« Non au coup d’Etat des marchés », pour « une véritable démocratie », pour la défense des services publics : les mots d’ordre sont multiples pour cette « marée citoyenne » du 23 février, jour anniversaire de la tentative de coup d’Etat militaire qui avait terrifié la jeune démocratie espagnole, le 23 février 1981.
Fonctionnaires, enseignants, médecins et infirmières, mouvements féministes, associations écologistes, petits partis politiques, groupes de la mouvance des « indignés » ou mineurs du nord de l’Espagne doivent se rassembler en quatre points de Madrid avant de converger samedi soir vers la place de Neptuno, près du Congrès des députés.
« La pire crise de la démocratie dans les dernières décennies »
« En 1981, après le coup d’Etat militaire, les citoyens avaient manifesté massivement pour défendre la liberté et la démocratie. Aujourd’hui, 32 ans après, nous appelons tous les citoyens, toutes les assemblées et tous les collectifs à se rassembler dans une journée de mobilisation », a lancé la plateforme 23F.
La plateforme dénonce pêle-mêle « les politiques brutales de rigueur sociale » ainsi que « la corruption et la perte de légitimité des institutions », à l’origine en Espagne « de la pire crise de la démocratie dans les dernières décennies ».
« Nous faisons face à un véritable coup d’Etat financier, c’est pour ça que nous avons choisi cette date », a expliqué Paco Segura, porte-parole de l’une des associations organisatrices, Ecologistas en accion. « Aujourd’hui aussi notre démocratie est menacée, c’est pour cela que nous manifestons : pour exiger une vraie démocratie où les gens puissent décider de leur avenir », a-t-il ajouté.
Sombres perspectives économiques pour 2013
Cible de la colère des manifestants : la politique d’austérité menée depuis un an par le gouvernement de droite de Mariano Rajoy, visant à récupérer 150 milliards d’euros sur trois ans, d’ici 2014, pour réduire le déficit du pays.
Mais cette politique de la rigueur à outrance est largement perçue comme un frein à la reprise de l’économie, au moment où l’Espagne, en récession, affiche un chômage à plus de 26%. Pour 2013, les perspectives restent très sombres, avec un chômage qui pourrait atteindre 26,9% et un recul du PIB de 1,4%, selon la Commission européenne.
Alors que tous les clignotants sociaux sont au rouge, la grogne est accentuée par l’aide européenne de plus de 41 milliards d’euros accordée au secteur financier, fragilisé par son exposition à l’immobilier, les banques étant considérées par beaucoup d’Espagnols comme les responsables de la crise.
La monarchie aussi égratignée
Les révélations successives sur des affaires de corruption qui éclaboussent les grandes institutions du pays renforcent encore le malaise. La monarchie, jusque là réputée intouchable, se retrouve prise dans la tourmente d’un scandale sans précédent, une enquête sur le détournement de millions d’euros d’argent public pour laquelle le gendre du roi Juan Carlos, Iñaki Urdangarin, était interrogé samedi par un juge d’instruction des Baléares.
Au point que la Maison royale a dû, vendredi, publier un démenti face à des rumeurs sur une éventuelle abdication du souverain, âgé de 75 ans et affaibli par des ennuis de santé à répétition. En janvier, c’est le nom de Mariano Rajoy qui est apparu dans une liste, publiée par le quotidien El Pais, de bénéficiaires présumés de paiements occultes. Le chef du gouvernement a riposté en assurant n’avoir jamais reçu d’argent au noir et a démenti, dans un discours prononcé mardi devant les députés, que la corruption « soit généralisée » en Espagne.
Tentant de reprendre l’initiative face à l’opposition qui lui demande de démissionner, Mariano Rajoy a voulu donner un ton positif à ce discours, prononcé lors du traditionnel débat sur l’Etat de Nation : grâce aux mesures de rigueur, a-t-il affirmé, l’Espagne a pu éviter « le naufrage ». Mais il n’a pas caché que le chemin à parcourir restait « long et difficile ».