Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Les itinérant-es ne sont pas des marchandises !

Froids polaires et brutalités policières ou pas, je m’oppose fortement à cette idée, hélas fort simpliste et très répandue, qu’on devrait prendre les espaces « libérés » des nouveaux Instituts universitaires en santé mentale de Montréal et Québec (Louis-H. Lafontaine, Douglas, Robert-Giffard) pour y accueillir une partie des trente à quarante milles itinérant-es qui « encombrent » les grands centres-villes.

Gilles Simard est auteur et Pair aidant en santé mentale

D’abord, les gens ne sont pas des marchandises que l’on peut transbahuter comme ça, au gré des humeurs de l’opinion publique, et, les espaces disponibles des grands asiles ont été pour la plupart reconvertis à d’autres fins (selon les fantasmes expansionnistes ou de découvertes génétiques des directions).

Aussi, les ressources humaines de ces grands hôpitaux n’y sont plus mais surtout : comment parler d’autre chose que de retour en arrière quand on préconise la « réinstitutionnalisation » comme moyen de contrer un phénomène aussi complexe, touffu et multifactoriel que l’itinérance ? Quand on sait que l’accroissement des personnes itinérantes dans les centres-villes de Montréal et de Québec découle à la fois de la crise du logement, du manque de ressources de première ligne, de la toxicomanie croissante, d’une judiciarisation démesurée et d’autres facteurs psycho-sociaux sous-jacents ?

En fait, bien plus que de charité intéressée, de mauvais recyclage ou de compassion sociale par défaut, c’est d’une possibilité objective de combler leurs besoins de base (manger, se loger, se vêtir), de trouver un sens à leurs souffrances et de retrouver l’estime d’elles-mêmes dont ont le plus besoin les personnes qui errent le long des lignes de métro et des bretelles d’autoroutes. C’est de pouvoir se rebâtir intérieurement et de reconstruire leur réseau social et familial et, ultimement, c’est de retrouver leur dignité d’hommes, de femmes et de citoyen-nes à part entière dont ont besoin tous ces gens.

Mais pour ce faire, il faut plus de concertation et moins de travail en silo, il faut de meilleurs budgets et des moyens accrus pour les nombreux organismes communautaires œuvrant dans le domaine et il faudrait, aussi, que le gouvernement du Québec accouche enfin d’une véritable et authentique Politique de l’Itinérance. Bref, ce ne sont pas les vraies solutions qui manquent, c’est juste qu’elles sont trop peu appliquées. En attendant, faute de mieux, j’ai bien peur que nous en ayons encore pour un bout de temps à nous accommoder des faits divers navrants et des bons sentiments des uns et des autres !

À la limite, et même si l’auteur semble empreint d’une authentique compassion sociale, son discours me rappelle beaucoup les propos simplistes qu’on entend parfois à propos des personnes immigrantes et sans emploi : « Quoi ? Ils se plaignent de ne pas travailler ? On n’a qu’à les envoyer dans le Nord québécois.

Mots-clés : Québec

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