Édition du 17 décembre 2024

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Négociation dans les secteurs public et parapublic

Y a-t-il du nouveau du côté de la négociation dans l’industrie de la construction ?

À la lecture de ce sous-titre, il y a sûrement certaines personnes qui se demandent si je ne suis pas en train de « disjoncter ». Rassurez-vous, je cherche simplement à attirer votre attention sur une injustice qui dure depuis de trop nombreuses années et qui est pénalisante pour les salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic qui sont à 75% des femmes.

La ronde de négociation de 2014-2015

Nous le savons, les augmentations salariales accordées par le gouvernement Couillard aux salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic, en décembre 2015, étaient les suivantes :

2015 : 0%

2016 : 1,5%

2017 : 1,75%

2018 : 2,0%

2019 : 0%

Il est juste d’affirmer qu’il y a eu des personnes qui ont vu leur salaire s’accroître en raison de leur progression dans les échelons (de 2015 à aujourd’hui) et également grâce à l’exercice de la relativité salariale (en 2018 pour les infirmières et en 2019 pour les autres salariéEs syndiquéEs qui y ont eu droit).

Précisons que l’avancement dans les échelons, qui s’accompagne d’un accroissement de salaire, est la reconnaissance par l’employeur que la personne employée acquiert avec le temps de l’expérience et de l’efficacité. La personne employée est donc plus productive et mérite, par conséquent, un salaire plus élevé. Nous commençons, en règle générale, au bas de l’échelle et nous progressons dans les échelons une année à la fois. Ainsi s’accroît, dans un premier temps, le salaire d’unE employéE.

Dans le cas de la relativité salariale, le gouvernement du Québec a été dans l’obligation d’admettre que ses échelles de rémunération comportaient de nombreuses injustices injustifiables et surtout parfaitement insoutenables plus longuement. Il se devait de reconnaître enfin que la vaste majorité de ses salariéEs étaient sous-classifiéEs dans la structure salariale existante dans les secteurs public et parapublic et que leur rémunération ne reposait pas sur le critère suivant : « À travail équivalent, salaire égal ». L’exercice de la relativité, de 2014-2015, qui a trop longtemps tardé avant de se conclure, a permis la mise en place, en fin de période du contrat de travail, de nouvelles échelles salariales bonifiées. Mais, il faut le mentionner, cet exercice consistait à corriger les injustices de la structure salariale qui a été en vigueur des années 1960 à 2019 et ne s’accompagnait d’aucun montant rétroactif.

Secteurs public et parapublic et Industrie de la construction

Il est de notoriété publique que les salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic sont sous-rémunéréEs. Cette sous-rémunération vient du fait que le gouvernement a fait disparaître, en 1979, la clause de la participation à l’enrichissement collectif, ensuite il a amputé, en 1983, les salaires de 19,5% durant trois mois, il a également imposé un gel d’avancement dans les échelons durant la même année et finalement il a réussi à détacher les augmentations salariales de l’inflation. Pire il a même imposé à de nouvelles occasions des années 0% d’augmentation salariale (en 2004 et en 2005). Résultat, la rémunération des salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic est de plus en plus à la traîne face aux autres salariéEs des administrations publiques (fédérale, municipale et entreprises publiques) et également par rapport à certainEs salariéEs du secteur privé.

Des négociations sont présentement en cours dans l’industrie de la construction. Ces négociations ne font pas beaucoup de bruit. Mentionnons que de 2015 à 2021, les augmentations salariales dans cette importante industrie ont été de 12,95% (2015 :2.2% ; 2016 : 2.3% ; 2017 : 2,10% ; 2018 : 2,10% ; 2019 : 2,10% et 2020 : 2,15%). Ce qui est beaucoup plus, précisons, ce qui est nettement beaucoup plus, que les augmentations salariales versées dans les secteurs public et parapublic.

Est-il nécessaire de rappeler que l’industrie de la construction est largement tributaire des contrats en provenance des deux paliers de gouvernement et des municipalités ? Comment se fait-il que les salaires versés (et payés par les autorités publiques) dans cette industrie, qui est une industrie d’hommes à 90%, augmentent plus rapidement que ce qui est négocié ou imposé autoritairement dans les secteurs public et parapublic ? Y a-t-il ici un signe d’une politique qui repose sur le principe « Deux poids, deux mesures » ? Y a-t-il également la preuve que le gouvernement du Québec applique une politique d’augmentation salariale pour ses employéEs syndiquéEs qui comporte un biais sexiste ?

Conclusion

Le gouvernement doit délier les cordons de la bourse et ajouter à son offre du mois de mai dernier une augmentation incluant un rattrapage substantiel et ce, dès la première année du nouveau contrat de travail (c’est-à-dire 2020). Il n’a, pour se faire, qu’à cesser de détourner l’argent en provenance du bien commun qu’il thésaurise dans le Fonds des générations. Une pratique comptable scandaleuse et unique au Québec. Cet argent doit être versé à celles et ceux qui travaillent pour améliorer les conditions de vie et d’existence de l’ensemble des membres de la collectivité québécoise. Ce sont les salariéEs syndiquéEs de la première ligne en santé et en éducation qui exposent en ce moment leur santé (pour la plupart) et leur vie au travail en ce moment (particulièrement vrai pour celles et ceux qui travaillent en mode « présentiel »). Ce sont ces personnes qui assurent la continuité des services dans des conditions uniques et dangereuses. Les salariéEs des secteurs public et parapublic n’ont pas vu leur salaire s’accroître depuis bientôt un an. Étrange. Il s’agit là selon nous d’une incongruité de la part du gouvernement Legault à l’endroit de ses salariéEs syndiquéEs qu’il semble tenir pour acquis.

La Saint-Valentin est derrière nous. Le 8 mars approche. Il est temps que les mots d’amour du gouvernement Legault à l’endroit de ses anges-gardienNEs se traduisent en des preuves concrètes de reconnaissance authentique, c’est-à-dire en argent sonnant et trébuchant. Il est grandement temps que les salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic voient enfin leur contribution au développement de notre société reconnue à sa juste valeur.

Yvan Perrier

22 février 2021

11 heures

yvan_perrier@hotmail.com

Lexique

Thésauriser : Amasser de l’argent de manière à constituer un fonds qui ne sert pas à des fins productives.

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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