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Montréal Noir et les familles de personnes tuées par la police rejettent le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI)

Montréal, 27 juin 2016 –

Le collectif Montréal Noir et la Coalition Justice pour les Victimes de Bavures Policières rejettent la constitution du Bureau des Enquêtes Indépendantes (BEI), qui entre en fonction aujourd’hui. Le fait que le BEI est composé d’anciens policiers et ex-employés de la police est un manque de respect pour nos communautés, ainsi qu’un manque de respect pour les familles et amiEs des personnes qui ont perdu la vie aux mains de la police.

Depuis le meurtre en avril de Jean-Pierre Bony, un membre de la communauté Noire qui n’était pas armé, Montréal Noir a revendiqué un organe d’enquête vraiment indépendant pour enquêter sur les bavures policières. Cette demande a été faite au bureau du SPVM à Montréal-Nord, ainsi que le 9 mai à l’assemblée du conseil de quartier de Montréal-Nord , qui était présidée par la mairesse du quartier Christine Black. Depuis 2010, la Coalition Justice pour les Victimes de Bavures Policières, avec les membres des familles et amiEs de Anas Bennis (tué en 2005), Claudio Castagnetta (tué en 2007), Ben Matson (tué en 2002), Jean-François Nadreau (tué en 2012), Quilem Registre (tué en 2007), Gladys Tolley (tuée en 2001) et Fredy Villanueva (tué en 2008), tous morts aux mains de la police, a demandé la fin des enquêtes de la police sur la police suite au décès d’une personne aux mains des policiers.

De plus, la famille de Brandon Maurice, un jeune de 17 ans tué par la SQ à Maniwaki en 2015, souhaite dire au public que : « La famille de Brandon Maurice est contre la structure du BEI... trop d’enquêtes ont été mal menées dans le passé, parce que c’était la police qui enquêtait sur une autre police. Nous avons besoin d’une organisation impartiale pour juger les erreurs de la police, et non pas d’un autre organe policier pour que les policiers se protègent les uns les autres, comme c’est le cas présentement. »

La composition raciale du corps d’enquête soi-disant neutre est presque à 100% des hommes blanc. Il suffit de regarder l’homogénéité raciale et de genre du BEI pour voir qu’il ne représente pas la diversité de la société québécoise. Et qu’il ne représente pas en particulier les communautés les plus affectées par la brutalité policière : les gens d’entre nous qui sont Noirs, Autochtones, Latino, trans et autrement marginalisés.

Cette homogénéité priorise une seule voix, puissante ; ceci fait que le pouvoir est gardé dans les mains d’un groupe d’élite, très distinct, qui domine déjà la société québécoise. (Voir le lien à la fin de ce communiqué pour la photo des agents du BEI).

Quatorze des dix-huit agents du BEI ont travaillé pour des corps de police, et neuf sur les dix-huit sont des anciens agents du SPVM. Ceci démontre un biais pro-police indéniable. Ces dernières années, plusieurs études ont démontré que le SPVM continue de faire du profilage racial et social, en particulier contre les personnes Noires, Autochtones, et les autres personnes racisées de tous les âges. Un rapport du SPVM de 2009 indiquait que 30 à 40% des jeunes Noirs de St-Michel et Montréal-Nord ont été interpellés lors d’interventions pour des motifs non-criminels par la police cette année-là. Ce n’est pas par accident que la surveillance et le profilage commencent par les jeunes de couleur, mettant les jeunes de nos communautés sur un chemin qui mène directement vers la prison.

Alors que le taux de criminalité continue de baisser, le taux d’incarcération des personnes Noires et Autochtones a explosé de plus de 80% cette dernière décennie, comme l’a fait le taux d’incarcération des personnes avec des problèmes de santé mentale. La présence de la police dans nos communautés s’est multipliée dans les rues, dans le métro et les parcs, ce qui ne crée pas de sécurité mais ajoute à l’insécurité dans nos communautés. Le BEI, tel qu’il existe aujourd’hui, ne changera rien à ces abus de pouvoir.

Le fait de confier à des anciens agents du SPVM une enquête menée par la SQ sur des abus policiers ne va que renforcer le statu quo d’impunité et l’absence de confiance du public. Le profilage qui perdure nous montre que la police n’a pas de respect pour nos vies, et le manque de conséquences significatives ces dernières décennies suite aux bavures policières nous montre que les enquêtes policières ne nous prennent pas en considération, même dans la mort.

D’après Julie Matson, membre de la Coalition JPVBP dont le père a été tué par la police en 2002, « La possibilité d’un bureau d’enquêtes réellement indépendant était un petit rayon d’espoir pour nous les familles qui ont perdu des proches aux mains de la police. Le bureau qui est mis sur pied, tel que proposé, démontre le même statu quo que nous avons toujours eu. C’est vraiment une déception. »

Un organe d’enquête vraiment indépendant inclurait la consultation, et un vrai pouvoir entre les mains des membres des communautés affectées, dont les communautés Noires, Autochtones, et des autres communautés racialisées, des personnes avec des problèmes de santé mentale et la communauté LGBTQI*.

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