Préparez-vous à cela, car ça va continuer jusqu’aux élections. Pour Harper et sa bande, c’est une bouée de sauvetage, qui, espère-t-il, va sauver son navire en perdition. L’idée est de faire d’une pierre deux coups : terroriser les gens, les empêcher de penser rationnellement et les faire accepter un État dont la fonction principale devient de punir, de surveiller et de contrôler ; et détourner l’attention des « vrais » problèmes, soit, de la terrible arnaque en cours pour renforcer les atouts du 1%.
Pour cela, Harper bénéficie d’un formidable appui de nos médias « berlusconisés », notamment (mais pas exclusivement) le réseau Quebecor. Tous les préjugés réactionnaires et imaginables sont utilisés 24 heures sur 24, tant par les « experts » que les démagos patentés comme Richard Martineau et Éric Duhaime. Les experts sont surtout des ex-flics et agents de renseignement grassement sous-contractés par l’État, ou encore deux ou trois profs (toujours les mêmes) qu’on reconnaît comme des « savants » parce qu’ils sont allés à Gaza une fois dans leur vie. Pour eux, le monde est divisé en deux : les barbares et « nous », la « civilisation occidentale ». Dans les traces du conseiller du Pentagone et politicologue américain Samuel Huntingdon, il faut embarquer dans cette « guerre des civilisations » pour « nous » défendre et « les » exterminer. De plus en plus, c’est ce qu’on entend à Radio-Canada, ce n’est pas rassurant.
Mais Harper et ses amis néo-conservateurs canadiens et américains ont d’autres alliés, plutôt étranges ceux-là. Ce sont des « libéraux » de philosophie, parfois des gens qui se présentent comme des défenseurs des droits humains ou autrement. Sans compter les porteuses de ce qui est pour moi une vision totalement déformée du féminisme et du droit des femmes. Je ne sais pas si elles sont conscientes de ce qu’elles font quand elles nous alertent sur les « graves dangers » de ce qu’elles appellent « l’islamisation » de nos sociétés. J’espère que c’est un aveuglement dont elles vont se sortir bientôt.
L’islam n’est pas plus pas moins qu’un ensemble de préceptes habituellement mis de l’avant par toutes les religions. Ce n’est pas ma vision du monde, mais je peux comprendre pourquoi des tas de gens ont besoin d’une sorte de « refuge » psychologique dans la spiritualité. Après tout, la grande majorité des humains, à part Stephen Harper, aspirent à un monde de justice, de respect, de paix. L’idée d’un autre monde régi par une autorité suprême assurant ce bonheur éternel est attirant dans une société déchirée comme la nôtre.
Comme toutes les religions, l’islam a aussi ses « marqueurs » vestimentaires, alimentaires, comportementaux. On s’identifie, tant pour soi-même que ses proches et la société environnante. Je crois qu’il faut vivre avec cela. Si une femme voilée ou un jeune hassidique avec ses boudins vous met mal à l’aise, acceptez la différence.
L’idée que tout le monde doit être comme tout le monde n’est pas une idée progressiste. Ce n’est pas une idée de gauche, c’est une idée de droite parfois reprise par une gauche nonchalante.
Ce n’est pas pour relativiser les droits ou capituler devant des restrictions imposées aux individus par des structures religieuses. Dans ce sens, il y a effectivement des « lignes rouges », par exemple, le droit de chaque enfant à une éducation globale, respectueuse des autres. Le droit, largement non-respecté, des femmes de se protéger contre la violence, familiale entre autre (la grande majorité des cas de violence n’ont rien à voir avec l’islam, en passant).
Ceux et celles qui voudraient violer ces droits, il faut les sanctionner. Pas parce qu’ils sont musulmans, hassidiques ou évangéliques.
La bataille contre les femmes voilées n’est pas une bataille féministe et progressiste. C’est une bataille qui renforce au contraire tout ce qui représente dans notre société une attaque contre les droits et contre le vivre-ensemble. C’est une attaque qui s’inscrit tout à fait dans une vaste opération pour diaboliser des populations dans une vaste et tragique région qui traverse l’Asie et l’Afrique, et que les impérialismes (et oui le gros mot) veulent « sécuriser » pour leurs propres intérêts.
Tout le monde peut comprendre cela, à part Stephen Harper et Djemila Benhabib.