En partant, la bureaucratie syndicale avait découplé la lutte pour la convention collective de la lutte contre l’austérité en donnant la priorité quasi exclusive aux questions de salaires et de pensions manipulant un besoin légitime fort ressenti par les femmes bas salariées quitte à laisser quelques bribes de conditions de travail aux tables sectorielles surtout celle des professionnels. La partie patronale, imbue de super-austérité afin de se dédouaner de sa réputation de mauvais élève de l’ALÉNA, n’avait pas rétorqué par une offre initiale ouverte au compromis. Prenant acte, la bureaucratie syndicale se devait de brandir le spectre d’une grève générale de trois jours au bout de son plan d’action pour amener le gouvernement à bouger.
Dans ce cadre étriqué, la combinaison de la montée de la mobilisation et du réchauffement de l’opinion publique créèrent, chez les deux frères ennemis, un début de panique. La grève générale prévue au début décembre pouvait échapper au contrôle de la bureaucratie syndicale et déboucher sur l’épisode casserole du Printemps érable, même à 1972, surtout s’il y avait une loi spéciale au rendez-vous. Commença alors la danse macabre des concessions réciproques inaugurée par la contre-offre syndicale et conclue par la présente entente salariale en passant par les accords sectoriels puis la contre-offre patronale suite au succès relatif de la grève générale du 9 décembre qui a consolidé les nouvelles perceptions.
Qu’en est-il au bout du compte ? Une liquidation de la lutte contre les coupes et contre toutes les formes de privatisation, sans compter de la lutte pour le réinvestissement dans les services publics et programmes sociaux, sauf à éviter certains reculs exigés par la partie patronale et à gagner quelques améliorations marginales côté précarité et en éducation car la rallonge de 80 millions $ ne compense pas la coupe de un milliard $. Une liquidation du rattrapage salariale, sauf sous forme de relativité salariale lors de la cinquième année laquelle s’appliquera davantage aux hauts salariés alors que la nécessité en est criante chez les bas salariées.
Le prix de consolation en sera une probable protection contre l’inflation, dite contre l’appauvrissement, en autant qu’elle ne dépasse pas 2% par an, même moins, durant 5 ans. Car sans clause d’indexation complète ou partielle, le risque d’un dépassement repose entièrement sur les épaules syndicales. Et cinq ans c’est long. Déjà la forte dévaluation du dollar laisse anticiper une hausse du taux d’inflation car une bonne proportion du panier du consommateur est importé... surtout pour la nourriture comme les fruits et légumes hors saison. Hors, cette partie du panier pèse plus lourd pour les bas salariées. Quant à l’effet de baisse dû à l’effondrement du prix des hydrocarbures, il est quasiment arrivé à son terme.
Reste aux assemblées générales locales à ratifier cet accord déficient, pour ne pas dire pourri, au cours de janvier. Les femmes bas-salariées sont les principales gardiennes de cette ultime barricade. Marginalisées par la loi des services essentiels depuis leurs débrayages et manifs contre les coupes dans le cadre de la lutte contre la loi 10, elles ont l’occasion de remettre ces préoccupations, bien oubliées par les propositions syndicales, sur le devant de la scène. Pour contrer l’éternel argument monétaire, elles auraient beau jeu d’invoquer la générosité envers les médecins et Bombardier tout comme la supercherie du Fonds des générations.
Consciente de ce danger, la direction du Front commun se tait pour substituer l’attente d’information, lors des très prochaines assemblées de déléguées, au danger de rejet. Pendant ce temps, la militance combative se retrouvant le 16 au Conseil central de Montréal de la CSN se mettait la tête dans le sable sous prétexte qu’elle ne s’occupe que de mobilisation. Tout un défi pour la base syndicale, particulièrement pour ces femmes oubliées et marginalisées.
Marc Bonhomme, 19 décembre 2015