Édition du 17 décembre 2024

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Billet

Nos démocraties, une coquille vide ?

Trop de citoyens confondent encore élection et démocratie comme si l’une garantissait automatiquement l’autre. Pourtant, les élections ne sont que la coquille de la démocratie. Si entre chaque élection, les décisions ne sont pas prises en fonction du bien commun, on peut alors parler de coquille vide.

Le degré de démocratie est directement proportionnel aux choix faits dans l’intérêt du mieux-être collectif. En analysant les décisions du gouvernement Charest et Harper, leur degré de démocratie frôle le zéro. Quelques brefs exemples :

Baisses d’impôt : en laissant croire que c’est pour favoriser la création d’emplois, en réalité cela favorise les plus nantis et donc augmente les inégalités.

Le système de santé public : on laisse croire faussement qu’en augmentant la place du privé on réduira les listes d’attente, que l’État n’a plus les moyens de maintenir notre système de santé public.

Tarifs d’Hydro : on les augmente pour soi-disant freiner la consommation d’énergie, mesure qui affecte les plus démunis.

Frais de scolarité : on les augmente en prétendant que cela n’affectera pas la fréquentation (chercher l’erreur) de la classe plus pauvre.

Plus un pays est démocratique, moins il y a d’inégalités. La Norvège arrive au premier rang des pays où il y a plus d’égalité. Malheureusement, même là, l’idéologie néolibérale commence son oeuvre de destruction : "une vague de privatisations a débuté en 2000, lorsque l’État a vendu un tiers de l’entreprise Statoil, qu’il contrôlait jusqu’alors dans sa totalité" nous informe Wikipedia [1] Vague de privatisations également en Malaisie et en bien d’autres endroits.

Après la période des "trente glorieuses" où la démocratie avait gagné en vitalité, l’oeuvre de destruction, de bâillonnement de la démocratie, a recommencé il y a environ trente ans "Un basculement s’est produit au début des années 80, quand le lobby du grand patronat des États-Unis, la Business Roundtable, réussit à convaincre la Maison Blanche et le Congrès d’étendre le libre-échange aux services, aux investissements, et même à la protection des brevets des multinationales. Il s’agissait d’établir de nouvelles règles du jeu..." « Au Canada, le lobbying en faveur de l’ALÉ et de l’ALÉNA a été mené par le Business Council on National Issues (BCNI) devenu depuis le Conseil canadien des chefs d’entreprises (CCCE) [2]. Quiconque lit ce livre comprend pourquoi notre démocratie est en péril, comment elle est devenue à ce point ligotée.

Le plus grand obstacle à une saine démocratie

Beaucoup d’obstacles se dressent sur le chemin de la démocratie : cupidité, corruption, collusion, abus de pouvoir, armée très bien payée pour maintenir au pouvoir la minorité dominante, peur face à la répression. Toutefois, dernièrement on a vu en Égypte et en Tunisie, que des peuples solidaires peuvent même faire « sauter » ces obstacles. Tout n’est pas encore gagné loin de là, mais des points importants ont été marqués sur le chemin de la démocratie.

Au Canada et au Québec, en principe, nous ne faisons pas face à une dictature. Est-ce que cela veut dire que notre démocratie est en santé pour autant ?

Jusqu’à récemment, qui dans les médias de masse parlait des signes de dégradation de nos démocraties en Occident ? On accusait les lecteurs de cynisme, en prenant bien garde de nommer les causes de ce prétendu cynisme. Quand avez-vous lu dans les médias corporatifs, des analyses en profondeur sur la santé de notre démocratie ? On faisait face à un mur de silence. Tant qu’un cancer n’est pas diagnostiqué, il n’y a pas de possibilité de guérison.

Le plus grand obstacle à une saine démocratie, c’est justement ce silence assourdissant sur le péril que court notre démocratie.

Heureusement, Hervé Kempf avec son livre : L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie a percé une brèche dans ce mur. Il a brisé cet Omerta. Le Devoir a également publié l’excellent article Notre démocratie détournée ? de Louis-Gilles Francoeur. [3]

Peut-on désormais espérer des débats en profondeur, permettant aux électeurs d’identifier clairement les caractéristiques d’une saine démocratie et dès lors plus aptes à choisir un gouvernement réellement au service du bien commun et non à celui de l’oligarchie ? Peu de chance que cette alphabétisation politique se réalise d’ici les prochaines élections.

Tout de même, grâce à cette brèche dans le mur du silence, l’espoir refleurit à nouveau et nous invite à croire qu’un jour notre démocratie recouvrera sa pleine santé


[2Jacques B. Gélinas, Dictionnaire critique de la globalisation. Écosociété, p. 23 et 22

Françoise Breault

Après une carrière en enseignement, dont un an avec les Échanges France-Québec, j’ai poursuivi en travail social auprès des familles. Vers l’âge de cinq ans, je me demandais pourquoi il y avait des pauvres et ce que je pouvais faire. Sans en prendre pleinement conscience, cette interrogation m’a habité toute ma vie. Une année en Amérique du Sud ne m’avait toujours pas apporté de réponse. Cela m’a pris du temps à voir clair... Maintenant que la lumière est allumée, je ne peux et ne veux la refermer... Tous les faits, toutes mes lectures me confirment comment le système économique actuel contribue à ce fossé grandissant entre riches et pauvres. Me voici maintenant à ma 3e carrière, celle où je peux mettre tout mon temps et énergie à sensibiliser les gens aux graves enjeux d’aujourd’hui, afin de vivre dans un monde plus juste... « mais nous, nous serons morts mon frère... ».

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