Tel que soulevé par les commissaires, la question du développement durable passe par la participation citoyenne qui elle, est conditionnelle à la disponibilité d’une information complète. Le Bape reproche à Mine Arnaud de nier le caractère public de l’organisation malgré les parts majoritaires d’Investissement-Québec. Il ajoute que la transparence et le niveau de considération du bien-être des acteurs ne devrait qu’en être décuplé. Or, le manque d’information et de transparence « constituent de réels handicaps dans l’analyse du dossier, portent atteinte à l’efficacité et à l’intégrité de la partie publique de la procédure d’évaluation et d’examen des impacts et ne favorisent pas une participation citoyenne éclairée (Bape 301, p.32) ».
Beaucoup de sujets abordés durant les audiences ont été reportés à l’étape de l’ingénierie détaillée : ils seront traités dans un deuxième rapport produit par les experts des ministères provinciaux. Ni la population ni les commissaires n’ont pu en prendre connaissance durant les audiences, ce qui est pour nous inacceptable. Les négociations se passent à huis clos entre les fonctionnaires et Mine Arnaud. L’usine de filtration d’eau, pratiquement la seule mesure d’atténuation pour l’eau, en est un bon exemple, bien que les fonctionnaires du MDDEFP admettent qu’il y aura contamination potentielle des eaux de surface et souterraines : « Par ailleurs, certains métaux tels que l’argent, le baryum, le sélénium et l’uranium n’ont pas été analysés dans l’eau brute. Conséquemment, l’effet du traitement prévu à l’usine sur la diminution de la concentration de ces contaminants à l’effluent projeté est inconnu. (Bape 301, p.51) ». La commission considère globalement que la contamination des eaux souterraines et des eaux de surface n’ont pas été suffisamment documentés.
Pour la baie de Sept-Îles, le rapport conclut que des données sont indispensables afin d’évaluer son état initial et les impacts potentiels de Mine Arnaud. Les 3 commissaires rappellent que 2000 à 4000 tonnes de contaminants y seraient rejetées. On sent une certaine inquiétude des commissaires, ce qui confirme la nôtre, d’après des documents obtenus par la Loi d’accès à l’information auprès du Port de Sept-Îles :
Avis – La commission d’enquête constate que certains secteurs de la baie des Sept Îles présentent actuellement des signes de contamination et que des quantités importantes de polluants continuent d’y être déversées. En conséquence, elle est d’avis qu’une évaluation exhaustive et qu’une gestion globale et intégrée de la baie des Sept Îles s’imposent. La commission considère d’ailleurs que la mise sur pied d’un observatoire de veille environnementale pour la baie des Sept Îles constitue une importante première étape. (Bape 301, p.62)
Les risques reliés au tassement des sols et aux glissements de terrains pouvant affecter la route 138, les lignes hydro-électriques, la voie ferrée et les résidences devront être mieux documentés. Ces risques touchent particulièrement la population du canton Arnaud et celle de Sept-Îles.
Pour le lac des Rapides, nous considérons que les commissaires n’avaient peut-être pas toute l’information requise pour bien en juger. En effet, la Ville de Sept-Îles a récemment commandé deux études pour mieux évaluer l’état du lac, études qui ne sont pas encore déposées. Le fédéral a également émis une recommandation pour que notre source d’eau potable fasse l’objet d’un suivi durant plusieurs années. C’est dire que les experts fédéraux ne sont pas entièrement certains qu’il n’y aura pas d’impacts.
Des changements majeurs et fondamentaux devront être apportés au projet pour assurer le respect des critères et des normes car, d’après le rapport du Bape, certains aspects ne peuvent tout simplement pas être acceptables tels que présentés :
« …il ne serait pas superflu de rappeler que le critère [du manganèse] a été établi de manière à protéger la santé humaine. En conséquence, tout dépassement ne doit en aucun cas être toléré par le MDDEFP. Il est par ailleurs incohérent que l’étude toxicologique réalisée par le promoteur avec des « hypothèses très prudentes » (DA65, p. v) ne révèle pas de risque sur la santé humaine découlant de l’exposition au manganèse (ibid., p. 78) malgré une concentration atmosphérique supérieure au critère. (soulignement de nous)
En dépit des interprétations, des nuances et des prudences apportées tant par le MDDEFP que par le promoteur pour différencier les tailles des particules et leurs impacts sur la santé publique, il n’en demeure pas moins que la concentration maximale modélisée par le promoteur est supérieure au critère.
