le gouvernement, Emmanuel Macron, et la façon de gérer la crise ?
La crise sanitaire surligne tous les enjeux d’une situation qui nous invite a beaucoup d’humilité. C’est complexe de sortir d’une telle crise sanitaire, mais il y a des choix politiques qui sont impardonnables et qu’on n’oubliera pas.
Le personnel médical n’oubliera jamais et demandera des comptes et il a bien raison parce que le gouvernement suit, même en pleine crise sanitaire, une logique comptable, de destockage.
C’est un gouvernement qui ne supporte plus l’idée que, dans le domaine sanitaire et de santé, on pourrait entreposer du matériel en prévision du risque sanitaire et encourir le risque que ça ne serve pas.
Et le comble du cynisme, c’est d’arriver à cette situation dingue où le gouvernement s’apprête à nous faire payer deux fois le prix des masques, une fois avec l’argent de nos impôts, une deuxième fois avec les consommateurs. Cette histoire du coût du masque laissera une trace indélébile sur la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement.
Quelles injustices sociales vous ont-elles heurtées depuis le début de la crise ?
De voir des infirmières se tailler des sur-blouses de fortune avec des sacs poubelle dans la sixième puissance du monde, ça ne passe pas et ça ne passera jamais. De voir des gens tellement appauvris dans la rue, en train de crever de faim, faire les poubelles en pleine crise sanitaire, ça continue à me révolter.
De voir le peu de sens qu’on accorde à la vie finalement avec cette courbe et cette comptabilité macabre de chiffres qui montent et qui descendent, en attendant que le pic passe, je ne l’accep-te pas. La pire des défaites morales serait de banaliser le coût de la vie. Or elle n’a pas de prix.
Et quand on parle de nos enfants, leur fait encourir le moindre risque, avec un gouvernement qui se dégage de toute responsabilité juridique en prenant le soin de laisser aux parents le soin d’envoyer leurs gamins dans les écoles sur la base du volontariat, ça me révulse ! S’il y a le moindre drame dans une école, ils en porteront la responsabilité historique.
Vous avez été adopté par une partie des Français, depuis longtemps, quel message adressez vous au gouvernement ?
De bien prendre attention à arrêter de nous prendre de haut, en particulier Emmanuel Macron, plus personne n’est dupe et le seul message qu’on essaie d’envoyer, il est temps de se faire respecter de prendre conscience de la force qu’on représente.
Parce qu’en réalité nos vies aujourd’hui elles dépendent de qui ? Elles ne dépendent pas des premiers de cordée. Elles dépendent des premiers de corvée. Des éboueurs, de ceux qui nous mettent l’électricité, de ceux évidemment qui sont dans les hôpitaux, dans les Ehpad, c’est à dire en fait à des prolétaires qui s’ignorent et j’espère qu’on s’en souviendra.
Là où vous êtes confiné, il y a du muguet aujourd’hui ?
Il y a d’abord des banderoles aux fenêtres et puis même des slogans sur le masque pour la petite balade quotidienne et ça on n’est pas prêt de le lâcher.
01/05/2020
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