Édition du 19 novembre 2024

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Lula condamné : fin de partie pour la gauche brésilienne ?

2 ans et un mois. C’est la peine prononcée mercredi 24 janvier à l’encontre de l’ex-président brésilien Lula lors de son jugement en appel. Les trois juges d’un tribunal régional de Porto Alegre ont décidé de confirmer le premier verdict du juge anti-corruption Sergio Moro, et même de le durcir en augmentant la peine d’un tiers. La condamnation porte sur des accusations de corruption passive et de blanchiment d’argent : l’ancien président de gauche aurait reçu, comme pot-de-vin de l’entreprise de construction OA, un appartement à Porto Alegre, et se serait fait financer des travaux dans cet appartement par l’entreprise. Reste que l’argumentaire de l’accusation repose principalement sur le témoignage d’un dirigeant de la société, lui-même mis en cause dans des affaires de corruption. Ainsi, en l’absence de « preuves matérielles », les trois juges ont sanctionné Lula pour des « faits indéterminés »...

Tiré de Basta Mag.

Deux poids, deux mesures

Cette condamnation est un nouvel épisode de la vaste opération anti-corruption Lava Jato qui ébranle le monde politique brésilien depuis 2014. Si cette opération touche l’ensemble des partis, c’est bien le Parti des Travailleurs (gauche) de Lula qui est aujourd’hui visé. Le président intérimaire Michel Temer, du parti de droite PMDB, est lui aussi l’objet de procédures judiciaires pour corruption, participation à une organisation criminelle et obstruction à la justice, mais il a pu faire obstacle aux enquêtes grâce au soutien du Congrès. Autre adversaire du PT, Aecio Neves, du parti de droite PSDB, qui avait perdu face à Dilma Roussef (PT) lors de l’élection présidentielle de 2014, siège toujours au Sénat en dépit de lourdes accusations de corruption.

Dans les coulisses de ces complexes procédures judiciaires, teintées d’arbitraires, les enjeux sont bien politiques. « Lula plus proche de la prison, plus loin de l’élection » titrait l’édition brésilienne en ligne du journal El Pais après le jugement. C’est surtout la candidature de Lula à la prochaine élection présidentielle brésilienne, prévue en octobre, qui est menacée. Lula et ses avocats n’ont certes pas encore épuisé tous les recours contre le jugement. Et il reste possible que l’ancien président puisse finalement concourir à l’élection.

Lula en tête des intentions de vote, devant l’extrême-droite

Lula est en tête des intentions de vote dans les sondages. Et la gauche brésilienne n’a pas de plan B. À part l’ancien président de 72 ans, c’est le vide à gauche, depuis la destitution de la présidente Dilma Roussef, élue en 2010 et démise de ses fonctions en 2016 à l’issue d’une procédure d’« impeachment » très politique. Dans les sondages, c’est actuellement le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro, ancien militaire, ouvertement xénophobe, violemment sexiste, et laudateur des tortionnaires de la dictature militaire brésilienne (1964-1985) qui arrive en deuxième position (voir notre article).

Pour autant, « Le jugement de Lula peut en fait marquer la reprise d’un débat politique », commente le site d’informations alternatif brésilien Outras Palavras. La destitution de Dilma Roussef, dénoncée comme « un coup d’état institutionnel » par la gauche, a évincé tout débat politique de fond, à gauche, sur le bilan des années PT (2003-2016). « Généralement enclin à la conciliation, Lula est aujourd’hui en train de se radicaliser, peu à peu. Il ne lui reste aucune autre sortie possible », analyse le journal. « On dit qu’il lancera en février une nouvelle adresse aux Brésiliens, qui ne s’adressera pas à l’aristocratie financière mais au “peuple“, en particulier à la classe moyenne ».

Mercredi, après le jugement, les adversaires de Lula du Movimento Brasil Popular (MBL), ceux-là même qui ont organisé de grands rassemblements pour la destitution de Dilma Roussef, manifestaient leur satisfaction de voir l’ancien président PT condamné en appel. Les partisans de Lula aussi ont défilé à Porto Alegre, son fief, et à São Paulo.

Rachel Knaebel

Auteure pour Basta Mag (France).

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