De deux choses l’une : ou bien le critère relatif au manganèse atmosphérique a été mal établi par le MDDEFP ou bien l’approche toxicologique utilisée par le promoteur pose problème. Dans ces circonstances, la commission se base sur le critère aux fins de son analyse puisqu’il apparaît comme étant le plus contraignant.
– La commission d’enquête constate que le critère relatif au manganèse atmosphérique serait dépassé en dépit de l’arrêt du transport des stériles visant à atténuer les émissions atmosphériques.
Avis – Considérant la neurotoxicité du manganèse, la commission d’enquête est d’avis que le ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs devrait exiger du promoteur le respect du critère en tout temps. (Bape 301, pp.91-92) »
Ces commentaires soulevés dans le rapport du Bape concernant l’évaluation du risque toxicologique sur la santé humaine rejoignent les questions que nous avons posées au promoteur en décembre dernier pour lesquelles nous n’avons pas obtenu réponse. Nous voulions plus de précision sur la conclusion qui disait qu’il n’y aurait pas d’impact significatif sur la santé humaine, conclusion que remet en question la commission. De plus, pour les particules fines :
Avis – La commission d’enquête est d’avis que les concentrations atmosphériques relativement élevées de PM2,5 auxquelles pourraient être exposés les résidents du canton Arnaud renforcent le précédent avis de la commission sur la nécessité de tout mettre en œuvre pour réduire le plus possible le niveau d’exposition à de telles particules. (Bape 301, P.96)
Afin que le promoteur puisse respecter les normes de qualité de l’air et les critères de niveaux de bruit, le Bape est d’avis que le taux maximum d’exploitation devrait être de 75 000 t/j. Les 3 comités se questionnent si l’imposition d’un maximum quotidien est compatible avec l’exploitation réaliste d’une mine.
Avis – Afin d’assurer le respect des critères de la note d’instructions 98-01 pendant l’exploitation de la mine Arnaud et d’assurer le maintien de la qualité de vie de la population riveraine, la commission d’enquête est d’avis qu’une éventuelle autorisation du projet devrait être conditionnelle à l’engagement du promoteur de ne pas extraire plus de 75 000 t/j. (Bape 301, p.104)
Nous constatons que le rapport ne fait pas allusion au cadre d’entente et d’acquisition des propriétés riveraines proposé par le promoteur. Est-ce qu’on peut en conclure que ce dernier n’a pas lieu d’être étant donné que le projet pourrait ne pas voir le jour ?
En ce qui a trait au paysage, les travaux de la commission ont permis de faire ressortir que le paysage serait affecté par la mine, contrairement à ce que soutenait le promoteur : « la commission d’enquête est d’avis que la construction et l’exploitation de la mine Arnaud altéreraient de façon importante le paysage d’un segment de la zone côtière de la baie des Sept Îles. » (Bape 301, p.118).
En conclusion, pour que le projet devienne acceptable, des changements majeurs s’imposent afin d’assurer, en particulier, le respect des critères et des normes et de diminuer les risques et les effets sur la santé humaine. C’est la proximité de la mine avec le milieu habité qui est au centre des problèmes. Il faut donc plus que des études complémentaires pour « boucher des trous », ce ne sera pas non plus une liste d’épicerie à cocher ! Ce sera au promoteur et aux investisseurs (dont Investissements Québec) à décider s’il est raisonnable de continuer les études à coup de millions.
« À la lumière de ses travaux, la commission ne peut que constater que l’ensemble du dossier est incomplet et ne répond pas adéquatement aux enjeux relatifs à la contamination des eaux de surface et des eaux souterraines ainsi qu’aux risques de glissement de terrain et de tassement de sol. Des évaluations complémentaires sont donc requises puisqu’elles sont essentielles pour une juste appréciation des impacts. En conséquence, la commission d’enquête est d’avis que le projet de Mine Arnaud n’est pas acceptable dans sa forme actuelle. »